Le Conseil de la concurrence et le marché de l’énergie
Analyse d'une étude sur les évolutions du marché de l'énergie en Roumanie.
Florin Orban, 01.09.2015, 13:19
L’actuel mécanisme de tarification du transport et de la distribution d’électricité de Roumanie, différencié selon les zones géographiques, affecte la concurrence sans pour autant générer des bénéfices pour les consommateurs ni avoir une quelconque justification du point de vue de la sécurité du système énergétique national. C’est l’avertissement du Conseil de la concurrence, qui a récemment mené une étude concernant les évolutions du marché de l’énergie.
Quelles sont les recommandations et les mesures prises afin de protéger les consommateurs et d’assurer la transparence de ce secteur ?
Voici la réponse du président du Conseil de la concurrence, Bogdan Chiriţoiu: « Cette analyse offre une image d’ensemble du secteur de l’énergie et nous permet de voir la moitié pleine de la bouteille, à savoir le fait que la libéralisation a stimulé la concurrence, ce qui a entraîné la baisse des prix pour les consommateurs industriels. Pourtant, certains problèmes grèvent toujours le bon fonctionnement du marché. Parmi eux, le manque de prévisibilité, qui empêche de conclure des contrats sur le long terme. Voilà pourquoi notre principale recommandation est d’améliorer le fonctionnement de la bourse, instrument permettant les transactions dans le secteur de l’énergie. Cette bourse de l’énergie, créée en 2005, ne dispose pas de suffisamment de facilités censées permettre des contrats sur le long terme. »
2014 a été pour la Roumanie la meilleure année de cette dernière décennie pour ce qui est de la production et de l’exportation d’énergie électrique. L’énergie verte a elle aussi atteint un niveau record.
Ceci étant, faudrait-il s’attendre à des baisses de prix pour les consommateurs domestiques aussi?
Bogdan Chiriţoiu: « Malheureusement, je ne pense pas que cela puisse arriver. Pourquoi? Les consommateurs domestiques bénéficient déjà d’électricité au prix de revient et cette énergie leur vient des fournisseurs les moins chers de Roumanie, à savoir Nuclearelectrica (la centrale nucléaire de Cernavodă) et Hidroelectrica (les grandes centrales hydroélectriques des Portes de Fer e.a.). Je n’entrevois vraiment aucune possibilité de faire encore baisser ce prix. En échange, des problèmes persistent là où il n’y pas de concurrence. Il s’agit d’un secteur réglementé par l’Autorité nationale de régulation de l’énergie, celui du transport de l’électricité par Transelectrica et de la distribution par câble effectuée par les différentes sociétés à travers le pays. C’est donc dans ce secteur du transport et de la distribution que l’on pourrait assister à une diminution des tarifs. »
Le marché roumain de l’énergie est-il bien réglementé en ce moment?
Bogdan Chiriţoiu : « On peut mieux faire, bien sûr. Il faut examiner la possibilité de faire baisser les tarifs autant que possible dans la zone soumise au monopole, où la concurrence n’opère pas, celle du transport et de la distribution d’énergie. Il est également nécessaire de s’assurer qu’il n’y ait pas de pertes sur les réseaux électriques et de conférer une certaine prédictibilité aux prix, de sorte que l’on puisse conclure des contrats sur le long terme. Les gros consommateurs d’énergie doivent pouvoir estimer les coûts sur un horizon de plusieurs années et non seulement d’une année ou moins, comme c’est le cas à présent. Il nous faut trouver une solution simple, telle la conclusion de contrats sur plusieurs années. Or cela, nous ne le faisons pas maintenant en Roumanie. Nous obligeons tout le monde à opérer en bourse, ce qui n’est pas le cas ailleurs. Pourquoi? Justement parce qu’il y a eu des problèmes par le passé, liés à de sérieuses suspicions de corruption. Celles-ci concernaient la conclusion de contrats à prix préférentiel ou le fait que les sociétés publiques vendaient de l’électricité à des prix trop bas à une série d’intermédiaires ou de consommateurs industriels. C’est la raison pour laquelle l’Etat roumain exige que toutes les transactions soient effectuées en bourse. Je le répète, c’est une situation exceptionnelle. Nous allons éliminer cette obligation, mais pas avant d’éclaircir ces soupçons de corruption et de voir si le marché fonctionne correctement. »
Notons qu’en 2014 l’Autorité de la concurrence a elle aussi sanctionné 53 compagnies. Le montant des amendes infligées a été de 185 millions de lei (environ 42 millions d’euros), un chiffre deux et respectivement six fois supérieur à ceux enregistrés en 2013 et 2012. L’année dernière, le Conseil de la concurrence a finalisé 21 investigations et autres activités similaires relatives à l’application de la loi sur la concurrence, dont 16 enquêtes sur la violation présumée de cette législation, 2 procédures ouvertes pour non respect des engagements, 2 enquêtes sectorielles et une étude. 8 des enquêtes finalisées en 2014 ont visé la transgression de la législation nationale et communautaire en matière de concurrence.
Par ailleurs, cette même année, le Conseil de la concurrence a été partie prenante dans 180 affaires judiciaires, représentant 86% du nombre des dossiers confiés à la justice. Dans 96% des cas, soit 3 points de pourcentage de plus que l’année antérieure, des jugements irrévocables ont été prononcés en faveur du Conseil de la concurrence. (Trad. Mariana Tudose)