La Journée de l’Auditeur 2017
Combien faites-vous confiance aux médias? Voici vos réponses!
Valentina Beleavski, 05.11.2017, 14:15
Cette année nous avons un sujet très actuel et très épineux à décortiquer : les fake news et sur la confiance faite aux médias. Ces dernières années, cette confiance a baissé, ce phénomène touchant tous les médias – presse écrite ou audiovisuelle – publics ou privés. Les causes sont multiples : les liens tissés entre les médias, le monde politique et les acteurs économiques, la course aux scoops et à l’audimat, les erreurs journalistiques mais également l’influence des réseaux sociaux. Quand on parle de ces derniers, il faut parler également de « fake news », les fausses informations qui circulent notamment sur les réseaux sociaux, dans le but de nous manipuler. C’est pour cela que l’édition 2017 de la Journée de l’Auditeur vous propose de répondre à la question : Combien faites-vous encore confiance aux médias? Plusieurs auditeurs ont répondu à cette question et nous leur donnons la parole aujuord’hui.
Commençons par Philippe Marsan de France qui nous propose de dresser le parcours historique des médias :
Philippe Marsan de France
« Après la première guerre mondiale, vers 1923, la chansonnette, les informations, le journal parlé arrivèrent sur les ondes. Parallèlement, au cinéma, les actualités égrenaient les informations les plus significatives. En 1935, les tous premiers récepteurs de télévision commençaient à diffuser des images de divertissement. A l’approche de la deuxième guerre mondiale, la presse écrite, la radio devinrent des outils de la propagande. Très rapidement, ce fut « la guerre des radios ». Londres, Moscou, Stuggart, Alger, Paris… Chacun agrémentait les évènements et l’actualité internationale, à sa façon ou selon la censure imposée par les gouvernements. On entendit ce célèbre slogan venu de la BBC : « Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand… ». C’est à celle des radios qui « mentirait » le plus afin de convaincre l’auditeur qui subissait le conflit. Même, le cinéma, la presse écrite, étaient en France à la solde de l’occupant. Dans les années 50, on peut parler de l’hégémonie de la radio, et l’arrivée à grands pas de la télévision. L’Europe est divisée entre l’Est sous dominante « communiste » et l’Ouest sous l’influence des Etats Unis. Des radios clandestines apparaissent comme « Radio Free Europe ». Des évènements dramatiques adviennent comme l’insurrection de Budapest en 1956, le printemps de Prague en 1968, plus tard la révolution en Pologne. Là aussi, même en France, l’actualité concernant les évènements du printemps et de l’été 1968, est sous l’influence d’une autorité de contrôle. En ce qui concerne la télévision, au début vers 1949, c’est le célèbre journal télévisé dont les images et commentaires sont prises sur le vif, sans truquage, c’est le temps du direct. Avec la possibilité de l’enregistrement, du montage, il est possible de faire dire aux images et aux sons ce que l’on « souhaite ». Ainsi serait-il possible de confectionner du « trompe l’œil » ou du « trompe oreille » ? Cela inquiète, mais aussi rassure car ainsi il est possible d’archiver, de conserver des documents qui seront classés dans l’histoire. Aujourd’hui, le numérique, le digital sont présents. Tout semble possible pour énoncer, diffuser « le vrai » et peut être le moins pertinent ou réaliste ? En effet, la technique permet de soustraire, ajouter… Les réseaux sociaux, internet peuvent annoncer tout et son contraire. Il nous reste encore ces bonnes « vieilles » ondes courtes, et la radio, Radio Roumanie qui nous donne avec chaleur de l’information venue de loin et montrant une image de l’actualité perçue au-delà de nos frontières. Restons optimistes ? Il y a du « vrai » dans ce que l’on diffuse. Le réseau internet est un formidable outil de communication. A nous d’être vigilants, avertis, pragmatiques. A nous de réfléchir, de trier, et surtout d’y croire ! Vive les Médias ! »
C’est à nous de trier, estime donc Philippe Marsan. Pour sa part, Bernard Launay de France pointe du doigt les réseaux sociaux pour la baisse de la qualité des informations et met en avant lui aussi l’importance des ondes courtes. Voici sa contribution pour la Journée de l’Auditeur :
Bernard Launay de France
« Vous avez raison d’écrire que la confiance a baissé face aux informations diffusées par les médias, et il est vrai que les réseaux sociaux portent une responsabilité. Pour ma part, j’ai envie de noter quelques points afin d’enrichir cette discussion.
