Un nouveau pas vers l’intégration européenne de la République de Moldova
Les Moldaves ont réélu la pro-européenne Maia Sandu à la tête du pays, après deux tours de scrutin extrêmement tendus. Analyse des enjeux de l'élection présidentielle moldave.
Corina Cristea, 08.11.2024, 11:11
Elections présidentielles en Moldavie : un premier tour très tendu
Le 20 octobre passé les Moldaves se sont prononcés par référendum en faveur d’une modification de la constitution moldave, permettant à la petite république roumanophone, située entre la Roumanie et l’Ukraine, l’adhésion à terme de leur pays à l’UE, et envoyant du coup, le même jour, en finale de l’élection présidentielle la candidate pro-occidentale Maia Sandu face au candidat pro-russe, le socialiste Alexandr Stoianoglo. Un second tour qui a été finalement gagné haut la main par la première, avec plus de 55% des voix exprimées.
Sandu accuse Stoianolgo
Lors du seul débat électoral télévisé qui a précédé la finale de l’élection présidentielle du 3 novembre, Maia Sandu n’a pas hésité à accuser son adversaire d’être l’homme de Moscou et le cheval de Troie du Kremlin. Stoianoglo, ancien procureur général demis de ses fonctions en 2021 par Maia Sandu pour suspicions de corruption, a par ailleurs été chargé par la présidente en exercice de n’avoir pas envoyé devant la justice les grands noms de la corruption moldave: Igor Dodon, Viaceslav Platon et Ilan Şor. Mais Maia Sandu reprocha aussi à son opposant sa position ambiguë à l’égard de l’adhésion de son pays à l’UE, position traduite par le refus d’Alexandr Stoianoglo d’exprimer son vote au référendum, alors qu’il avait malgré tout soutenu le parcours européen de son pays lors de sa campagne électorale. En effet, Stoianoglo entend consolider les relations de la république de Moldova avec l’UE tout en maintenant de bonnes relations avec la Russie et la Chine qu’il appelle « des partenaires de développement de la république de Moldova, tout comme l’UE ».
Chisinau dénonce l’immixtion russe dans la campagne électorale
Tout au long de la campagne, Chişinău a dénoncé l’immixtion des services russes dans le processus électoral, des allégations vivement démenties par Moscou. Maia Sandu fit même état, à l’issu du premier tour de l’élection présidentielle, de détenir de s« preuves irréfutables » que des groupes de nature criminelle, soutenus par « des forces hostiles à l’intérêt national », ont tenté de corrompre 300.000 voix, soit 20% de l’électorat moldave. Quoi qu’il en soit, à l’issue de ce premier tour de scrutin, Sandu obtient près de 43% des voix exprimées, alors qu’Alexandr Stoianoglo n’en obtient que 26%.
Un référendum qui passe de justesse
Quant aux résultats enregistrés lors du référendum, plus de 750.000 votes se sont exprimés en faveur de la modification constitutionnelle permettant à la République de Moldova de rejoindre l’UE, soit une avance de seulement 12.000 votes du camp pro-européen, obtenue grâce notamment au vote de la diaspora moldave. Même scénario lors du second tour de l’élection présidentielle, qui a vu Alexandr Stoianoglo s’imposer dans les préférences des Moldaves résidant au pays, alors que la présidente en exercice Maia Sandu a pu faire finalement incliner la balance en sa faveur grâce au vote de la diaspora, où son nom fut plébiscité par 83% des 328.855 votes exprimés à l’étranger. Avec une présence aux urnes qui s’est élevée à 54,31%, près de 1.700.000 Moldaves ont choisi de prendre part à l’issue de cette lutte électorale dont la mise en catimini était le rattachement à terme de leur pays à l’UE ou le maintien du statu quo actuel, favorable à Moscou. Maia Sandu, première personnalité politique qui ait pu emporter deux élections présidentielles successives déroulées au suffrage universel, entre ainsi par la grande porte dans l’histoire de la jeune république.
Les enjeux de ces élections
Quant à l’importance de cette issue électorale, l’analyste politique et militaire Radu Tudor explique :
« La république de Moldova compte malheureusement sur son sol, dans la région de Transnistrie, des troupes russes d’occupation. Cette région se trouve depuis 34 ou 35 ans sous le contrôle de Moscou. N’oublions pas qu’en 1992, 300 Moldaves roumanophones ont été tués par ces troupes simplement parce qu’ils revendiquaient le droit d’utiliser leur langue natale, la langue roumaine, dans les écoles que fréquentaient leurs enfants. Or cette menace russe, on la ressent davantage encore depuis le début de la guerre en Ukraine. Mais cette menace peut être contournée avec le courage, avec la détermination d’une Maia Sandu et avec le soutien occidental. Car c’est bien la liberté de cette nation moldave qui est la véritable mise. La Roumanie a tout intérêt à ce qu’elle compte autour de ses frontières des Etats stables, pacifiques et démocratiques. Une présence militaire menaçante qui se trouve aux portes de la Roumanie et de l’OTAN est à éviter à tout prix ».
Aussi, il va de l’intérêt de la Roumanie d’épauler son voisin, la république de Moldova, pour qu’elle poursuive dans sa voie démocratique et européenne, car ce n’est qu’ainsi que nous pourrions tenir à distance ce facteur de déstabilisation que constitue la Russie d’aujourd’hui, conclut Radu Tudor.
(Trad. Ionut Jugureanu)