Comment préserver les traditions en Roumanie ?
Aujourd’hui nous donnons la parole à deux maîtres artisans qui font de leur mieux pour perpétuer les traditions. Leur art : le travail du bois et la poterie. C’est à l’Ecole populaire d’Arts «Constantin Brâncuşi » de Târgu Jiu que deux de ces maîtres artisans nous ont fait part de leur expérience et cherchent à transmettre leur savoir faire en voie de disparition.
Ana-Maria Cononovici, 12.11.2024, 11:18
C’est en 2008 que la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO a officiellement vu le jour, aux termes de la « Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel », adoptée à Paris en 2003. Depuis, 9 coutumes roumaines ont été rajoutées à cette liste : le « Călușul » une danse rituelle masculine incluse en 2008, la « Doina » – une chanson traditionnelle mélancolique typiquement roumaine (2009), l’art de la céramique de Horezu (2012), le rituel d’hiver observé par des groupes d’hommes qui vont de maison en maison en chantant des cantiques en Roumanie et en République de Moldova (2013), une danse des jeunes hommes de Transylvanie (2015), les techniques traditionnelles de réalisation des tapis muraux en Roumanie en Moldavie voisine (2016), le Mărțișor – cette amulette porte-bonheur avec un fil tressé rouge et blanc offerte le 1er mars (2017, une tradition que la Roumanie partage avec la République de Moldova et l’ancienne république yougoslave de Macédoine), la blouse roumaine et les traditions liées à l’élevage des chevaux de la race « Lipizan » (2022), cette dernière coutume étant une inscription conjointe avec l’Autriche, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l’Italie, la Slovaquie, la Slovénie et la Hongrie.
Et aussi rassurant que cela puisse paraître pour la sauvegarde des coutumes et traditions roumaines, les personnes qui peuvent encore les transmettre aux générations futures se font de plus en plus rares en Roumanie.
Aujourd’hui nous donnons la parole à deux maîtres artisans qui font de leur mieux pour perpétuer les traditions. Leur art : le travail du bois et la poterie. C’est à l’Ecole populaire d’Arts «Constantin Brâncuşi » de Târgu Jiu que deux de ces maîtres artisans nous ont fait part de leur expérience.
Pour commencer voici le témoignage de Marin Daniel Preduț, formateur au sein de cette Ecole, spécialiste de l’Art du travail du bois :
« Cette passion, je l’ai découverte il y a 3 ans. J’ai vécu à l’étranger pendant 8 ans et lorsque je suis rentré au pays à cause de la pandémie, j’ai ouvert un petit atelier de menuiserie. Il n’a cessé de grandir et j’en suis très satisfait. A part les icônes sculptées en bois et les plateaux, je fabrique aussi des chalets, des kiosques et des balançoires en bois. La plupart de nos clients apprécient vraiment le bois. »
Cela prend entre 20 et 60 minutes pour sculpter une icône. Puis il faut lui appliquer une teinture spéciale, traditionnelle, secrète. Pour ce qui est d’un petit chalet simple, sans étage, il faut environ 7 jours pour en construire un. Mais notre invité s’adonne aussi à des projets plus amples. Marin Daniel Preduț:
« J’ai réalisé un parc entier financé de fonds européens pour une pension touristique réunissant 5 petites cabanes, un grand kiosque, un four, un sauna… Un travail qui a duré environ 6 mois. »
Le bois est donc toujours recherché par les Roumains, pour des raisons pratiques notamment. Mais qu’en est-il de la poterie ? Pour connaître la réponse à cette question, nous nous sommes adressés à Marian Măgureanu, lui aussi professeur à l’Ecole populaire d’Arts «Constantin Brâncuşi » de Târgu Jiu. Il est à l’origine d’un club de poterie pour les lycéens. Voici son histoire. Marian Măgureanu :
« Nous avons commencé par la poterie manuelle, une technique qui date en fait du néolithique. Je tente aussi de leur raconter comment vivaient et travaillaient nos ancêtres. Les enfants d’aujourd’hui n’ont pas vu beaucoup d’objets issus de la poterie. Mais cet atelier leur fait plaisir et ils y participent tout le long de l’année. »
Marian Măgureanu profite aussi de l’occasion pour raconter différentes histoires à ses élèves, par exemple où les gens se procuraient jadis la terre glaise :
« Traditionnellement, les gens creusaient la terre à différents endroits qui n’étaient pas connus de tous et ils transformaient cette terre à plusieurs reprises au cours d’une année. Il fallait la laisser geler à l’extérieur, puis la ramener à l’intérieur, la couper avec un couteau, la ramollir avec ses pieds, lui rajouter de l’eau… Enfin, on en faisait des boules que l’on gardait recouvertes d’un tissu. De nos jours, on va chercher notre terre glaise dans des usines spécialisées, il y en a plusieurs. Une fois modelée, il faut la laisser sécher lentement à un endroit qui ne soit pas exposé à la lumière du soleil… »
Et bien que l’atelier du lycée ne dispose pas encore d’un four pour faire cuire les céramiques réalisées par les jeunes et qu’il faille à chaque fois faire appel à d’autres artisans locaux, Marian Măgureanu est fier de pouvoir transmettre son art à la nouvelle génération. Un enthousiasme que peu de gens partagent encore et qui sera repris, espérons-le bien, par les jeunes, pour aider à conserver les arts et métiers qui témoignent de notre héritage culturel et de notre identité nationale. (trad. Valentina Beleavski)