Le courrier des auditeurs du 20.12.2024
Alex répond à vos questions et messages
Alex Diaconescu, 20.12.2024, 10:00
Bonjour et soyez les bienvenus pour une nouvelle édition de notre Courrier des auditeurs que je suis très heureux d’animer à nouveau. Comment allez-vous en cette mi-décembre ? En Roumanie, c’est la dernière ligne droite avant les fêtes de fin d’année et après un début décembre très tourmenté à cause des élections, législatives mais surtout présidentielles. Après tout le drame que le scrutin présidentiel a produit en ce début décembre, nous nous préparons pour une trêve politique pendant Noël. Et pourtant, c’est très probable que les débats sur des thèmes politiques se poursuivent durant les repas festifs en famille. C’est pourquoi, mieux vaut éviter les polémiques politiques durant les réunions familiales. Comme aux Etats-Unis, trois sujets sont à éviter : on ne parle pas politique, religion, ni argent.
Naghmouchi Nouari – comment se déroulent les fêtes de fin d’année cette année?
Et je passe maintenant à vos questions et messages pour commencer par Naghmouchi Nouari d’Algérie. Je cite notre auditeur : « Bonjour et comment allez vous et ma belle radio. Je souhaiterais connaitre comment se passent les fêtes de fin d’année dans votre pays ? » Eh bien, cher auditeur, comme j’ai dit au début de ce Courrier des auditeurs, les fêtes de fin d’année sont un peu différentes en 2024 et retrouvent la Roumanie plus polarisée que jamais. Comme chaque année, toutes les grandes villes ont sorti depuis le 1er décembre les décorations de Noël et installé l’éclairage festif, les marchés de Noël de Sibiu, Bucarest et surtout Craiova sont bondés, le taux d’occupation des stations de montagne de la Vallée de la Prahova (sud) tourne déjà autour des 80% pour Noël, et les centres commerciaux et hypermarchés sont pris d’assaut par des Roumains qui sont toujours à la recherche du dernier cadeau de Noël. Et pourtant, cette année, on sent une certaine modération chez les Roumains, inquiets peut-être des évolutions politiques et sécuritaires, ou bien soucieux d’une récession l’année prochaine. Peu à peu, les villes commencent à se vider de monde, à mesure que les écoliers entament leurs vacances d’hiver et que les citadins partent à la montagne, ou bien en province, pour fêter Noël en famille. Et cette atmosphère continuera jusqu’au début janvier, puisqu’en Roumanie on bénéficie de pas moins de 6 jours fériés à l’occasion des fêtes d’hiver : les 25 et 26 décembre, le 1er et le 2 janvier, mais aussi les 6 et 7 janvier, à l’occasion de l’Epiphanie (le 6) et de la Saint Jean (le 7). Comme chaque année d’ailleurs, Noël, la Nouvelle Année et l’Epiphanie et la Saint Jean sont un mélange de fêtes chrétiennes et de célébrations païennes à l’origine, auxquelles vient s’ajouter le consumérisme de la société moderne.
Paul Jamet – Les jouets en bois ont-ils la cote?
Et on continue toujours par la fête de Noël qui approche, avec le mail que nous a envoyé notre fidèle auditeur Paul Jamet de France. « Vos confrères de Corée du Sud et les médias se sont fait l’écho d’un sommet qui s’est tenu à Busan sur la dramatique pollution de notre Globe par des milliers de tonnes de matières plastiques ! Qu’en est-il en Roumanie ? En France, à l’approche de Noël, les jouets en matière plastique sont pointés du doigt d’autant plus que les enfants qui les reçoivent en font bien souvent une utilisation éphémère ! Certains prônent le retour à des jouets plus traditionnels, en matériaux naturels réutilisables; et bien sûr on pense au bois. Là encore, qu’en est-il en Roumanie ? Les jouets en bois ont-ils la cote ou pas ? »
Eh bien, M Jamet, la question de la conciliation du consumérisme spécifique aux fêtes d’hiver aux choix éco-responsables est assez épineuse. En Roumanie aussi, Noël est une fête durant laquelle on ne regarde plus dans nos poches afin de pouvoir offrir les meilleurs cadeaux possibles. Certes, des jouets en bois existent déjà sur le marché, mais ils sont choisis surtout par les parents éco-responsables, une catégorie assez restreinte de Roumains, ou bien par ceux qui souhaitent offrir des cadeaux un peu différents à leurs enfants. Il s’agit plutôt de jouets et de jeux de construction, éducatifs pour les plus petits. Mais généralement les jouets classiques, en plastique, parfois même affiliés à différentes marques et à différent héros qui gardent la cote, comme vous dites.
