Les gros enjeux d’une candidature
En lice pour le fauteuil à la tête de l'OTAN : Mark Rutte, Klaus Iohannis, Kaja Kallas
Corina Cristea, 04.04.2024, 14:18
Les candidats
Le Norvégien Jens Stoltenberg remettra sa démission de son fauteuil de secrétaire-général de l’OTAN au mois de septembre, fauteuil d’ores et déjà convoité par quelques grosses pointures de la politique européenne.
Entré en lice, l’actuel Premier ministre néerlandais Mark Rutte a déjà obtenu le soutien de plusieurs membres importants de l’Alliance, tels les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne ou encore la France. Mais les jeux ne sont pas encore faits puisque le poste, qui revient de droit à un Européen, requiert l’unanimité des 32 membres de l’Otan.
Aussi, le 12 mars passé, Klaus Iohannis, qui achève son dernier mandat à la tête de la Roumanie cet automne, a annoncé sa candidature, fort du soutien de certains États d’Europe de l’Est, décidés de ne plus botter en touche lorsqu’il s’agit d’entrer dans la course aux meilleures positions de l’Alliance de l’Atlantique Nord ou de l’Union européenne. Parmi les arguments que le président roumain avait invoqué en sa faveur, il a parlé de « la profonde compréhension des défis auxquels est confrontée l’Alliance et de la performance de la Roumanie au sein de l’OTAN ».
Mais un troisième nom circule déjà, celui de la Première ministre estonienne, Kaja Kallas.
Le consultant politique Radu Magdin, expert en relations internationales, explique :
« Le soutien des États-Unis pèse certes très lourd, au-delà de tout processus officiel. Selon moi, les États-Unis sont déjà dans le bateau de Mark Rutte, et ce grâce à leur relation bilatérale historique avec les Pays-Bas. La candidature de Mark Rutte bénéficie en effet d’excellents liens historiques noués par les Pays-Bas avec au moins trois poids-lourd de l’Alliance, à savoir avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. La Roumanie jouit certes du respect de ces Etats, mais à mon sens, elle ne fait pas le poids. En revanche, Mark Rutte se heurte à l’hostilité bien connue du hongrois Victor Orban, dont le pays joue souvent au véto, qu’il s’agisse de l’Union européenne ou de l’OTAN. La position hongroise pourrait donc servir la candidature du président roumain, faisant barrage pour un certain temps à la marche triomphale du favori hollandais. N’oublions tout de même pas qu’il est fort improbable à ce que la candidature appuyée par les Américains et les autres grands Etats européens soient mise en échec pour autant que les premiers l’appuient de tout leur poids. Par ailleurs, jusqu’à récemment la potentielle candidature au fauteuil de secrétaire général de l’OTAN de la première ministre estonienne, Mme Kaja Kallas, semblait avoir toutes ses chances. Elle avait mené une campagne impeccable en termes d’image publique dans les médias, à travers des éditoriaux et des interviews, se positionnant comme une voix forte et audible de l’Europe centrale et de l’Est. Malheureusement pour elle, elle a été prise dans la tourmente d’un scandale national qui risque de la saboter et de diminuer les chances de sa candidature. A voir encore s’il n’y aura pas un candidat de la dernière heure qui prenne de court tout le monde. Mais à mon sens, l’OTAN n’autorisera pas la tenue d’une compétition longue et tenace, car il importe à l’organisation de montrer que ses membres savent se serrer les coudes et arriver rapidement à un compromis endossé par tous dans le contexte sécuritaire volatil actuel. Je crois donc que, dans l’immédiat, à Bruxelles, les Américains et d’autres alliés tenteront de mettre un terme à cette compétition le plus rapidement possible, justement pour montrer leur détermination et leur capacité à parvenir à un consensus rapide. »
Les atouts de Klaus Iohannis
En annonçant sa candidature, le président Klaus Iohannis a également énuméré les atouts de son pays dans cette compétition, notamment le fait que la Roumanie est devenue un pilier de stabilité et de sécurité dans la région. Il a souligné l’allocation de 2,5% du PIB à la défense, la contribution aux missions et opérations de l’OTAN et à la présence militaire dans les Balkans occidentaux, ainsi que la contribution roumaine à la sécurité de la région de la mer Noire.
L’Europe de l’Est apporte en outre une contribution précieuse aux décisions adoptées au sein de l’OTAN, avait encore affirmé le chef de l’Etat, soulignant que son élection à la tête de l’Alliance constituera le symbole d’une représentation équilibrée, forte et influente de cette région.
Quelles chances pour Klaus Iohannis ?
« Il lui sera difficile d’engranger des points à la table des négociations », estime cependant l’analyste politique Radu Magdin, qui estime que la candidature roumaine souffre de l’absence d’image de marque et du peu d’influence dont joui la Roumanie, et considérant que l’échec d’une candidature aussi avancée que celle du Néerlandais Mark Rutte est improbable.
Le politologue Cristian Pîrvulescu estime cependant que les chances du chef de l’Etat roumain sont « très bonnes ». « Le président Iohannis est un homme politique calculateur, qui ne s’expose pas inutilement, qui réfléchit avant d’avancer ses pions. Un joueur d’échecs, et un excellent joueur. Et cette décision qu’il prend, immédiatement après la rencontre qu’il a eue avec le président du Monténégro, semble indiquer qu’il existe déjà une coalition suffisamment forte pour soutenir sa candidature, une coalition formée par les États d’Europe centrale et orientale », ajoute Cristian Pîrvulescu. (Trad. Ionut Jugureanu)