« La ronde du recyclage »
Les Roumains sont en dernière position en Union Européenne en termes de recyclage. Une très petite partie des déchets seulement est recyclée et la vaste majorité de ceux-ci arrive dans les décharges. C’est justement pourquoi le pays s’est vu sanctionné par la Cour de Justice de l’UE. Afin de remédier à la situation, fin novembre 2023, le pays a démarré un système de garantie – retour visant à encourager les Roumains à recycler les bouteilles en plastique et en verre, ainsi que les canettes en aluminium. La ronde du recyclage – premier bilan.
Roxana Vasile, 29.05.2024, 13:35
Comment ça marche
Les Roumains sont les mauvais élèves du recyclage en Europe. L’Union européenne ayant demandé à tous les États membres d’atteindre un taux de 55 % d’ici à 2025, la Roumanie a lancé, à la fin de l’année dernière, le système de garantie-retour (SGR), le plus grand projet national d’économie circulaire à l’heure actuelle, dans l’espoir de redresser au moins partiellement la situation.
Les « rouages » du système sont les 19 millions de Roumains : chaque citoyen paie une garantie de 50 bani (environ 10 centimes d’euro) lorsqu’il achète une boisson dans un emballage en verre, en plastique ou en métal d’une contenance maximale de 3 litres. Après avoir été vidé, l’emballage marqué SGR peut être rapporté à n’importe quel point de collecte mis à disposition chez les détaillants. En échange de l’emballage vide, le consommateur reçoit le montant de la garantie initialement payée, soit en espèces, soit sous la forme d’un bon d’achat. L’ambition des autorités est de retirer chaque année du marché environ 7 milliards de ces emballages qui, après comptage, tri et compactage, seront vendus à des recycleurs.
Géré par RetuRo, le système de garantie-retour est donc considéré comme l’un des leviers importants afin d’atteindre les objectifs de collecte et de recyclage fixés par l’Union européenne. Sa mise en œuvre devrait également avoir un effet bénéfique significatif sur le comportement des Roumains en matière de recyclage.
« La ronde du recyclage »
Mihaela Frăsineanu, conseillère d’État auprès du Premier ministre, explique d’où vient le nom du projet « La ronde du recyclage » et évoque les autres avantages du SGR :
« La ronde est une danse traditionnelle moldave, mais c’est aussi le symbole du cercle, un symbole que l’on retrouve également sur le logo de RetuRo et allons un peu plus loin ! C’est le symbole du plus grand projet d’économie circulaire en Roumanie ! C’est le symbole d’un projet qui implique plus de 19 millions de personnes et c’est avant tout le symbole de notre responsabilité envers l’environnement. Même en s’arrêtant au fait que nous rendons le pays plus propre, c’est quand même déjà un pas en avant extrêmement important ! Mais au-delà, il y a des choses que l’on ne voit pas du premier coup d’œil. Nous ne voyons pas que nous parlons d’optimisation des ressources, nous ne voyons pas que nous parlons de réduire notre empreinte carbone. Nous ne voyons pas que nous parlons également d’efficacité en termes de ressources humaines. Nous ne voyons pas que nous parlons également des ressources financières impliquées et de la responsabilité financière. Nous parlons enfin d’une responsabilité sociale et d’une responsabilité économique. »
Quatre grands centres régionaux de recyclage déjà inaugurés
Le 13 mai, RetuRO a inauguré un nouveau centre régional de comptage et de tri des emballages garantis près de Bucarest, à Otopeni. Il s’agit du quatrième centre de ce type après ceux de Cluj, de Brasov et de Timis. D’une superficie de 10 000 mètres carrés et doté d’équipements de pointe, le nouveau centre a une capacité annuelle de comptage d’environ 900 millions d’emballages et une capacité de tri et de traitement par type de matériau (PET, métal, verre) deux fois plus importante, soit 1,8 milliard d’emballages.