Amady Faye – Pensées aux habitants de Timisoara, ville de départ de la Révolution
Et je passe maintenant au message que nous a envoyé notre auditeur du Sénégal : Amady Faye. « Bonjour à toute l’équipe du service français de RRI, Du Samedi 16 au Lundi 25 décembre 1989, Révolution contre le régime de Nicolae Ceausescu, Président de la République Socialiste de Roumanie. A quelques jours de la commémoration des trente cinq ans de ce douloureux événement, je voudrais, à travers le présent courriel, manifester mon estime au peuple souverain. Pensées aux habitants de Timisoara, ville de départ de la Révolution ! » Merci beaucoup M Faye pour votre message et chaleureuses salutations. En effet, chaque décembre nous commémorons les Roumains qui ont perdu la vie durant la Révolution anticommuniste roumaine de décembre 1989. Et même si de nombreuses voix affirment que le rôle de l’armée a été décisif dans le renversement du régime communiste ou que des puissances étrangères auraient également contribué à la chute de Ceausescu, le courage de ceux qui ont participé à la Révolution et notamment de ceux qui ont affronté dès le début les forces de répression a été le principal élément déstabilisateur du régime communiste, l’étincelle qui a allumé la flamme de la Révolution de 1989.
Christian Ghibaudo – qu’elle est la popularité du président sortant ?
Et je passe maintenant à l’actualité récente avec le mail que nous a envoyé notre ami Christian Ghibaudo de France. « Comme je vous l’écrivais il y a quelques semaines, j’avais été surpris par la victoire au premier tour du candidat C. Georgescu. Et j’ai été encore plus surpris par l’annulation de ces élections présidentielles. Malheureusement, actuellement il faudra s’accommoder du virage vers la Droite extrême, de l’électorat. Cela est le résultat de la politique des élus de gauche et du centre. De plus la guerre en Ukraine, pays limitrophe de la Roumanie, n’arrange pas les choses. Les européens ne sont plus solidaires, personne ne veut des problèmes du voisin. C’est ainsi que les électeurs penchent à Droite dans de nombreux pays, la France incluse. Comme je vous l’ai déjà dit, personne ne veut faire plus d’efforts pour une victoire de l’Ukraine. Résultat, à partir de janvier avec la prise de fonction de Donald Trump, on aura une sortie de conflit au profit de la Russie. Sinon en attendant, je suppose que le président actuel K. Iohannis restera en fonction. D’ailleurs qu’elle est la popularité du président sortant ? Je vous souhaite de passer un Joyeux Noël ! »
Merci beaucoup de votre message. Vous avez très bien résumé les faits. Le virage vers la droite extrême est sans nul doute le résultat des politiques des partis « traditionnels », le PSD et le PNL qui se sont retrouvés ces quatre dernières années partenaires d’une coalition gouvernementale impossible à première vue car réunissant la gauche et la droite. On dit que cette solution a été imaginée et imposée par le président Klaus Iohannis lui-même, un président soutenu par le Parti national libéral. L’objectif ? Avoir de la stabilité politique surtout dans un contexte instable, avec une guerre aux frontières du pays. Pourtant, les détracteurs de M Iohannis l’accusent d’avoir voulu s’assurer un second mandat assez paisible, sans trop de débats susceptibles de l’impliquer directement. Cette cohabitation a donné du vent en poupe aux extrémistes de l’AUR qui ont été en opposition aux côtés des centristes de l’USR. Désormais, suite aux législatives du 1er décembre, il y a trois partis qui se déclarent souverainistes au sein du Parlement de Bucarest et qui comptent pour un tiers du nombre total des sénateurs et députés. S’y ajoute l’absence de toute communication réelle du président Iohannis, qui n’a pratiquement pas donné d’interviews à la presse sur aucun sujet majeur durant son second mandat. La presse et les commentateurs politiques ont également critiqué ses visites et