1) L’instantanéité et l’universalité de l’information. De nos jours on est en mesure de savoir ce qui se passe partout et à tout moment. On peut suivre un conflit armé en direct, on peut voir par webcam la météo à l’autre bout du monde… jusqu’aux grands de ce monde qui expriment leurs états d’âme heure par heure ! Est-ce une avancée ? Je ne le pense pas, car cela nous empêche toute prise de distance avec les informations reçues. Nous vivons continuellement dans l’instantané, et les fausses informations sont très facilement diffusées, trop facilement reçues.
2) L’objectivité des médias. De tous temps on a pu critiquer tel média pour son manque d’objectivité. Cela n’est pas nouveau, et dans tous les pays on est confronté à cette situation. Faut-il ne plus faire confiance aux médias ? A mon sens, il faut poser la question différemment : Jusqu’où peut-on faire confiance aux médias ? Y répondre revient alors à s’interroger sur l’éducation face au traitement de l’information. Sommes-nous prêts à analyser les informations reçues ? Les journalistes sont avant tout des humains, avec leur opinion personnelle, qui ne devrait pas transparaître dans leurs reportages. Mais on sait bien que cela est difficile et que volontairement ou non, une orientation est donnée à la présentation de l’information. Je pense qu’il nous revient donc, à nous auditeurs, lecteurs, téléspectateurs, de faire preuve d’un sens critique afin d’être en capacité d’analyser les informations reçues et de se forger notre opinion propre.
3) L’immense intérêt des ondes courtes. Depuis ma jeunesse, j’ai trouvé une réponse à la question de l’objectivité des médias. Je suis un auditeur assidu des stations internationales diffusées en ondes courtes. Outre le plaisir de l’écoute, de la découverte des pays, j’y trouve aussi une occasion de confronter différentes façons de présenter une information. Il est tellement enrichissant de comparer la présentation d’une même information par des stations, des journalistes, des pays différents, qui apportent leur vision des faits. La culture propre, la situation géographique, l’orientation idéologique ou religieuse des journalistes permet un regard différent d’une information. C’est à nous, auditeurs, qu’il revient de croiser ces regards, ces présentations, afin d’en retenir la vision qui nous semblerait la plus objective.
En conclusion. Il me semble que nous ne devons pas plus qu’autrefois, accorder une confiance aveugle aux médias. Il revient aux individus d’exercer leur sens critique, et peut-être aux systèmes éducatifs de développer chez les plus jeunes cette faculté à se questionner. Les diffusions internationales sont indispensables à l’exercice de ce sens critique… »
Bernard Launay nous conseille donc de ne pas faire une confiance aveugle aux médias, alors que son compatriote, Paul Jamet, va encore plus loin et explique l’importance de ce sujet si vaste. Voici le message de Paul Jamet.
Paul Jamet de France
« Votre question revêt vraiment une importance toute particulière ! Il s’agit d’un sujet véritablement crucial dont l’importance ne cesse de croître. Mais d’un sujet tellement vaste que je ne saurais prétendre le traiter dans sa globalité. Tout d’abord, il faut s’entendre sur ce le terme Média : « tout moyen de diffusion » répond-on classiquement, du langage à Internet en passant par la presse, la radio, la télévision et enfin Internet. Cependant, pour certains tel Dominique Wolton du CNRS (1999), Internet ne serait pas un média dans la mesure où il n’y a pas de contenu éditorial, pas de logique de l’offre envers un public déterminé ; chacun vient piocher ce qu’il veut au moment où il le veut. Depuis, d’autres innovations sont intervenues. Mais on continue bien trop souvent de confondre progrès technologique (distribution toujours plus rapide de l’information) et progrès vers une meilleure communication, c’est-à-dire de meilleurs échanges entre les individus.
