La fabrication de cloches, une affaire de niche
Il ny a plus que quatre fonderies de cloches en Roumanie.
România Internațional, 18.04.2017, 18:02
Une des quatre fonderies se trouve près de Râmnicu Vâlcea et exporte ses cloches dans plusieurs pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Sud. La fonderie de la contrée de Maramures est elle aussi très appréciée. C’est Radu Blotor qui a monté cette affaire, il y a une quinzaine d’années. Il aime travailler avec les métaux liquides et grâce à sa formation musicale, il sait faire la différence entre les bons et les mauvais sons des cloches. Il a appris ce métier dans la plus grande fonderie de cloches de Russie, puis aux Pays-Bas et en Allemagne, pays qui s’enorgueillit de la tradition la plus ancienne en matière de coulée des cloches. Les cloches de Radu Blotor résonnent dans la plupart des lieux de culte de Roumanie : « Nous avons combiné technologie russe et occidentale, pour conférer à nos cloches un timbre plus doux, à mi-chemin entre la tonalité grave, fermée, des cloches de Russie et le son très haut et froid des cloches d’Europe Occidentale. Le tintement de nos cloches, on peut l’entendre dans un millier d’églises de Roumanie et à l’étranger, mais nous continuons à nous perfectionner. Jamais on ne pourra affirmer avoir construit la cloche parfaite. Il suffit de penser aux spécialistes allemands, qui se penchent toujours sur le son de leurs cloches, malgré une tradition vieille de 500 ans ».
Depuis quelques années, dans bien des églises, le sonneur de cloches est remplacé par les nouvelles technologies. Elles peuvent faire tinter les cloches une à une ou suivant différentes combinaisons le jour et à l’heure souhaités. Tout est programmé et installé par les fondeurs de cloches eux-mêmes. Radu Blotor : « A l’église du Palais de Cotroceni, siège de l’Administration présidentielle de Roumanie, il y a une cloche pesant 1116 kilos, automatisée et commandée par satellite. Elle est programmée pour les 50 ans à venir. Nous avons également installé une horloge. Tout le système est mis à jour chaque minuit, étant connecté par satellite à l’horloge atomique située près de Francfort, en Allemagne. Les solstices d’hiver et d’été changent automatiquement. La cloche donne l’heure exacte et sonne les dimanches aux heures convenables. Ce système très performant commence à être utilisé dans les villages aussi, car les sonneurs de cloches se font de plus en rares ».
Lorsque l’on a affaire à un carillon, on peut lui faire jouer même une mélodie. Plus les cloches sont lourdes, plus leurs vibrations sont fortes. Si fortes que les villageois s’en servent parfois pour balayer les nuages qui planent au dessus des leurs champs. Radu Blotor : « J’ai reçu un coup de fil de part du directeur du vignoble de Cotnari qui s’intéressait à des cloches. Il voulait en acheter trois afin de protéger les vignobles contre le chutes de grêle. Nous avons construit trois cloches, dont la plus grande pesait 700 kilos, et nous les avons installées dans le vignoble. Elles ont été dotées d’un système automatique de contrôle, commandé à distance depuis le téléphone portable et à l’heure actuelle nous comptons déjà cinq ans depuis que la grêle n’est plus tombée sur ces vignes-là. Nous avons installé un carillon de trois cloches à Nimăieşti, au département de Bihor, mais là il n’y a pas de système de contrôle automatique, car il y a des sonneurs de cloches. Le long de l’installation des cloches, il pleuvait très fort, on était tous mouillés mais lorsque nous avons commencé les tests et sonné les cloches, le ciel est redevenu bleu uniquement au dessus de l’église. Sur le reste de la région, il pleuvait tout aussi fort. Ces cloches que nous produisons ont un son particulier, une résonance longue ».
En une année, la fonderie de Baia Mare produit plus de 500 cloches. Mais pour les accorder, il faut les envoyer aux Pays-Bas dans une entreprise qui fabrique des cloches depuis 1872. Le patron de la société de Baia Mare envisage d’acheter un outil spécialisé nécessaire à l’accordage des cloches, même si son prix est assez élevé. Il avoue qu’avec chaque cloche qu’il fabrique, il arrive à apprendre quelque chose de nouveau. Dans cette affaire, la passion est plus importante que le profit matériel, dit-il. « Le profit varie de 3 à 8%. Ce n’est pas beaucoup parce qu’il faut travailler avec des matériaux très chers si on veut faire des produits de qualité. Et ces matières premières sont toutes importées, parce que rien n’est plus produit en Roumanie. Le bronze vient d’Allemagne, le sable de Bulgarie, les peintures d’Allemagne et les cires des Pays-Bas. Ce qui plus est, la main d’œuvre est elle aussi onéreuse puisque chaque pièce est unique, on ne travaille pas en série. Il faut faire attention, parce qu’un petit défaut de forme peut transformer une cloche en un rebut. C’est pourquoi il faut travailler avec des gens passionnés de ce qu’ils font. Le bénéficiaire, le prêtre orthodoxe, doit comprendre qu’il achète un instrument de musique, qui appelle les gens à l’église. C’est la voix de la divinité. »
La fonderie de Baia Mare a un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de milliers d’euros et elle peut réaliser à l’heure actuelle des cloches dont le poids varie de 200 grammes à 35 tonnes et ornées de toute sorte de décorations. (trad. Mariana Tudose, Alex Diaconescu)