Le début des émissions de la BBC diffusées en langue roumaine
Dans l’univers de la radio, BBC demeure un repère, synonyme d’intégrité et de professionnalisme du journalisme radio. Moins connue, la section roumaine de la BBC occupe pourtant une place à part dans l’histoire centenaire de la radio publique britannique. Son lancement, au mois de septembre de l’année 1939, était justifié eu égard les eaux troubles que traversait le monde à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Steliu Lambru, 16.09.2024, 10:27
La section roumaine de la BBC voit le jour en 1939
Dans l’univers de la radio, BBC demeure un repère, synonyme d’intégrité et de professionnalisme du journalisme radio. Moins connue, la section roumaine de la BBC occupe pourtant une place à part dans l’histoire centenaire de la radio publique britannique. Son lancement, au mois de septembre de l’année 1939, était justifié eu égard les eaux troubles que traversait le monde à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Depuis lors, la section roumaine de la BBC n’a plus cessé d’émettre, d’autant que la fin de la guerre n’a pas pas ramené la paix mais une autre guerre, la Guerre froide.
En 1997, le Centre de l’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine a eu le privilège d’interviewer Liviu Cristea, l’un des premiers journalistes de la Section roumaine de la BBC, journaliste et chroniquer à la radio britannique entre 1939 et 1971.
Il conte les débuts de cette aventure journalistique :
« C’est la légation de la Roumanie à Londres qui avait recommandé quelques personnes pour travailler à la section roumaine de la BBC à ses débuts. La BBC avait commencé à tester aussi la qualité du signal, voulait s’assurer que l’émission était réceptionnée en Roumanie, que la qualité des voix des chroniqueurs radio convenait. La première équipe comprenait 4 personnes : Niculae Gheorghiu, fonctionnaire au ministère des Finances de Bucarest qui se trouvait à Londres pour raisons professionnelles, Ion Podrea, prof d’histoire, envoyé en mission à Londres par l’Institut de recherches en histoire Nicolae Iorga, moi, juriste en formation en droit comparé, enfin un jeune étudiant de l’Ecole polytechnique de Londres, Jose Campus. Ce fut la première équipe de rédaction de la section roumaine de la BBC ».
La rédaction change de locaux durant les conflits
A ses débuts, l’émission de la BBC en langue roumaine ne comprenait qu’un bulletin d’information d’une quinzaine de minutes, reprenant les principales nouvelles véhiculées par la presse britannique et par la presse internationale. La guerre venait de commencer. Devant l’avancée des troupes allemandes, les Polonais se réfugiaient en masse en Roumanie, certains cherchant à se frayer par la suite un chemin vers l’Europe occidentale. Notre rédaction était abritée par la Broadcasting House de Portland Place, au centre de Londres. C’est de là que partit pour la première fois l’annonce en roumain « Ici, Radio Londres ». Puis, lorsque les bombes allemandes ont avarié le bâtiment, le service a dû déménager dans un hôtel, avant d’élire domicile sous le toit d’une ancienne patinoire de Londres.
Liviu Cristea remémore dans son interview les dures années de guerre :
« Très rapidement, les voix des chroniqueurs sont devenues une source fiable et indispensable d’information censée redonner espoir pendant les sombres moments de la guerre. Au micro de la section roumaine se sont succédés des scientifiques, des hommes politiques, des éditorialistes, des écrivains, des syndicalistes, des professeurs, des militants, des combattants de la guerre de l’ombre, des militaires, des prisonniers de guerre. Après le début de la guerre, les nouvelles que l’on diffusait étaient vérifiées, mais jamais censurées à proprement parler. La rédaction centrale de la BBC rédigeait la plupart des articles, que nous traduisions et adaptions ensuite au profit des auditeurs roumains. La revue de la presse se concentrait sur les nouvelles régionales. Il y avait aussi des articles de fond, des journalistes de premier plan qui plaçaient les événements dans leur contexte. »
L’information était contrôlée
Les exigences de la guerre faisaient en sorte que le contrôle de l’info devait être exercé par les organes de surveillance. Liviu Cristea :
« Il existait ce que l’on appelait le monitoring service, soit un service qui écoutait les émissions qui étaient diffusées dans les différentes langues par la BBC. L’on devait s’en tenir au texte qui avait été précédemment approuvé par le rédacteur en chef. L’on n’avait pas le droit de s’en écarter. Trois types travaillaient dans ce service : George Campbell, le docteur Morrison, enfin un ancien employé d’une société pétrolière britannique, autrefois active en Roumanie ».
Une rencontre pas comme les autres
C’est dans les locaux de la BBC que Liviu Cristea avait croisé l’un des grands personnages de l’histoire du 20e siècle, le général de Gaulle :
« Près du concierge, j’ai remarqué un officier qui avait du mal à se faire comprendre. Un officier français, en uniforme. Je lui ai proposé mes services d’interprétariat. Il a eu l’air quelque peu vexé et m’a répondu assez sèchement : « Je suis le général de Gaulle, je viens du front et j’ai un rendez-vous. Je suis en retard de 5 minutes, et je ne comprends pas pourquoi personne ne m’attend et pourquoi l’on me retient ici. » J’ai compris plus tard de qui il s’agissait, de cet héros et chef de file de la résistance française. De celui qui deviendra le premier leader de la France d’après la guerre ».
La section en langue roumaine de la BBC vient souffler ses 85 bougies. Ce n’est pas peu de chose, car cette vénérable institution de presse garda haut le flambeau de la liberté pour de nombreux Roumains pendant toutes ces années. (Trad. Ionut Jugureanu)