« Le système de garantie de retour est dans une dynamique permanente, les Roumains retournent de plus en plus d’emballages et l’évolution que nous enregistrons en permanence reflète de plus en plus l’implication des consommateurs. Au cours des trois prochains mois, nous prévoyons d’ouvrir d’autres centres de comptage et de tri dans les départements de Dolj, de Bacau et de Prahova » – précise Gemma Webb, PDG et présidente du conseil d’administration de RetuRO.
Le coulisses du projet
Alice Nichita, de l’Association des producteurs de boissons non alcoolisées pour le développement durable, ajoute :
« Très peu de Systèmes de Garantie-Retour existants ont déjà inauguré leur quatrième centre, et nous l’avons inauguré moins de six mois après le lancement du système. Je ne pense pas qu’il y ait un autre programme qui dispose de 10 centres de collecte et de tri comme RetuRo devrait en avoir à l’issue de sa première année d’activité. Il s’agit d’un projet ambitieux qui a toutes les chances de réussir. Il y a eu beaucoup d’étapes, en effet, parce que de tels projets ne sont pas des sprints ou des tests, ce sont des choses qu’il faut construire efficacement dès le premier jour et ne pas renoncer aux principes, et ces principes, nous voulons les voir mis en œuvre et porter leurs fruits. Et je suis fier de vous dire que lorsque nous recevons des demandes de collègues d’autres pays, en particulier d’Europe occidentale, qui souhaitent apprendre de nous, venir ici en visite de travail, voir quelles sont les étapes et les leçons que nous avons apprises au cours de ce projet, cela nous rend très fiers et nous honore».
La République de Moldova est l’un des pays intéressés par la reprise de cette bonne pratique roumaine.
Sergiu Lazarenco, ministre de l’environnement à Chisinau affirme :
« Nous souhaitons que le Système de Garantie-Retour soit opérationnel en République de Moldova d’ici 2027. Nous sommes conscients que la mise en œuvre de ce système implique des défis et des responsabilités considérables, mais il est certain qu’en mettant en œuvre ce système, les citoyens deviendront plus responsables, l’environnement deviendra plus propre, nous développerons l’économie circulaire, nous créerons de nouvelles opportunités de développement économique et, plus important encore, nous créerons également de nouveaux emplois. Je suis très heureux de constater que les citoyens des deux pays sont de plus en plus conscients et préoccupés par les questions environnementales. C’est ce qui nous pousse à être encore plus déterminés, à entreprendre des politiques et des actions environnementales compliquées mais nécessaires. Nous ne pouvons plus retarder la mise en œuvre des réformes environnementales. En investissant dans des projets environnementaux, nous investissons dans l’avenir !”
Pour et contre ce système
Pour l’instant, tous les commerçants roumains n’ont pas adhéré au Système de Garantie de Retour ou certains de ceux qui l’ont fait veulent déjà quitter la « ronde du recyclage », invoquant une transition difficile. Et pour cause. Parfois, les machines de recyclage sur place ne fonctionnent pas ou bien elles sont pleines ou elles ne lisent pas les codes-barres des emballages à retourner. Plus encore, les petits magasins de quartier ne disposent pas d’un espace de stockage adéquat pour les canettes ou bouteilles vides en attendant que les machines les ramassent. Quant aux clients, certains sont mécontents de ne pas pouvoir utiliser les tickets qu’ils reçoivent dans n’importe quel magasin, mais seulement dans celui où ils ont recyclé. Mais malgré les difficultés inhérentes à toute nouvelle initiative, le Système de Garantie-Retour n’a cessé de croître depuis ses débuts en novembre 2023. En voici un exemple. Pour le seul mois d’avril, 160 millions d’emballages ont été collectés et l’ambition des autorités est de franchir la barre des 200 millions en un seul mois. Cela signifie, avec l’aide de 19 millions de Roumains, on espère avoir bientôt autant de cartons de boissons en moins dans les décharges, les lits des rivières et les forêts. (trad. Clémence Lheureux)