Depuis ces premières analyses sur l’irruption d’Internet, on a pu observer que :*Internet a renforcé l’efficacité mais aussi la notoriété des médias auprès des quels nous nous informions tels la presse, la radio et la télévision ;*l’apparition des téléphones mobiles, en particulier des téléphones intelligents qui permettent à leurs possesseurs d’être connectés en tout lieu (ou presque) et à tout moment et de suivre l’information en direct ;*la création des réseaux sociaux et des plates-formes de partage de photos et de vidéos par exemple. Aujourd’hui, muni d’un smartphone, tout un chacun peut s’improviser journaliste ! La porte ouverte à toutes les dérives.
Aussi, avons-nous pu constater une formidable intensification des échanges ! Face à la multitude d’informations qui nous assaillent quotidiennement, on a tous tendance à s’accrocher à des choses simples, compréhensibles. Mais le simple est souvent entaché d’erreurs. Et certains font commerce de la simplicité. De plus, Internet ne trie pas et répand des informations dont les conséquences peuvent être dramatiques (l’exemple du refus de la vaccination est édifiant). Nous sommes donc de plus en plus exposés à des informations peu crédibles. Mais contrairement à ce que nous pensons, cela n’est pas nouveau. Pour s’en convaincre, il suffit de relire la presse communiste des années 70 et 80 pour vérifier l’omniprésence du mensonge avec le plus grand mépris des faits.
Quelle confiance envers les médias ? Depuis 30 ans, une enquête est réalisée annuellement en France sur la confiance envers les médias. Voici un extrait des résultats publiés en février 2017 :
http://fr.kantar.com/médias/digital/2017/barometre-2017-de-la-confiance-des-francais-dans-les-media/
La confiance dans l’information relayée par les media chute elle aussi, mais la hiérarchie des media les plus crédibles demeure. Ainsi, la radio reste le media qui fournit l’information la plus fidèle à la réalité, et le seul crédible aux yeux d’une majorité de Français : 52% estiment que les choses se sont passées vraiment ou à peu près comme elle les raconte (-3 points). Le journal et la télévision accusent, eux, une baisse importante de leur crédibilité, à 44% (-7 points) et 41% (-9 points) : pour plus d’un Français sur deux (55%), il y a des différences ou les choses ne se sont pas passées du tout comme la télévision les raconte. Quant à Internet, 26% seulement des Français font confiance à l’information qu’il relaye, contre une majorité (52%) qui ne la juge pas crédible, retrouvant son niveau de 2006.
Pour ce qui me concerne, j’écoute beaucoup la radio dont plusieurs stations internationales, je consulte plusieurs sites d’information sur Internet mais je ne regarde jamais la télévision trop consommatrice de temps. Et je suis abonné à une dizaine de magazines et à la sélection hebdomadaire du Journal Le Monde.
A propos du comportement de l’être humain. Évidemment, les sciences cognitives se sont emparées de la question et elles ont analysé le comportement de l’humain face au vrai, au faux, etc. Première constatation : moins quelqu’un en sait sur un sujet donné, plus son avis est assuré ! Les réseaux sociaux ont facilité non seulement la diffusion de rumeurs, de fausses nouvelles, mais ont facilité la création de communautés d’opinion qui reposent bien souvent sur un savoir fragile pour ne pas dire inexistant. Deuxième constatation : l’humain a développé une certaine imperméabilité à l’avis des autres, imperméabilité qui peut nous conduire parfois à nier l’évidence !
A propos de notre confiance dans les médias. Comme je l’ai souligné, cette confiance semble s’émousser d’année en année, quel que soit le média concerné au point d’atteindre, pour certains, une attitude de replis vers des communautés de pensée ; exemple la question du réchauffement climatique. Mais qu’en est-il de notre crédulité ? De notre absence d’attention et de notre savoir conduisant à une absence de discernement, d’esprit critique ? En d’autres termes, sommes-nous fainéants intellectuellement ? Il semble bien que la réponse soit oui si j’en crois des spécialistes des sciences cognitives !
