Le marché du travail en Roumanie sous la pression
Selon les données officielles, le taux de chômage ne sélève en Roumanie quà 3,94% et, qui plus est, il suit une pente descendante.
Florin Orban, 08.05.2018, 13:56
Membre depuis 2007 de l’UE, la Roumanie et surtout les Roumains demeurent, si on se fie aux sondages d’opinion, d’enthousiastes défenseurs de la construction européenne. Le principal argument invoqué, celui de la mobilité au sein du marché commun, a permis à des centaines de Roumains de trouver du travail dans les Etats membre de l’Union, en bénéficiant des salaires souvent bien supérieurs à ce qu’ils pouvaient trouver, à conditions égales, en Roumanie. Néanmoins, ce mouvement d’ampleur d’une partie importante de la force de travail de la Roumanie n’a pas fait que des heureux. En effet, le départ d’un nombre toujours croissant de Roumains a provoqué un déficit croissant en termes de force de travail sur le marché intérieur. Liviu Rogojinaru, le secrétaire général du Conseil des PME et vice président du Conseil économique et social de Roumanie est formel. Ecoutons-le: « Malheureusement, beaucoup de nos compatriotes vont chercher du travail hors de nos frontières, alors que les compagnies roumains sont en déficit de main d’œuvre. Depuis deux, trois ans beaucoup d’entrepreneurs actifs sur le marché roumains se voient confronter à une crise de la main d’œuvre, qu’il s’agisse du personnel hautement qualifié ou moins qualifié. Cela commence à poser vraiment problème ».
Corina Gonteanu, directrice marketing de l’agence d’intérim Manpower, abonde elle aussi dans la même direction: « Le problème du déficit de la force de travail et du déficit des talents, c’est-à-dire des personnes qui marient d’un point de vue professionnel la qualification que l’on cherche aux bonnes compétences, n’est pas un problème singulier et spécifique à la Roumanie. Il tient la tête d’affiche dans à peu près toutes les rencontres internationales. Donc, au-delà des causes qui tiennent de la situation particulière du marché de travail roumain, il s’agit d’un problème auquel est confronté la majeure partie des pays développés et émergents. On remarque, d’une part, surtout à l’Ouest de l’Europe, ces changements démographiques qui se produisent sous nos yeux, un phénomène de vieillissement accéléré de la population, d’où la nécessité d’investir davantage pour attirer, aussi bien des talents que de la main d’œuvre peu qualifiée. D’autre part, cela relève de la liberté retrouvée et en plein essor de l’individu, de la personne humaine qui, actuellement, a beaucoup plus de facilités pour partir à la recherche d’un emploi à l’étranger qu’il y a 25, voire même 10 ans. »
L’Agence nationale roumaine de l’emploi a récemment organisé une Bourse de travail au niveau national. 45.000 emplois du secteur privé cherchaient preneur auprès des demandeurs d’emploi, dans près de cent villes du pays. Quant aux résultats, écoutons Corina Scarlat, responsable de communication au sein de l’Agence nationale de l’emploi: « La bourse de travail est un événement annuel que l’on organise le printemps et qui s’adresse à tous ceux qui sont à la recherche d’un lieu de travail. Plus de 13.000 demandeurs d’emploi ont été sélectionnés à cette fin, et ils devront soutenir l’interview avec l’un ou l’autre des employeurs présents. Le premier mois de cette année, notre Agence a réussi à placer 42.000 personnes, l’année passée on a trouvé un emploi à plus de trois cent mille demandeurs d’emplois ».
Si les résultats semblent dépasser les attentes les plus optimistes, il faut toutefois remarquer que, lors de l’édition de cette année de la Bourse de travail organisée par l’Agence, seuls 816 demandeurs d’emplois ont trouvé de suite chaussure à leur pied. Le plus grand nombre d’embauches a été enregistré dans les domaines de l’hôtellerie et de l’Horeca, puis dans les industries du bâtiment et dans l’agriculture. Ces résultats somme toute médiocres montrent de fait le peu d’attractivité des emplois proposés. Le problème principal tient souvent aux niveaux salariaux. Cristian Pârvan, le secrétaire général de l’Association des hommes d’affaires, détaille les contraintes salariales qui s’imposent souvent aux employeurs roumains privés : « Désirer être payé davantage est légitime. C’est normal. Mais le problème vient de ce que nous travaillons à des prix qui nous sont imposés. L’impossibilité de payer davantage vient de là. Et puis, nos clients savent que les niveaux salariaux sont plutôt bas en Roumanie. Car on fait souvent de la sous-traitance, et les clients qui basés à l’Ouest nous disent : Voilà, c’est le prix que l’on peux payer pour cela. Tu es d’accord ? OK, sinon on va en Ukraine, on va en Moldova, on va ailleurs. Evidemment, il y a parmi les entrepreneurs des types qui savent valoriser le travail, qui savent valoriser leurs employés. Et il est vrai aussi que nous, on essaye à notre tour d’expliquer que c’est les salariés qui font le richesse d’une entreprise, d’un business. Qu’il faut payer les gens à leur juste valeur pour qu’ils soient aussi productifs et aussi dédiés que possible, car c’est bien grâce à eux que l’on fait du profit. »
Selon les données officielles, le taux de chômage ne s’élève en Roumanie qu’à 3,94% et, qui plus est, il suit une pente descendante. Dans les régions les plus pauvres, telles l’Olténie (dans le Sud-est de la Roumanie) ou la Moldova (à l’Est), les chiffres peuvent monter au grand maximum jusqu’à 8, 9%. Mais c’est bien ces régions qui constituent le principal réservoir de cette émigration économique tant décriée, de ceux qui vont partir à l’étranger pour trouver un emploi et une meilleure vie.
(Trad. Ionut Jugureanu)