« Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde », Queer Palm 2024
Le film roumain « Trei kilometri până la capătul lumii / Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde » (réalisé par Emanuel Pârvu), sélectionné, cette année, dans la compétition officielle au Festival de Cannes, a été récompensé de la Palme Queer.
Corina Sabău, 07.09.2024, 09:33
Un prix pour la thématique LGBTQ
Créé en 2010, ce prix est attribué à un long-métrage qui aborde des personnages ou une thématique LGBTQ, une production mémorable qui reflète la diversité. Le prix a été remis au réalisateur Emanuel Pârvu par le cinéaste Lukas Dhont, qui a cité la motivation du jury: « Une rupture dure et précieuse d’un système de violence. Sa perspective révèle lentement le monde patriarcal dans lequel nos personnages ont grandi, où l’espace pour exister pleinement est rendu impossible par des structures d’idées profondément enracinées. Dans ce film fascinant, les gens semblent retenus par des ficelles qui les maintiennent à l’écart de la lumière, jusqu’à ce que certains d’entre eux commencent à se libérer ».
Emanuel Pârvu : « un cercle qui se referme »
Sur le tapis rouge, le réalisateur Emanuel Pârvu était accompagné par les acteurs Bogdan Dumitrache, Valeriu Andriuță, Ciprian Chiujdea et Ingrid Micu-Berescu. La première roumaine du film « Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde » aura lieu au TIFF le Festival international du film Transilvania (du 14 au 24 juin, à Cluj-Napoca). Cette production conclut la trilogie ouverte par le premier long-métrage d’Emanuel Pârvu « Meda sau Partea nu prea fericita a lucrurilor / Meda ou La partie moins heureuse des choses » (prix du meilleur réalisateur et prix de la meilleure interprétation masculine pour l’acteur Șerban Pavlu, au Festival du film de Sarajevo en 2018), et continuée par « Marocco » (sélection officielle du Festival de San Sebastian 2021). Emanuel Pârvu précise au micro de RRI : « Et pourtant, je ne pourrais pas dire que c’est la conclusion définitive, que je ne toucherai plus à ce sujet. Pour moi, c’est un cercle qui se referme par ce débat, mais la discussion que je lance peut continuer indéfiniment. L’amour qui unit les enfants et les parents, le type d’amour le plus fort à mon avis, reste un territoire à explorer sans limites. Mais j’ai du mal à voir si un futur travail sur ce thème s’accorderait avec les films que j’ai déjà réalisés. Je peux vous dire que j’ai pris ces sujets à bras le corps, je les ai aimés. Il est évident que je resterai attaché à cette zone, aux liens entre les gens, que mes films continueront à aborder, mais en cherchant des modalités différentes. Le lien parent-enfant n’a jamais été un sujet facile, bien le contraire ; il m’a beaucoup travaillé, m’a empêché de dormir, a tourmenté ma vie intérieure. D’où le besoin de prendre une pause. Je crois que ces périodes ont un sens, nous ne pouvons pas consommer sans arrêt. »
Emanuel Pârvu a mis en scène de nombreuses pièces de théâtre avant de se lancer dans la réalisation de film.
Pour sa première mise en scène il a été nommé aux Prix UNITER de l’Union théâtrale de Roumanie. Il est aussi un acteur plein de talent, se faisant remarquer dans des productions cinématographiques telles que « Baccalauréat » (de Cristian Mungiu), « Portretul luptătorului la tinerețe / Portrait de jeunesse du combattant » (de Constantin Popescu), « Aniversarea / L’Anniversaire » (de Dan Chișu), « Miracolul / Le Miracle » (de Bogdan Apetri), « Familiar / Familier » (de Călin Peter Netzer). Sa thèse de doctorat est consacrée aux structures dramaturgiques et cela fait plusieurs années qu’Emanuel Pârvu enseigne à la Faculté des Arts de l’Université Ovidius de Constanța (sud-est).
Emanuel Pârvu : « Je ne mène jamais deux projets en même temps. Je ne peux pas me concentrer sur un rôle et réaliser simultanément un projet de mise en scène. Certains de mes collègues peuvent maîtriser ça, mais pas moi. J’aime me concentrer sur une seule chose à la fois et m’investir complètement dans un projet. J’aime aussi beaucoup mon activité enseignante. Avec l’acteur Adrian Titieni et Daniela Vitcu, doyenne de la Faculté des arts de l’Université Ovidius de Constanța, on a créé le premier et jusqu’à présent le seul master d’art de l’acteur de cinéma qui existe en Roumanie. Le fait qu’il soit créé dans une université d’Etat me semble très important, je tiens beaucoup à cœur tout ce qu’il se passe ainsi que les rencontres avec les étudiants. Peut-être aussi parce que j’ai un enfant de quatorze ans, je m’intéresse beaucoup aux générations qui nous suivent. Nous ne devrions pas oublier que ces vingt dernières années seuls le sport et le cinéma de Roumanie ont eu du succès international. Simona Halep, Cristina Neagu, David Popovici et les réalisateurs de film ont rencontré le succès international au plus haut niveau. C’est la raison pour laquelle je me propose même d’investir dans mon activité didactique, parce que l’avenir du pays me tient à cœur. Je m’intéresse beaucoup à l’évolution des jeunes, je voudrais que ne soyons pas vus comme des citoyens de seconde zone, bons uniquement pour cueillir des fraises ou des asperges. Personnellement, je suis très fier d’être roumain et l’avenir du pays et de son système d’éducation m’intéresse. Je crois que les gens sont capables de construire beaucoup de bien, je crois que c’est le moyen de nous développer en tant que société. »
Le film « Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde » est produit par l’Association FAMArt, sur un scénario d’Emanuel Pârvu et Miruna Berescu, avec la photographie de Silviu Stavilă, le montage de Mircea Olteanu, le décor et les costumes de Bogdan Ionescu. (Trad. Ileana Ţăroi)