Toutes ces considérations nous ramènent inévitablement aux stations de radio internationales et l’importance, à mon avis, qu’elles ont dans le paysage radiophonique. Elles contribuent à la diversité des sources d’information, elles apportent des éclairages différents sur l’actualité y compris, assez souvent, sur celle du pays dans lequel je vis. Bien sûr, encore faut-il faire la démarche de les écouter ? Si on élimine les stations de propagande politique (faciles à repérer mais certaines sont toujours présentes bien que moins nombreuses depuis la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS), ces stations internationales permettent de diversifier ses sources d’information et ne pas tomber dans le piège des journalistes et éditorialistes vedettes qui occupent chaque soir les écrans de télévision et vous disent chaque matin ce qu’il va falloir penser de telle ou telle décision politique ou événement. C’est le cas en France ! Je suis effaré par le fait que des millions de français regardent chaque soir à 20h le même journal télévisé.
Pour terminer, je ferais référence à un ouvrage d’Hannah Arendt « Vérité et Politique » (1964) dans lequel elle pose, entre autres, la question suivante : Est-ce qu’il existe aucun fait qui soit indépendant de l’opinion et de l’interprétation ? Aussi, pour faire preuve d »objectivité il faut surmonter la question de l’opinion c’est-à-dire une méconnaissance des faits et l’interprétation qui consiste en une perception subjective de ceux-ci. Les journalistes (de métier, c’est-à-dire diplômés) ont la responsabilité de distinguer les faits de l’interprétation qui en est donné et plus encore de l’interprétation qu’eux-mêmes leur donnent en s’appuyant parfois sur des témoins plus ou moins fiables.
En conclusion, s’informer prend du temps, coûte de l’argent et demande une certaine autonomie intellectuelle. C’est pourquoi il appartient à chacun d’entre nous d’être vigilant et de ne pas (re)diffuser de fausses informations. Tout cela plaide en faveur d’un enseignement qui ferait une large place à l’alphabétisation numérique : apprenons à vérifier même si nous avons envie de croire qu’une information est vraie. Traquons les mensonges et dénonçons ceux qui les répandent voire en font commerce. C’est pourquoi, parallèlement à la propre responsabilité des acteurs du numérique dans la perte de confiance qu’ils subissent il faut aussi garder présent à l’esprit le manque d’esprit dû à notre paresse intellectuelle ».
Restons vigilants, nous incite Paul Jamet de France. Quant à lui, Gilles Gautier, toujours de France, estime qu’il faut quand même faire confiance aux médias reconnus, bien qu’il soit de plus en plus nécessaire de vérifier toute information. Voici l’avis de Gilles Gautier.
Gilles Gautier de France
« A mon avis, il ne faut pas toujours croire, aussi bien tout ce que l’on entend mais aussi tout ce que l’on lit, mais quand même leur faire en partie confiance surtout quand il s’agit des grands médias. Il faut se demander d’où vient l’info, de quel média, de quel pays? Naturellement son appartenance, comme pour les journaux, à des groupes financiers, groupes politiques a une importance, mais aussi du pays qu’il dépend. Il y a donc des intérêts mais aussi des influences, certains cherchent à faire de l’audimat, d’autres du chiffre. Les profits passent parfois avant une info qui risque de nuire. Les gouvernements ont eux aussi une influence, et ils ne sont pas tous honnêtes, certains écrivent ou parlent d’évènements en les transformant! L’information peut être aussi interprétée de deux avis différents, tout simplement selon sa sensibilité ou la perception des choses, sans vouloir la déformer. Il arrive que des détails soient volontairement oubliés, l’histoire, des affaires criminelles, nous le prouvent. Des infos peuvent être aussi mal vérifiées, l’erreur étant humaine! Il semble, d ‘après les derniers chiffres que la confiance envers les médias, diminue d’année en année, 70% faisaient confiance aux médias en 2016 et 64% en 2017), en cause, l’indépendance des journalistes par rapport au pouvoir. Les réseaux sociaux, même s’ils sont de plus en plus prisés, surtout par les jeunes, semblent paradoxalement ceux qui nous fournissent le plus en « Fake News », (pour employer un mot que je n’aime pas). Le Figaro, dans un sondage écrit que 80% des personnes interrogées, pensent que les « Fausses Nouvelles » sur les réseaux sont une réalité! La radio semble la plus crédible, un bon point pour notre passion, devant la presse et la télé… sources toujours du « Figaro » et de « La Croix ». La télé est la plus écoutée (48%), devant le net (25%) et le papier (6%). Les 18-24 ans regardent les réseaux sociaux à 41%. Toujours pour eux, 24% des journalistes résisteraient à la pression politique et 27% à l’argent, cela donne un gros doute pour la question que vous posez.
