La santé mentale des travailleurs roumains
En 2024, le décès de deux employés sur leur lieu de travail a attiré l'attention des spécialistes.

Iulia Hau, 12.03.2025, 13:27
Plus récemment, en février 2025, une entreprise roumaine a été condamnée en justice pour l’épuisement professionnel d’une employée. C’est la première fois qu’une telle condamnation est prononcée. L’entreprise est désormais obligée de verser des dommages et intérêts à son ancienne employée. Les données confirment que le stress lié au travail n’est pas un phénomène isolé. Une étude récente analysant les réponses de 3 500 employés en Roumanie montre que 48 % d’entre eux ressentent souvent ou très souvent des symptômes d’anxiété au travail et que 43 % ne consacrent pas plus de trois heures par semaine à la détente.
Corina Neagu a plus de 20 ans d’expérience dans les ressources humaines et est la fondatrice d’un cabinet de conseil qui aide les organisations à cultiver le potentiel de leurs employés et à les aider à découvrir leurs talents. Elle estime que le faible niveau d’éducation en Roumanie au cours des 35 dernières années et le manque d’éducation émotionnelle sont des facteurs déterminants pour les problèmes de santé mentale liés au travail. Corina Neagu estime que les écoles roumaines ont encore beaucoup de chemin à faire pour former les futurs travailleurs.
« L’école en Roumanie n’apporte pas aux enfants les compétences dont ils auront besoin, nous ne nous occupons pas de l’émotivité de nos enfants. Les parents travaillent à l’étranger ou ne sont pas disponibles émotionnellement, les relations familiales sont dysfonctionnelles, il y a aussi de la pauvreté – dans les zones rurales – ou toutes sortes d’abus. Les parents ne savent même pas comment être bien avec eux-mêmes alors ça leur est difficile de gérer la relation avec leurs enfants. Tout cela a fait que notre état émotionnel et mental n’est pas ce qu’il devrait être. Oui, dans un pays civilisé, sain et normal, il existe des politiques de prévention, des stratégies au niveau national, des programmes au niveau organisationnel, des programmes de prévention et de bien-être – pour encourager le bien-être et la sécurité psychologique sur le lieu de travail ».
Le poids du passé
L’experte estime que le passé de nos concitoyens a donné naissance à des modèles de comportement qu’il nous faut désormais abandonner. À cet égard, la peur, principal instrument de contrôle sous le communisme, est toujours présente dans nos relations hiérarchiques. L’absence d’une culture du travail en équipe, un individualisme mal compris et la honte dans nos rapports avec les autres sont d’autres héritages culturels. L’experte poursuit :
« Un autre modèle culturel est que nous n’avions pas le droit d’avoir une opinion. Nous ne savions pas ce que signifiait un retour d’information. Si nous ouvrions la bouche, on nous disait « va dans ta chambre, les adultes parlent maintenant ». Sans parler des instruments de coercition qui existaient à la maison et à l’école. Là encore, il s’agit d’un modèle qui s’est perpétué ».
De nombreuses voix éminentes dans le domaine des ressources humaines affirment de plus en plus que les organisations jouent un rôle clé dans le bien-être des employés et, par conséquent, de la société en général. Corina Neagu le confirme :
« Les entreprises ne sont pas des tiers, elles sont dirigées par des personnes qui doivent prendre des décisions. La décision de prendre soin de ses employés doit être une priorité pour tout type d’organisation et pour tout type de dirigeant. Pourquoi s’occuper de son personnel ? Votre personnel s’occupe-t-il de vos clients ? C’est très simple. Oui, aussi bien les clients internes que les clients externes. Richard Branson l’a dit, je ne l’ai pas dit, mais il l’a très bien dit. Je veux dire que c’est extrêmement important – et vous ne vous occupez pas seulement de leur donner un salaire à la fin du mois, vous vous occupez de créer l’espace, le climat, la culture, l’environnement où ils se sentent authentiques et où ils peuvent venir et s’exprimer d’une manière authentique. Une authenticité consciente. Je ne veux pas dire que nous devons laver notre linge sale en public, mais que nous devrions pouvoir donner un feed-back sans en craindre les conséquences.
Une enquête menée par la plateforme BestJobs l’année dernière a révélé que la satisfaction professionnelle des employés roumains était à son niveau le plus bas depuis trois ans, avec seulement trois personnes interrogées sur dix qui se disent satisfaites de leur travail. Dans la même enquête, six employés sur dix ont déclaré que leur travail entraînait également des répercussions négatives sur leur vie personnelle. En même temps, de plus en plus d’ONG et de personnes formées aident les entreprises et les employés à développer des environnements de travail plus sains, où une communication saine et empathique anime les relations interpersonnelles.