Regain de désinformation sur les plateformes en ligne
Le plan de l'UNESCO visant à lutter contre la propagation de la désinformation et des discours de haine en ligne vise à protéger l'intégrité des processus démocratiques et du paysage média au niveau global.
Andra Juganaru, 24.05.2024, 09:38
Fondé sur sept principes clés, le plan de l’UNESCO visant à lutter contre la propagation de la désinformation et des discours de haine en ligne vise à protéger l’intégrité des processus démocratiques et du paysage média au niveau global. Le plan est le résultat d’un processus de consultation sans précédent, déroulé pendant 18 mois, rassemblant plus de 10.000 contributions de 134 pays. « Il existe un besoin urgent de réglementation, les fausses informations et les discours de haine en ligne, accélérés et amplifiés par les plateformes de médias sociaux, représentant des « risques majeurs pour la cohésion sociale, la paix et la stabilité » », a déclaré la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay. Une enquête commandée par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture et réalisée par l’institut de sondage Ipsos dans 16 pays où se tiennent des élections cette année, dont les États-Unis, montre que 56 % des internautes s’appuient principalement sur les réseaux sociaux pour s’informer, ces dernières dépassant ainsi largement l’influence exercée par les chaînes télé et les sites de médias traditionnels. Cette montée en flèche des plateformes sociales comme principale source d’information suscite des inquiétudes, d’autant que la véridicité des informations fournies soit rarement garantie. Plus de 85 % des personnes interrogées ont exprimé leur profonde préoccupation quant aux conséquences de la désinformation en ligne, et 87 % d’entre elles estiment que ce genre d’infox a déjà impacté négativement le paysage politique de leur pays. Les plateformes de médias sociaux ont été identifiées dans les 16 pays analysés en tant que principale source d’infox par 68 % des répondants. La crise géopolitique et sécuritaire actuelle, aggravée par les scrutins prévus avoir lieu cette année, fait que la vitesse de propagation des fausses nouvelles au sein du public risque d’être plus rapide et percutante que celle des nouvelles vérifiées, a déclaré sur les ondes de Radio Roumanie le professeur universitaire Antonio Momoc, de la Faculté de Journalisme et des Sciences de la Communication de l’Université de Bucarest. Il a analysé le mode de communication dans cet environnement en ligne et la façon dont ces nouveaux médias entendent relever les nouveaux défis auxquels ils se voient confrontés. Antonio Momoc :
« Les études portant sur les différents réseaux sociaux, qu’il s’agisse de Twitter, Facebook, Instagram ou TikTok, montrent que les fausses nouvelles se propagent davantage et plus rapidement que les informations vérifiées. Il s’agit là d’un élément statistiquement vérifiable. Il va de soi qu’un nombre croissant de personnes sont susceptibles d’appréhender la réalité à travers la loupe déformée des infox qui souvent véhiculent différentes théories complotistes. Prenez TikTok, où une nouvelle théorie du complot est lancée chaque seconde, des théories qui déforment et manipulent l’histoire, les traditions ou l’actualité. Et je ne parle pas des l’hypertrucage, ce procédé de manipulation qui recourt à l’intelligence artificielle pour créer des trucages audiovisuels ultraréalistes. Et la propagation des infox est facilité par les algorithmes, car ces informations captent notre attention, nous maintiennent sur la plateforme plus longtemps et génèrent dès lors davantage de revenus. Ce qui tourbillonne, ce qui se propage, ce qui s’amplifie, ce sont avant tout nos sentiments de frustration et de haine, notre colère et le fait que nous pouvons d’une manière ou d’une autre réagir par des commentaires, par des réactions sur les réseaux sociaux. »
En effet, les infox s’avèrent souvent capables de nous maintenir captifs aux plateformes, de nous pousser à nous investir dans des échanges houleux, et de renforcer nos idées reçues. Pour donner le change, la presse publique, la radio et la télévision doivent s’adapter rapidement aux nouvelles tendances et être davantage présentes en ligne, en fournissant une information correcte et de qualité, ajoute encore Antonio Momoc :
« Nous avons réalisé une étude sur la consommation d’Internet et de la télévision avant et après la pandémie. La seconde n’a cessé d’augmenter pendant toute cette période, alors que la première s’est plafonnée. En réalité, la consommation d’Internet était déjà à son maximum encore avant la crise du Covid-19. Il n’y avait plus de marge de croissance. Certes, les gens ont fait davantage d’achats en ligne par exemple, car ils étaient coincés chez eux, mais du point de vue de la consommation d’information, ils ont jeté leur dévolu sur les informations fournies en ligne par la presse traditionnelle, la radio, la télévision ou la presse écrite. Cela démontre que la télévision et la radio conservent leur réputation de fiabilité aux yeux du public. Souvent, les consommateurs d’information connaissent très bien quelles sont les plateformes qui fournissent des infos vérifiées, fiables, qui emploient des journalistes professionnels, et lorsqu’ils désirent avoir accès à des informations fiables, ils y vont. Bien sûr, il y a de plus en plus de journalistes professionnels sur les plateformes alternatives également, mais une présence en ligne plus marquée de la radio et de la télévision, de la presse traditionnelle, leur permet de conserver leur public traditionnel et d’en attirer d’autres. Internet n’est qu’un autre média où un journalisme de qualité peut s’exprimer. »
Par ailleurs, la capacité du public d’aller chercher et de trouver des sources fiables d’information, de conserver son esprit critique, de disposer d’une culture générale solide constituent le meilleur rempart dans la lutte contre la désinformation sur les plateformes numériques. Et dans le contexte d’une exposition croissante à la désinformation en ligne, les médias traditionnels constituent à n’en pas douter un facteur d’équilibre.
(Trad. Ionut Jugureanu)