Les Roumains et la lecture
Aujourd'hui, alors que tous les livres sont autorisés et faciles d'accès, nous préférons garder les yeux rivés sur nos téléphones au lieu de lire.
Christine Leșcu, 24.07.2024, 11:36
Les livres remplacés par les écrans
« La seule chose que tu dois savoir, c’est où se trouve la bibliothèque », ces mots attribués à Albert Einstein résonnent comme un encouragement à la lecture. Pourtant à mesure que la technologie devenait de plus en plus accessible, les gens ont petit à petit cessé de lire. Les heures passées à scroller sur le téléphone nous ont volé un temps précieux, un temps à nous bel et bien perdu. Le téléphone vide nos vies de ce qui existe de plus précieux, le temps. Un temps de qualité, consacré aux proches, un temps que nous devrions utiliser à apprendre, à grandir en tant qu’être humain doté, n’est-ce pas, d’une intelligence supérieure…
Il fut un temps où les livres, interdits par le régime communiste, réussissaient à se frayer un chemin clandestin vers les gens qui les lisaient alors avec avidité. Aujourd’hui, alors que tous les livres sont autorisés et faciles d’accès, nous préférons garder les yeux rivés sur nos téléphones au lieu de lire. Peut-être s’agit-il d’un des paradoxes de l’humain moderne : interdisez-lui quelque chose et il fera n’importe quoi pour l’obtenir, donnez-le-lui et il perd son intérêt.
Dans un monde qui lit de moins en moins, les Roumains font partie de ceux qui lisent très peu. L’année dernière il s’est vendu en Roumanie pour 6 millions d’euros de livres, cela peut sembler beaucoup mais si on regarde à titre de comparaison chez nos voisins, nous constatons qu’en Allemagne, la vente de livres a généré 9 milliards d’euros. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on achète un livre qu’on le lit, mais au moins peut-on y voir le signe d’un début d’intérêt pour la lecture.
Comment se porte le marché du livre en Roumanie ?
En Roumanie, les personnes qui lisent, lisent beaucoup et constamment, celles qui ne lisent pas, ne lisent pas du tout. Alina Ilioi Mureșan, responsable des relations publiques chez Bookzone, une librairie roumaine en ligne, considère que les Roumains achètent tout de même beaucoup de livres.
« Le marché du livre en Roumanie est en expansion constante, et les Roumains lisent des livres de plus en plus divers. Bien sûr, je suis très heureuse de voir des Roumains qui commandent des livres, qui lisent en format papier et qui sont fascinés par le fait d’avoir une bibliothèque personnelle. Je trouve que l’année dernière a été une très bonne année, de tous les points de vue, tant en nombre de ventes que sur le plan éditorial. Les Roumains lisent beaucoup de développement personnel et de livres qui expliquent comment améliorer sa vie, sous tous les aspects. Ils sont intéressés par la santé mentale, l’alimentation saine, l’équilibre émotionnel et psychique. Les ouvrages traitant de géopolitique sont également très recherchés, probablement à cause du contexte actuel. Pour nous, les livres de fantasy sont les moins vendus même si un livre comme « Tant que fleuriront les citronniers » a rencontré un franc succès. En général, cependant, les Roumains lisent peu de fiction. C’est le cas, en tout cas, de nos lecteurs. »
Que lisent les Roumains ?
Il semble toutefois que les préférences varient d’une génération à l’autre. La génération silencieuse, les personnes nées entre 1928 et 1945, préfèrent la littérature classique. Les Baby-boomers, nés entre 1946 et 1964 aiment les romans policiers et d’horreur. La génération X, née entre 1965 et 1980, porte ses choix sur des classiques contemporains, des biographies et des ouvrages de science-fiction (il s’agit d’ailleurs de la génération qui lit le plus et des ouvrages divers). La génération Y, née entre 1981 et 1996, préfère la littérature contemporaine et la génération Z, née entre 1997 et 2012 a un penchant pour la fantasy, le développement personnel et l’entreprenariat.
Pour Alina Ilioi Mureșan, si on se base sur les chiffres de vente, on peut parler d’une hausse de l’intérêt pour la lecture en générale. Alina Ilioi Mureșan.
« Le marché du livre est en hausse constante cette année. Il est toutefois dur de se projeter. D’après mon expérience, on peut souvent être pris par surprise par certaines situations. »
D’après les chiffres, les Roumains ne sont donc pas les derniers quand il s’agit d’ouvrir un livre. Ne serions-nous pas si à la traîne dans ce domaine ? Alina Ilioi Mureșan nous donne des raisons de rester optimistes.
« Je n’y crois pas. Il m’est impossible de penser que les Roumains sont les plus mauvais lecteurs d’Europe, parce que je vois chaque jour le nombre de livres qu’ils commandent. Or les Roumains commandent des livres pour les lire, pas pour les laisser prendre la poussière dans un coin. Il s’agit d’un investissement financier et d’un effort qu’il font. Oui, les Roumains lisent et lisent beaucoup. » (Trad : Clémence Lheureux)