tournées à l’étranger à l’air « touristique », s’étendant sur plusieurs jours, aussi après la fin du programme officiel, à bord de jets privés de luxe loués aux frais de l’Etat et classés « secrets ». A noter aussi son absence des débats importants en Roumanie – il n’a plus participé aux réunions du Conseil supérieur de la magistrature, ni aux réunions gouvernementales, même s’il avait ce droit aux termes de la Constitution. Entre temps, les magouilles et les affaires de corruption se sont poursuivies en toute impunité apparemment sur la scène politique roumaine, sous le haut patronage des services de renseignement qui ont monté en puissance pour s’impliquer directement dans les politiques gouvernementales. Deux mandats consécutifs qui se sont achevés par l’ambition de M Iohannis d’obtenir encore une fonction : secrétaire général de l’OTAN, ou du moins sénateur au Parlement roumain. Tout ce tableau, et bien d’autres détails sont à retrouver dans une enquête de deux heures réalisée par les journalistes de Recorder.ro portant sur « la décennie Iohannis ». Le reportage est à retrouver sur Youtube, mais malheureusement, il est disponible uniquement en Roumain. Voilà pourquoi actuellement, la popularité du président sortant Klaus Iohannis, dont le mandat vient d’être prolongé jusqu’à l’élection d’un nouveau président, est tellement basse que certains hommes politiques ont suggéré que ce serait mieux que le chef de l’Etat démissionne et que ses attributions soient assumées par Chef du Sénat, comme le dit la Constitution. Reste à voir qui sera donc le nouveau président du Sénat. Certes, la percée de l’extrême droite en Roumanie suit des tendances qui se sont illustrés depuis pas mal de temps à travers l’Europe et de ce point de vue la Roumanie n’innove pas, mais le manque de communication honnête et claire des partis au pouvoir et du président durant des crises successives telles la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine ont poussé pas mal d’électeurs à donner un vote de protestation, dans une tentative de sanctionner le système en place. Ce vote a engendré aussi des changements au sein des vieux partis, puisque le PNL a un nouveau chef en la personne d’Ilie Bolojan, un ancien maire libéral connu pour son efficacité en matière de questions administratives. La remise des élections présidentielles au printemps prochain ne fait que geler le processus d’élection d’un nouveau président pour une période limitée de temps. Alors que les autorités dont notamment les services de renseignement sont attendues à expliquer leurs rapports sur les détails de l’ingérence de la Russie dans le processus électoral roumain, de nouveaux candidats sont attendus à s’inscrire dans la course présidentielle.
Déjà, l’actuel édile en chef de la Capitale roumaine, Nicusor Dan, qui vient de remporter un deuxième mandat en juin, a annoncé son intention de se porter candidat à la plus haute fonction de l’Etat roumain. Reste à voir qui seront les autres candidats dans la course présidentielle et si celui qui a remporté le premier tour du scrutin présidentiel, le nationaliste et souverainiste Calin Georgescu pourra encore se porter candidat. Rappelons-le, la Cour Constitutionnelle a annulé les élections présidentielles invoquant justement des ingérences extérieures en faveur de Calin Georgescu. Entre temps, le contexte demeure compliqué comme vous l’avez déjà mentionné M Ghibaudo, puisque nous attendons tous comment agira le nouveau président américain, Donald Trump dans la solution de la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine. D’ici là, à Bucarest la coalition pro-européenne se prépare pour freiner le déficit budgétaire et gérer ainsi une récession économique de plus en plus évidente.
Et c’est par ce message que je mets fin à ce courrier des auditeurs. Enfin, je souhaite un Joyaux Noël et bonne année à tous ceux qui nous écoutent ou nous suivent. A très bientôt !