Exercices de résilience énergétique
Confronté au plus grand défi énergétique de son histoire, dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’Europe poursuit ses efforts pour éliminer la dépendance énergétique face à la Russie. C’est le meilleur exercice de résilience, qui sert d’exemple à d’autres domaines aussi, affirment les invités au micro de RRI. Perspectives.
Corina Cristea, 17.01.2025, 09:38
Pour et contre le gaz russe
Avec l’arrêt, le 31 décembre passé, du transit du gaz russe sur le sol ukrainien, le début de l’année ramène sur le devant de l’actualité la question ardue de l’approvisionnement en énergie de l’Europe. Le geste de l’Ukraine, qui entend priver Moscou de cette manne financière, se comprend aisément. Budapest et Bratislava, largement dépendantes du gaz russe et entretenant de bonnes relations avec Moscou, ne se sont pas privées de critiquer vertement l’attitude de Kiev. De l’autre côté, le président ukrainien Volodymyr Zelenski a mis en cause l’attitude du gouvernement slovaque qui tente d’ouvrir, selon lui, sous les ordres de Moscou, un second front, énergétique cette fois, contre son pays.
Dans la même veine, la décision de Gazprom d’arrêter, à partir du 1er janvier, les livraisons de gaz vers la république de Moldova a mis en danger l’approvisionnement de la centrale électrique de Cuciurgan, située en Transnistrie et contrôlée par les séparatistes pro russes, qui a décidé d’arrêter de fournir en énergie la plupart du territoire de la république de Moldova, à l’exception de la région pro russe de Transnistrie. Les stocks de charbon, l’autre source d’énergie censée alimenter les centrales électriques moldaves grâce au charbon fourni autrefois depuis le Donbass ukrainien, région occupée aujourd’hui par Moscou, s’amenuisent et risquent de s’épuiser dans un délai de 1 à 2 mois.
Moldova – l’état d’urgence énergétique
Face à cette situation, les autorités moldaves ont institué l’état d’urgence en matière énergétique et ont fait appel aux importations en provenance de Roumanie. Selon les données publiées par Chisinau, plus de la moitié de la consommation d’énergie de la république de Moldova est dernièrement assurée par les importations en provenance de Roumanie, 4e pays de l’UE en termes d’indépendance en matière énergétique par rapport aux importations russes, après la Suède, l’Estonie et l’Islande.
Au niveau de l’ensemble de l’UE, si en 2021 les importations européennes d’énergie étaient alimentées à près de 62% par la Russie, la part de celles-ci n’a cessé de baisser depuis le début de la guerre en Ukraine et depuis la mobilisation européenne autour de la construction des capacités de production d’énergie verte.
Le journaliste et analyste militaire Radu Tudor fait le point de cette guerre de l’énergie.
Radu Tudor : « Les menaces de Gazprom sont récurrentes. L’hiver dernier déjà, ils ont sorti une vidéo qui montrait comment l’Europe allait geler et comment les Européens allaient mourir de froid. C’est de la propagande. L’Europe a dépassé l’hiver précédant en conservant de 30 à 40% de ses réserves. Quant à la Roumanie, nous pouvons dépasser cet hiver sans problèmes. Nous ferons appel à quelques importations, mais non pas parce que l’on est dépendant de ces importations, mais parce que l’on est connecté au marché européen du gaz. Si l’Europe parvenait à asseoir son indépendance énergétique, cela constituerait un excellent exercice de résilience et un modèle à suivre dans d’autres domaines. Car nous sommes toujours trop dépendants des produits chinois ou indiens, et cela accroît notre vulnérabilité. Il nous faut réapprendre à compter sur nous-mêmes, sur nos ressources et à protéger nos domaines d’importance stratégique. »
L’approvisionnement en énergie de l’Europe, une priorité
Assurer la résilience énergétique de l’Europe est devenue une priorité depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, et cette volonté se manifeste dans beaucoup de projets mis en œuvre au niveau européen. Cependant, construire des mégas capacités de production d’énergie peut constituer un risque et une vulnérabilité potentielle dans un contexte de guerre. C’est pour cette raison en outre que certains ont jeté leur dévolu sur la construction des capacités de production de moindres dimensions.
Radu Tudor : « Vers la fin des années 70, la Roumanie a mis sur pied son programme nucléaire. Et alors même que l’on faisait partie du Pacte de Varsovie, la Roumanie a choisi une technologie canadienne, une technologie originaire d’un Etat membre de l’OTAN donc, pour ce faire. Le résultat fut l’apparition de la centrale nucléaire de Cernavoda. Aujourd’hui, la Roumanie développe davantage son programme nucléaire en s’appuyant dorénavant sur la technologie américaine des petits réacteurs modulaires (PRM), qui assurera selon moi une meilleure résilience au système énergétique roumain, mais aussi à nos amis, à nos voisins, à ceux qui auront besoin de nous, telle la république de Moldova. »
Un projet que l’on a tout intérêt de voir aboutir aussi vite que possible, appuie Radu Tudor. Un projet qui assurera à la Roumanie non seulement un statut d’indépendance, mais la transformera en un exportateur qui a son mot à dire en matière énergétique au niveau européen. (Trad. Ionut Jugureanu)