La stratégie de développement de la Roumanie
Les autorités de Bucarest doivent impérativement adopter des mesures pour stimuler la croissance dans des secteurs clé de léconomie roumaine : agriculture, tourisme, énergie, télécoms et la technologie de linformation, recherche et domaines créatifs.
Florin Orban, 31.05.2016, 14:29
La Roumanie doit prendre des mesures pour stimuler la croissance des secteurs clé qui ont du potentiel et qui offrent des avantages à notre pays, tels l’agriculture, les petites entreprises rurales, le tourisme, l’énergie, les communications, les technologies de l’information, la recherche, l’innovation et les domaines créatifs. Telle a été la conclusion des représentants des autorités locales et du milieu académique, réunis récemment à Bucarest pour débattre de la stratégie de développement de la Roumanie. « A première vue, cela pourrait paraître un exercice trop ambitieux, voire déplacé, pour un gouvernement à mandat limité, comme c’est le cas de l’Exécutif actuel, de parler d’une telle stratégie à long terme pour la Roumanie. Mais c’est peut-être justement une telle stratégie, une pensée de développement libre de contraintes idéologiques, d’obligations de parti ou électorales qui pourrait représenter la seule chose qu’un tel exécutif peut laisser derrière soi», a déclaré le premier ministre. A son avis, une telle vision doit se fonder sur plusieurs piliers.
Dacian Ciolos : «Premièrement, il faut définir de manière plus claire, plus précise, l’objectif que nous souhaitons atteindre, la direction dans laquelle nous voulons aller, identifier plusieurs éléments qui définissent une vision commune. Ensuite, il est important de voir ce qu’il nous faut pour y arriver, quels sont les facteurs clé du développement, comme par exemple l’éducation, la science et la recherche, la santé et l’infrastructure. »
Pour sa part, le vice premier ministre Costin Borc estime qu’une telle stratégie de développement doit se fonder en premier lieu sur la production: «Il faut pouvoir faire cette production n’importe où en Roumanie. Au moment où un entrepreneur pourra ouvrir une petite fabrique dans une zone rurale avec une vingtaine ou une trentaine d’employés, cela se traduira par un niveau de vie plus élevé pour au moins 100 personnes. Mais cela signifie aussi être connecté à un réseau de santé, à un réseau d’éducation, à un réseau d’infrastructure – non seulement de routes, mais aussi de communications. Cela oblige l’Etat, d’avoir un système électronique « e-gouvernement » pour offrir à cet entrepreneur la possibilité de tenir sa comptabilité, d’effectuer ses déclarations, après avoir couché ses enfants ou après que ses salariés soient rentrés chez eux. »
A son tour le gouverneur de la Banque Nationale de la Roumanie, Mugur Isărescu, a mis en évidence le fait que les bonnes performances du pays, ces dernières années, pour ce qui est de la stabilité macro-économique ne se reflétaient pas dans la situation de certaines compagnies ou catégories de la population fortement touchées par la crise. A son avis, des mesures concrètes sont nécessaires, pour amplifier le potentiel de croissance de l’économie roumaine.
Mugur Isărescu : «Selon nos calculs, le PIB potentiel de la Roumanie serait considérablement plus élevé. Et c’est la croissance du PIB potentiel que nous devons viser, au lieu du PIB fondé sur les importations. Si nous avions une infrastructure routière plus avancée, si les routes et les autoroutes traversaient les Carpates, le développement du pays se concentrerait moins dans l’ouest du pays et serait plus équilibré. De même, le PIB de la Roumanie serait beaucoup plus important si le système d’éducation était performant, si nous savions attirer davantage de fonds européens à temps et efficacement. De cette manière, sans doute, l’économie pourrait assurer plus d’emplois et couvrir le financement du système des retraites. »
Les performances obtenues avec de grands efforts ces dernières années risquent d’être affectées par certaines évolutions, comme la croissance excessive du déficit budgétaire par des majorations salariales et des suppressions de taxes, a encore mis en garde Mugur Isărescu.
Pour sa part, le professeur des Universités Bogdan Glăvan rappelle que le développement économique se fonde aussi sur les institutions. C’est donc dans cette direction qu’il faut concentrer nos efforts si l’on veut avoir une croissance économique accélérée, qui nous permette de récupérer les décalages par rapport aux Etats industrialisés.
Bogdan Glăvan : «Si on a des institutions adéquates, on a aussi un développement économique. Ces institutions doivent assurer l’accès aussi large que possible et aussi peu discriminatoire que possible sur le marché du travail, sur le marché des capitaux, aux opportunités d’affaires et à l’éducation. Autrement dit, si nous pensons au point où nous nous trouvons aujourd’hui et au rythme de croissance économique de seulement 1,5% par an au cours des 25 dernières années – tout cela est arrivé parce que nous n’avons pas eu d’institutions adéquates, parce que l’accès au marché de l’emploi est toujours bloqué en l’absence d’une éducation performante. Tout cela empêche de démarrer une affaire. »
Autre aspect très important : la croissance économique ne peut plus se fonder sur des réductions de taxes, ni sur l’allègement de la politique monétaire, opine l’économiste en chef de la Banque nationale de Roumanie, Valentin Lazea: « Pour la future croissance économique, les ressorts classiques d’assouplissement fiscal et monétaire ont été épuisés. Nous devons tous comprendre, toute la société, même les gens les plus simples, et aussi les hommes politiques, qu’il n’y a plus de place pour un allègement fiscal, ni monétaire. Cette ressource a été épuisée. C’est justement pourquoi il est nécessaire de trouver d’autres ressorts, qui sont en fait les seules solutions véritables pour une croissance économique sur le moyen et le long terme. Ces solutions sont à retrouver dans les facteurs sur lesquels est fondé le PIB potentiel : le capital, la main d’œuvre, la productivité. »
Selon Valentin Lazea, il ne suffit pas d’établir ce qu’il faut faire, il est nécessaire de convenir qui doit faire ces choses: l’Etat ou le secteur privé. Un changement de mentalité est également nécessaire, ainsi qu’une coopération entre le secteur public et le secteur privé. C’est à l’Etat d’établir les principes de développement et c’est au secteur privé de mettre à profit son expérience pour dérouler et finaliser les grands projets des secteurs clé de l’économie roumaine, a conclu Valentin Lazea. (Trad. Valentina Beleavski)