Avec tous ces chiffres, on se pose donc la question que vous nous posez ! Je pense que chacun doit quand même faire confiance aux médias qu’il connait, à ceux qui sont souvent le plus près possible de la vérité, aux médias reconnus et qui sont connus pour dire une vraie vérité, car d’autres sont connus pour leur manque de sérieux. Deux médias importants qui nous donnent une information identique sont très certainement proches de la vérité, et s’ils disent ou écrivent des infos différentes, il sera bon de vérifier avec plusieurs autres. Je dirai donc : quels moyens avons-nous pour être informés, sinon des médias? Alors comme je le dis au début: il faut leur faire quand même confiance, sans forcément tous les croire et tout croire! »
Il ne faut surtout pas tout croire – c’est l’opinion qui apparaît dans la plupart des messages reçus à l’occasion de cette Journée de l’Auditeur. Un avis partagé par Mme Maguy Roi de France. Voici ce qu’elle nous a écrit.
Maguy Roy de France
« De nos jours, les médias toujours plus nombreux permettent aux nouvelles de circuler par l’intermédiaire de médiateurs qui nous informent de façon quasi instantanée. Mais cette diffusion permanente laisse-t-elle le temps de vérifier les sources, de croiser et de confirmer les informations en toute objectivité et neutralité ? La recherche du sensationnel dans les médias (écrits, audiovisuels, réseaux sociaux) conduit parfois à une information incomplète, fausse, approximative, insuffisamment analysée. Dans la société actuelle, il me paraît donc indispensable de multiplier les sources d’information, de les croiser pour les rendre fiables et ne pas s’en tenir à des effets de communication.En ce sens, l’éducation joue un rôle primordial pour acquérir des connaissances et affiner son jugement avec un esprit critique. Faire confiance aux médias ? Oui à 50%. »
Mme Maguy Roy estime qu’il faut faire confiance aux informations véhiculées par les différents médias uniquement à 50%. Par contre, Jean-Michel Aubier, de France, n’est pas aussi tranchant en ce qui concerne les chaînes de télévision ou la presse écrite, mais reste plutôt méfiant quant à l’information se trouvant sur Internet. Voici son message.
Jean Michel Aubier de France
« Difficile de répondre par OUI ou par NON à cette question, tant les médias sont divers et variés. Il est de bon ton de critiquer nos sources d’information. Pourtant, elles ne sont pas toutes à vouer aux gémonies. Mettons de côté les médias internationaux qui sont souvent la Voix de leur Maître. Que penser de la Voix de la Corée à Pyongyang ou même de Radio Sputnik, l’organe officiel du Kremlin ? D’autres, bien que financés par des gouvernements sont beaucoup plus libres, comme la BBC ou RFI.
Le développement des technologies a permis l’éclosion des chaines TV tout info. Offre intéressante de prime abord : on discute, on argumente, on se querelle sur les plateaux. Ça sent la liberté de ton, et cette liberté existe d’ailleurs, reconnaissons-le sans finasser. Le problème est la concurrence effrénée que se livrent les différentes chaînes. Il faut donc aller vite, débusquer le scoop avant l’autre, et là… le bât blesse. Dans cette course folle, on oublie de vérifier la source de l’info qui s’avère parfois erronée.
Pour autant, je reste un adepte de ces chaînes info, mais sans me départir d’une certaine retenue. La presse écrite, le bon vieux journal papier, me semble plus fiable. Ne pouvant jouer à armes égales avec les chaînes info ou les radios, on assiste à plus de recul dans leur traitement de l’information, laquelle n’est plus jetée en pâture au public, mais est analysée, expliquée, voire critiquée.
