35 années depuis le début de la Révolution roumaine
En décembre 1989, la révolution anticommuniste roumaine a mené à la chute du régime communiste dirigé à l’époque par Nicolae Ceausescu. Considérée comme le moment 0 de l’histoire récente de la Roumanie, même son interprétation a déclenché les passions.
Steliu Lambru, 23.12.2024, 10:32
Sur la révolution roumaine du mois de décembre 1989 qui a mené à la chute du régime communiste dirigé à l’époque par Nicolae Ceausescu l’on a écrit des bibliothèques. Considérée comme le moment 0 de l’histoire récente de la Roumanie, même son interprétation a déclenché les passions.
La révolution éclate le 16 décembre 1989 à Timisoara
C’est que le 16 décembre 1989, la ville de Timișoara se voit gagner par un mouvement de proteste qui, aussi timide qu’il a pu être d’abord, entraînera rapidement dans son tourbillon, telle une boule de neige qui se transforme en avalanche, la société roumaine toute entière. 6 jours plus tard, le 22 décembre 1989, Nicolae Ceaușescu et son régime à l’apparence inébranlable tombaient comme un jeu de cartes. La chute de ce régime honni laissera toutefois derrière elle près de 1.150 morts et 4.100 blessés. Les corps des premières 44 victimes tuées à Timișoara, le régime tentera de les faire disparaître. Transportés pour être brûlés en douce dans le Crématorium de Bucarest, les cendres de ces premiers héros de la révolution roumaine seront jetées dans les canalisations d’une commune de banlieue, Popești-Leordeni, dans le sud de Bucarest.
Pourtant, le 16 décembre 1989, pendant les premiers moments de la révolte de Timisoara, peu nombreux étaient ceux qui pouvaient soupçonner combien cette révolte allait changer la face du pays.
Retour sur le 16 décembre 1989
Le journaliste Mircea Carp, ancien directeur de la section roumaine de radio Free Europe, remémorait ces jours fébriles du mois de décembre 89 lors d’une interview de 1997, conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine :
« Après la révolte ouvrière matée par le pouvoir en 1987 à Brasov, les années suivantes, 88-89, ont été marquées par ce sentiment de délitement du régime communiste dans la plupart des pays de l’Est. En effet, les événements se précipitaient en Allemagne de l’Est, en Pologne, en Hongrie, en Tchécoslovaquie. Chez nous, rien ne semblait bouger en revanche. Ceausescu semblait maître de la situation à tel point qu’il osera partir en visite d’Etat en Iran même après le début de la révolte de Timisoara. C’est dire combien il se sentait en confiance. »
Un moment inattendu
Il est vrai pourtant que l’Europe de l’année 1989 était en ébullition. L’apparition du mouvement Solidarité sur la scène politique polonaise a représenté un moment fort pour tous les mouvements anti-communistes de l’Europe centrale et de l’Est. Avant le mois de décembre 1989, le vent du changement soufflait avec force, balayant sur son passage les régimes ossifiés voisins.
Mircea Carp se rappelle pourtant combien le soulèvement de Timisoara a surpris tout le monde :
« Il faut admettre que le moment et l’endroit où cela a commencé nous ont pris à dépourvu, même si, à radio Free Europe, nous nous doutions que cela devrait arriver, tôt ou tard. Mais les événements du 16 décembre, puis ceux du lendemain, nous ont surpris. Personnellement, j’étais en vacances. Le premier qui a parlé sur nos ondes de ce qui se passait à Timisoara a été mon collègue, Sorin Cunea. Mais à partir du 18 décembre, nous nous sommes organisés au sein de la rédaction par équipes de 3 ou 4 et avons commencé à transmettre 24/24. L’on avait été gagné par l’effervescence du moment et l’on préparait nos émissions à la hâte sur base des infos fournies par les agences de presse ou par des voyageurs de passage en Roumanie ».
Radio Free Europe, aux côtés des Roumains
Les Roumains, isolés dans leur propre pays, étaient friands d’entendre ces voix de la liberté. Mircea Carp :
« Radio Free Europe a été sur le coup dès le début du soulèvement populaire anticommuniste. Certes, ce fut le cas d’autres radios aussi, mais je crois que radio Free Europe a été parmi les premiers médias qui ont couvert à fond l’événement. Une chose est sûre : nous n’avons eu aucun rôle actif dans le déclenchement des événements du mois de décembre. Nous n’avons rien fait pour encourager activement le soulèvement populaire contre le régime. On aurait pu le faire pourtant. Je ne puis cependant évaluer l’impact qu’on aurait pu avoir. Quoi qu’il en soit, le gouvernement américain, par l’intermédiaire de ses radios, la radio Free Europe et la Voice of America, n’a rien fait en ce sens. Il ne pouvait probablement pas prendre le risque de provoquer un bain de sang, même au prix de la liberté. »
35 années plus tôt, le 16 décembre 1989, les premières lignes de l’histoire de la Roumanie postcommuniste commençaient à être écrites à Timisoara. Des lignes d’une histoire tellement proche et éloignée à la fois. (Trad Ionut Jugureanu)