Les pogroms d’Iaşi et de Bucarest
Le Pogrom de Bucarest a représenté une série de manifestations violentes et de crimes contre les Juifs, qui ont eu lieu durant la Rébellion légionnaire (de la Garde de fer) de janvier 1941. Il est considéré comme le plus grand et le plus violent pogroms contre les Juifs de Munténie. Cette même année, un autre pogrom, probablement le plus violent de l’histoire des Juifs de Roumanie, était organisé du 27 au 30 juin dans la région de Moldavie, 13.266 citoyens juifs roumains ayant été tués dans la ville d’Iași. Commémoration.
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Eugen Cojocariu et Ion Puican, 23.02.2025, 10:38
Le début de l’année 2025 est marqué par l’anniversaire des 84 ans depuis le « Pogrome de Bucarest » du 21 au 23 janvier 1941 et l’anniversaire des 80 ans de la libération, le 27 janvier 1945, d’Auschwitz (Pologne), le plus grand camp d’extermination nazi. Deux tristes commémorations de l’histoire moderne du monde et de la Roumanie. Le Pogrome de Bucarest a représenté une série de manifestations violentes et de crimes contre les Juifs, qui ont eu lieu durant la Rébellion légionnaire (de la Garde de fer) de janvier 1941. Il est considéré comme le plus grand et le plus violent pogrome contre les Juifs de Munténie (sud – sud-est de Roumanie). Cette même année, un autre pogrome, probablement le plus violent de l’histoire des Juifs de Roumanie, était organisé du 27 au 30 juin dans la région de Moldavie, 13.266 citoyens juifs roumains ayant été tués dans la ville d’Iași.
« Fotografii însângerate / Photos ensanglantées », un documentaire bouleversant
Le réalisateur d’origine juive Copel Moscu a dans son portefeuille une cinquantaine de courts et longs métrages dont il a assuré la réalisation et le scénario et qui ont gagné de nombreux prix nationaux et internationaux. C’est à la fin de l’année dernière, 2024, que son film « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées » a eu la première projection; c’est un documentaire qui évoque les événements bouleversants du Pogrome d’Iași.
Le réalisateur Copel Moscu a parlé au micro de RRI de ses origines et de la façon dont l’histoire officielle présentait ces événements à l’époque de son enfance et de sa jeunesse, avant la chute du communisme en 1989.
« Tout d’abord, vous savez que ma famille a des origines juives. Ce qui est intéressant c’est que je n’ai jamais entendu parler de ce pogrome durant mon enfance et ma jeunesse. Un événement terrifiant, une tâche noire sur l’histoire moderne, mais, en tenant à l’écart des informations sur ce qui s’était passé, mes parents ont voulu m’empêcher de porter jugement sur ces temps-là. Alors que j’étais très intéressé de savoir ce qui était arrivé aux membres de notre famille, car certains d’entre eux ainsi que des amis avaient été victimes de l’Holocauste. Cette obturation de l’histoire réelle était très pratiquée à cette époque-là. Les autorités communistes ne parlaient que très peu, voire pas du tout, de cet événement. Il n’était pas interdit d’en parler, mais ce n’était pas recommandé de le faire. … Ce fut un dérapage extrême de l’histoire et j’espère qu’il restera unique dans l’histoire… des gens, qui ne se connaissaient pas vraiment les uns les autres, et les uns ont supprimé les autres sans aucune explication claire, tout simplement par haine. … »
Le réalisateur Copel Moscu a continué expliquant sa façon de travailler à son documentaire.
2: « Le Conseil national d’étude des archives de la Securitate (CNSAS) gardent les photos réalisées pendant ces événements-là. Il existe encore un tas de documents et d’images classés et je n’en connais pas la raison, mais qui seront sans aucun doute rendus publics à un moment donné. Il est très intéressant de constater que notre histoire a encore des secrets à dévoiler et je crois que nous aurons encore de grosses surprises, car les documents et les images et les rapports de ces temps-là commencent à devenir plus clairs, donnant à chacun de nous l’occasion d’interpréter ce qui s’était passé à travers notre pensée moderne. Nous devons comprendre qu’une certaine époque a une certaine vision de l’histoire et qu’il nous est difficile de comprendre sans examiner ces éléments en profondeur … »
Un film montrant la préparation et l’exécution du pogrome
Le film documentaire « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées » présente des images montrant la préparation et l’exécution du pogrome, depuis le marquage des maisons des familles juives aux colonnes de Juifs obligés à creuser les fosses dans lesquelles allaient être jetés leurs semblables.
Copel Moscu raconte l’effet produit par ces photos sur le public et la manière dont il les a introduits dans son film. Track 3: « Cela s’appelle l’effet de parallaxe qui fait qu’une photo bidimensionnelle passe d’une certaine manière dans le tridimensionnel, dans l’espace, pour donner au spectateur la possibilité de vivre intensément cette image… Les images négatives, celles dans lesquelles on parle de la mort… Les gens peuvent regarder par moments des radiographies de leurs propres existences. … »
Ce film documentaire peut devenir du matériel à étudier pour les nouvelles générations afin qu’elles puissent mieux comprendre ces moments de l’histoire de la Roumanie, croit Copel Moscu, qui poursuit.
« Moi je crois que ce film devrait être projeté dans les établissements scolaires, surtout qu’il s’agit d’une matière scolaire presqu’obligatoire. Bon, elle est optionnelle, mais elle est inscrite dans le programme scolaire. C’est l’étude de l’Holocauste. … Ce film pourrait aider les jeunes à se construire une opinion sur cette époque-là, sur les relations entre les gens, sur l’approche d’une situation de crise … »
L’histoire dans la conscience collective
Le film documentaire « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées » ramène dans la conscience collective ces moments d’histoire dramatique, quand la législation roumaine de la dernière année du règne de Carol II avait donné un pouvoir légal à la discrimination raciale des Juifs, qualifiés de « race inférieure ». L’Etat national légionnaire avait durci les interdictions et limité les libertés et les droits civils des Juifs. Des milliers d’entre eux avaient été arrêtés, enquêtés et torturés à Bucarest durant la Rébellion légionnaire. Des temples et des synagogues avaient été pillés, plusieurs assassinats avaient été commis dans la forêt de Jilava, à proximité de la capitale. Les statistiques ont fait état de plus de 120 Juifs tués pendant le Pogrome de Bucarest, 1274 boutiques, appartements et ateliers saccagés, des centaines de camions de marchandises pillés. Ces événements de Bucarest ont été niés ou omis de l’histoire récente après répression de la Rébellion. Des théories ont été avancées pour soutenir des conspirations supposées des Juifs et des communistes en lien avec le Pogrome de Bucarest et avec la véracité des faits. (Trad. Ileana Ţăroi)