Pour ce qui est de la France, mais dans d’autres pays aussi, les journaux ne sont pour la plupart pas indépendants. Ils sont souvent la propriété de grands groupes ou d’hommes d’affaires puissants. Cela ne veut pas dire pour autant que l’information est biaisée. Disons qu’elle est parfois orientée dans l’analyse… Cela ne remet pas en question la qualité du travail éditorial
Quant à Internet, la méfiance est de rigueur. De nombreux sites conspirationnistes ont vu le jour où de pseudos journalistes vous expliquent qu’aucun avion ne s’est écrasé sur le pentagone le 11 septembre 2001 (C’est ce que prétend le « Réseau Voltaire »). Tout comme on vote pour les partis extrémistes pour marquer son rejet des formations traditionnelles, on se replie sur ces pages car on se persuade que les médias « classiques » sont tous inféodés au pouvoir en place. Avec la force que constituent les réseaux sociaux, ces fake news sont relayées sur la Toile dans des temps record et finissent par jeter le trouble ».
Garder une certaine distance, c’est la stratégie de Jean-Michel Aubier. A part les fausses informations, les médias sont aussi accusés de privilégier les scoops et l’actu people sans trop se soucier de l’impact de ces nouvelles sur le public, notamment sur le public jeune. C’est ce qui dérange surtout notre auditeur algérien Nouari Naghmouhci. Voici son message :
Nouari Naghmouchi d’Algérie
« Souvent, les journalistes et les rédacteurs en chef retiennent les nouvelles propres à captiver le public, même si elles ne sont pas vraiment importantes. La priorité est donnée au sensationnel et au tape-à-l’œil pour faire monter le tirage ou l’audience. On fait la part belle aux vedettes du sport et du spectacle sans se soucier de l’impact sur la jeunesse. La moindre information sur les amours, le mariage ou le décès d’une de ces célébrités est presque systématiquement montée en épingle. En général, les journaux télévisés privilégient les sujets accompagnés d’images fortes. »
Trop d’actu people et trop d’images « fortes » selon Nouari Nagmouchi, mais aussi manque d’objectivité, manque de neutralité… la déontologie des journalistes est désormais mise en doute, alors qu’auparavant il était question surtout de lutter pour la liberté des journalistes et de médias.Jean-Marc Olry nous invite à y réfléchir :
Jean Marc Olry de France
«Et votre question est intéressante ! D’autant que les journaux du 31 octobre relataient que 126 millions d’Américains avaient été exposés à des fausses informations durant la campagne électorale. Je vous soumets quelques réflexions personnelles. Et ce témoignage. Courant 2016 un ami proche m’avait proposé lors d’une conversation que je lui donne mon adresse mail « afin de m’envoyer quelque chose ». Effectivement dans les jours suivants j’ai reçu un certain nombre de mails contenant des informations plutôt inquiétantes. Il s’agissait de mails retransmis, de liens etc. Connaissant bien l’expéditeur, dans un premier temps, j’ai eu tendance à croire (un peu) ce que je lisais. Rapidement, j’ai vérifié, remonté les sources et constaté que l’origine provenait de site de partis ou groupuscules politiques, du site russe RT, du blog d’un individu déjà condamné pour révisionnisme etc…
Durant la campagne électorale (et après) j’ai donc reçu quotidiennement de cette personne et d’autres des montages photographiques, des éléments tronqués, des vidéos douteuses et racoleuses (manipulation, démagogie) dans le but certain d’influencer le débat public.
Je pense qu’à l’origine « on » veut cibler des gens déjà habités par de fausses certitudes, des personnes qui veulent se raccrocher « à autre chose » et sont prêtes à gober tout et n’importe quoi. Ces personnes vont servir de relais vers leurs amis et connaissances afin de tisser un réseau (une chaîne) de peur voire de haine. (Mais sommes-nous vraiment à l’abri ?)
D’où l’importance des journalistes et des médias. Et de la déontologie des journalistes. Les enquêtes, l’expertise, les débats, l’apport culturel, la relatation de faits avérés et vérifiés doivent nous remettre dans un rapport de confiance. A mon avis le rôle des journalistes est primordial, indispensable. Tant qu’il respecte la déontologie. On peut élargir ce rôle aux médias car tous les intervenants ne sont pas journalistes – comme sur votre Radio par exemple – . Malheureusement tout le monde n’est pas de cet avis… : il y a quelques jours j’étais au téléphone avec un proche et nous évoquions ces questions et à mon grand étonnement, il m’a dit : « Les journalistes font beaucoup de mal ! » … J’en viens à croire que le syntagme de « fake news » est détourné à l’encontre des vrais journalistes, des vrais médias, par les « désinformateurs » et les « désinformés ».
