L’exposition « Le phénomène Pitesti »
Jusqu'au 24 juillet 2024, le Musée national d'histoire de Transylvanie de Cluj-Napoca (nord-ouest de la Roumanie) et le Musée national « Brukenthal » de Sibiu (centre de la Roumanie) présentent à Cluj-Napoca l'exposition intitulée « Le phénomène Pitesti. Le vrai visage du communisme en Roumanie ».
Eugen Cojocariu et Ion Puican, 02.07.2024, 09:31
Du 24 mai au 24 juillet 2024, le Musée national d’histoire de Transylvanie de Cluj-Napoca (nord-ouest de la Roumanie) et le Musée national « Brukenthal » de Sibiu (centre de la Roumanie) présentent à Cluj-Napoca l’exposition intitulée « Le phénomène Pitesti. Le vrai visage du communisme en Roumanie ».
«Le phénomène Pitesti » est une « expérience scientifique » qui s’est déroulée en Roumanie dans les années 1950. Son but était de transformer profondément le psychisme des prisonniers politiques du régime communiste, au point d’obliger les éventuels opposants politiques à devenir eux-mêmes des tortionnaires. Cela a débuté en 1949, dans la prison de la ville de Pitesti (120 km au nord-ouest de Bucarest). Cette terrible expérience a duré jusqu’à 1952. La commissaire de l’exposition, Andreea Corca, du Musée national « Brukenthal » explique l’exposition :
« Nous avons réalisé cette exposition en partenariat avec le Mémorial de la Prison de Pitesti et le Pénitencier Jilava de Bucarest. Il s’agit d’une exposition itinérante. Le premier vernissage a eu lieu à Sibiu en novembre 2023. Ensuite, elle est arrivée au Mémorial de la Révolution à Timisoara et elle se trouve actuellement au Musée d’histoire de Transylvanie de Cluj-Napoca. Comme je l’ai déjà mentionné, je crois que pour nous, les jeunes de la génération née après la Révolution, après la chute du communisme, il est de notre devoir moral de connaître les horreurs survenues sous le régime communiste. C’est aussi un acte de justice symbolique, que nous devons affirmer, quelle que soit l’idéologie à laquelle adhéraient ceux qui en ont été les victimes. Tout comme à Sibiu et Timișoara, cette fois aussi nous avons organisé une section spécifiquement consacrée aux victimes locales de l’expérience de Pitesti. A Cluj, 15 personnes ont été victimes de cette expérience. Elles sont passés par le pénitencier de Pitesti. Parmi elles, Cornel Pop. Il a perdu la vie derrière les barreaux après avoir été impliqué dans les violences à Pitesti. Il faisait partie du groupe d’Eugen Țurcanu, il a été jugé et en 1954, et a été exécuté par balle au pénitencier Jilava de Bucarest. »
D’où viennent les pièces de l’exposition ? La commissaire Andreea Corca nous explique :
« La majorité des objets sont originaux et proviennent du Fort 13 du Pénitencier Jilava. Ils ont été utilisés dans un espace muséal pour la première fois l’automne dernier, au Musée d’Histoire de Sibiu. Nous avons moins de pièces provenant du pénitencier de Jilava. Parmi elles, un vêtement de prison appelé « zeghe ». Cette situation est due au fait que la prison de Pitesti a connu une évolution historique différente de celle du pénitencier de Jilava. Pour cette raison, beaucoup moins d’objets ont été conservés à Pitesti. »
Quel était le concept de l’exposition, un concept destiné au jeune public ?
« Le très jeune public devrait comprendre à travers cette exposition que l’idée du totalitarisme, qu’il s’agisse d’un totalitarisme d’extrême droite ou d’extrême gauche, doit être abandonnée en tant que moyen de gouverner. C’est précisément ce que nous essayons d’expliquer à travers cette exposition, qui suit le fil chronologique des événements tragiques survenus à Pitesti entre 1949 et 1952. »
A la fin de notre discussion, la commissaire Andreea Corca nous a parlé de la réaction du public :
« L’impact de cette exposition a été assez important. En général, l’exposition a été très appréciée par les jeunes qui connaissent moins l’histoire de la Roumanie au siècle dernier, mais je pense qu’elle a rencontré un franc succès. Elle a accueilli des milliers de visiteurs, de Roumanie mais aussi de l’étranger, et c’est précisément pour cette raison que nous avons créé l’exposition bilingue. »
A part des informations sur le phénomène Pitesti et la chronologie de la répression dans la prison de Pitesti, l’exposition accueille des objets originaux du système pénitentiaire communiste, comme du mobilier des cellules, des cartes postales et des photographies.
L’expérience Pitesti, appelé aussi « la rééducation par la torture » était en fait, une forme de torture systématique appliquée aux étudiants anticommunistes. Cette méthode était utilisée pour soutirer des informations aux victimes pour arrêter d’autres opposants, mais la violence a également détruit la personnalité des victimes qui ont été rendues incapables de mener toute action d’opposition au régime. Durant cette période sinistre, plus de 600 étudiants ont été torturés. Qui plus est, elle s’est étendue à d’autres pénitenciers à partir du printemps 1950, où plusieurs centaines de prisonniers politiques ont été torturés.