La Roumanie et le FMI
Une nouvelle round de discussions techniques entre les représentants du FMI et les autorités roumaines s'est récemment déroulée à Bucarest.
Florin Orban, 09.06.2015, 13:58
Un nouveau round de discussions techniques a eu lieu du 19 au 26 mai, à Bucarest, entre les représentants du FMI, de la CE et de la BM et les autorités roumaines. La récente mission des créanciers internationaux intervient après deux tentatives échouées d’évaluation officielle de l’accord de précaution actuellement en vigueur, après une visite au niveau d’experts l’été dernier et après plusieurs entrevues, à Washington, entre les responsables roumains et les représentants du Fonds. Si la Roumanie a fait belle figure pour ce qui est de ses indicateurs macroéconomiques, le rythme de ses réformes structurelles et la baisse de la TVA stipulée par le nouveau Code fiscal ont soulevé de nouveaux points d’interrogation. Les grands bailleurs de fonds regardent d’un œil sceptique la décision gouvernementale de réduire de 5% les charges sociales des employeurs, en vigueur depuis le 4e trimestre de l’année dernière. En principe, le FMI s’est dit d’accord avec une baisse des la fiscalité sur le travail à condition qu’elle vise les catégories vulnérables. Sur l’ensemble des questions débattues avec le trio des bailleurs de fonds, le calendrier de la libéralisation des prix du gaz destiné à la population et l’avenir des grandes compagnies énergétiques Oltenia et Hunedoara ont particulièrement échauffé les esprits.
A l’heure actuelle, les créanciers internationaux se disent préoccupés par la soutenabilité des mesures d’allègement des taxes et impôts prévues par le nouveau Code fiscal et par l’impact qu’une telle diminution pourrait avoir sur la cible de déficit budgétaire convenue avec les autorités de Bucarest. Au terme du nouveau Code fiscal de Roumanie, la TVA sur les denrées alimentaires a baissé depuis le 1er juin de 24 à 9%. En plus, le document stipule une baisse du taux standard de la TVA de 24 à 20% à partir de 2016 pour se réduire jusqu’à 18% à partir du 1er janvier 2018. Quant aux contributions à la sécurité sociale, le nouveau Code fiscal propose leur diminution de 10,5 à 7,5% à partir de 2018 pour les employeurs et de 15,8 à 13,5% pour les salariés. Il convient de mentionner que les accises sur les carburants connaîtront à leur tour une baisse de 16 à 20% à partir de l’année prochaine, tandis que sur certains produits, elles seront complètement éliminées. Le taux unique d’imposition sera maintenu au même niveau d’ici le 1er janvier 2019 quand il baissera de 16 à 14%.
Le journaliste Daniel Apostol se penche sur les discussions avec le FMI : « A l’heure où l’on parle, le sujet le plus brûlant est celui de la fiscalité. La Roumanie se permettrait-elle, oui ou non, un allègement fiscal? C’est-à-dire, pourrait-on bénéficier d’une fiscalité moins écrasante comme nous l’avait promise notre gouvernement? Une promesse dont tout le monde rêve. Car, sans jouer les moralisateurs hypocrites, on voudrait tous payer des taxes et des impôts réduits. Pourtant, une question s’impose: de combien ces taxes pourraient-elles baisser afin que l’Etat continue à fonctionner? Est-ce que l’on se permet des taxes réduites? Je suis entièrement pour une réduction de la fiscalité, car un régime fiscal allégé se porte comme un masque d’oxygène pour celui qui est en souffrance. Il lui offre un plus d’énergie, une bouffée d’air indispensable au bon fonctionnement de son organisme. Une fiscalité réduite permettrait aux compagnies de se servir de leurs fonds non seulement pour approvisionner les poches de l’Etat, mais aussi pour créer de nouveaux emplois, réduire les coûts, bref, créer un milieu économique propice qui nous fera profiter tous de cet allègement fiscal. »
A son tour, Dan Armeanu, professeur des universités à l’Académie des Etudes économiques de Bucarest, a déclaré: « En général, les responsables du FMI privilégient tous le principe selon lequel toute réduction de taxes doit s’accompagner de mesures compensatoires. En apparence, c’est un principe logique, mais à regarder de plus près la situation de la Roumanie, je pense que l’effet économique produit suite à l’allégement fiscal pourrait compenser à lui seul, dans six à huit mois, la majeure partie des manques à gagner au budget d’Etat. Par ailleurs, je crois que la lutte contre l’évasion fiscale menée dernièrement par les autorités roumaines a commencé à porter ses fruits. Or, si elle continue de la même manière et que les recettes budgétaires augmentent dans le même rythme qu’au premier trimestre de l’année, cela me fait penser que ce programme d’allègement fiscal s’avère vraiment soutenable. Sur l’ensemble de nouvelles mesures, la plus importante reste la réduction de la TVA de 24 à 20% parfaitement justifiable. N’oublions pas que la TVA atteint en Roumanie un des taux les plus élevés de l’UE. Il est complètement dépourvu de sens de maintenir en place un tel taux d’imposition lorsque l’on n’arrive à collecter au budget de l’Etat que la moitié. Mieux vaut réduire la TVA et collecter davantage de sorte que l’effet soit bénéfique sur le budget de l’Etat aussi. »
De l’avis du gouverneur de la Banque centrale de Roumanie, Mugur Isarescu, le rôle le plus important joué par le FMI dans ses rapports avec la Roumanie fut celui d’assurer une certaine cohérence entre les politiques économiques mises en place.
Mugur Isarescu: « Le dosage entre les différents instruments de politique monétaire et fiscale s’avère plus important que telle ou telle mesure de politique monétaire. Au bout de tant d’années de collaboration, il est temps que je m’exprime moi aussi sur le rôle que le Fonds a joué pour la Roumanie: hé bien, il a veillé à ce que les politiques adoptées par les autorités roumaines aient une certaine cohérence, car nous, on ne sait pas très bien communiquer entre nous. Sur l’ensemble des réformes, ce sont celles structurales qui enregistrent le plus de retard. En vain essayons-nous de déclencher certains mécanismes monétaires, car à partir d’un certain moment, c’est comme si on abusait d’un médicament juste pour compenser l’omission de celui dont on a vraiment besoin. Or, si le dosage n’est pas bon, on risque une intoxication ou pire! »
Une nouvelle mission du FMI se rendra en Roumanie à la mi-juin dans le contexte où les responsables roumains souhaitent achever le programme d’assistance financière en septembre. (Trad. Mariana Tudose)