Souhaitons que les journalistes et les médias restent libres et indépendants et continuent de nous informer et, pour nous, de décrypter le monde ».
C’est aux journalistes de nous aider à mieux comprendre le monde. Il est donc nécessaire qu’ils restent libres et indépendants, souligne Jean-Marc Olry. C’est aussi aux journalistes de restaurer la confiance des gens dans les médias, insiste Christian Ghibaudo de France. Voici sa contribution pour la Journée de l’Auditeur.
Christian Ghibaudo de France
« Alors cette année, le thème de la Journée de l’Auditeur concerne un peu directement la radio. En février 2017 en France, une enquête a établi que la défiance envers les médias s’accentue. Les Français font de moins en moins confiance envers les médias. A l’époque, on accusait les médias nationaux de ne pas parler des sujets qui préoccupent les français. Et même de manipulation, par exemple début 2017, les journalistes étaient accusés de manipulation de l’opinion en ce qui concerne les infos sur l’élection américaine, Mme Clinton était déjà élue avant l’élection, et on a vu le résultat. Il y a un désintérêt des Français pour l’information, surtout chez les jeunes. En termes d’usage, Internet représente la première source d’information pour un quart des Français et ce malgré leur défiance vis-à-vis des informations qui y circulent et notamment sur les réseaux sociaux.
Pour beaucoup de personnes, l’élection présidentielle française a aussi été manipulée par les médias français. Surtout certaines radios et chaines de télévision, qui ont été accusées d’avoir favorisé l’élection de M. Macron. Et le résultat est là, M. Macron est président, maintenant c’est facile d’accuser les médias, mais peut être au fond, les français avaient envie d’un président comme M. Macron avec son programme ?
Mais en France, on oublie rapidement que de tout temps, la presse a été une presse d’opinion. Avant c’était la presse écrite, avec des journaux nationaux ou régionaux au service de courants politiques, économiques ou religieux. Maintenant c’est surtout les chaines infos en télévision, qui informent les français, et là aussi il y a des intérêts politiques et financiers. Mais on peut espérer compter sur l’indépendance des journalistes…
À une période où la désinformation est une pratique qui se répand de plus en plus, à l’heure où des sites internet partisans prennent les allures de sites d’info pour véhiculer une propagande et au moment où l’on s’inquiète d’une montée des populismes, on l’a vu autour des débats qui ont conduit au Brexit ou encore avec l’élection de Donald Trump, cette étude sonne comme un rappel à l’ordre.
Les journalistes ont une mission urgente : restaurer la confiance. Ça passe d’abord par un exercice nécessaire d’autocritique.
Maintenant, je pense que certains médias internationaux, qui n’ont pas d’ambition planétaire, comme RRI, R. Prague ou la DW sont plus indépendants pour les informations données sur les ondes. C’est pour cela que depuis près de 40 ans, j’écoute surtout les informations données par les radios internationales. Car il ne faut pas oublier que jusqu’au milieu des années 80, en France il n’y avait pas une grande liberté de l’information, les radios publiques ou privées (RTL, RMC, Europe…) étaient toute contrôlées par l’Etat français…
En conclusion, je dirais que j’ai toujours la même confiance, ou plutôt ma confiance n’a pas baissée, ni augmentée. J’ai toujours pensé que ce qui était dit ou écris n’était qu’une partie de la vérité. A mon avis, il faut se faire sa propre opinion, en « picorant » des infos un peu partout. »
Faut-il faire confiance aux médias? Votre avis est unanime: plutôt non. Il faut s’informer de plusieurs sources, il faut faire très attention aux informations qui circulent sur les réseaux sociaux, il faut éduquer les nouvelles générations et nous-mêmes dans cette direction. Un autre aspect que nos amis ont en commun: ils accordent plus de confiance aux radios internationales et ne cessent d’insister sur leur importance dans le paysage médiatique mondial. Et puis, il faut aussi que les journalistes eux-mêmes se mettent en question pour garder leur liberté et leur objectivité. C’est le seul moyen de restaurer la confiance. Voilà en bref les conclusions de notre débat pour cette Journée de l’Auditeur. Merci d’avoir suivi cette édition! A bientôt!