Nouari Naghmouchi (Algérie) – Norman Manea
Notre auditeur algérien s'intéresse à l'écrivain Norman Manea.
România Internațional, 11.10.2019, 13:01
C’est un écrivain et homme de culture roumain né dans une famille juive, près de la ville de Suceava, dans le nord de la Roumanie. Il est un des romanciers roumains les plus traduits (en une vingtaine de langues), et considéré un des plus grands écrivains roumains en exil. En 1941, quand Norman Manea avait cinq ans, sa famille est déportée en Transnistrie, sur la rive gauche du fleuve Dniestr. Il est ingénieur de formation, mais renonce à exercer ce métier pour se consacrer uniquement à l’écriture depuis 1974.
Jusquen 1986, lorsque les pressions grandissantes de la censure communiste le poussent irrémédiablement à sexiler de Roumanie, Norman Manea saffirme comme un des romanciers, essayistes et nouvellistes roumains les plus connus. Il publie 10 livres. En 1979, il reçoit le Prix de lAssociation des écrivains de Bucarest et en 1984, le Prix de lUnion des écrivains que le Conseil de la culture et de léducation socialistes lui retire plus tard ; cette décision ne fait que confirmer la position incommode de lécrivain dans le milieu culturel roumain de lépoque.
Il est l’auteur de livres célèbres tels « Le retour du hooligan », « L’enveloppe noire », « Les clowns : le dictateur et l’artiste », « Le bonheur obligatoire », ou « La tanière ». « Jaurais aimé nécrire que des romans damour », dit lécrivain, « mais ça ma été impossible. Moi, je suis un écrivain politique, dans la mesure où jai vécu ce que jai vécu. Je suis et je reste en exil, je me dis profondément solidaire aussi bien avec les exilés vivant à l’intérieur de leur pays qu’avec ceux vivant dans un exil lointain. Je suis passé moi-même de l’exil dans mon pays à celui lointain. Je me permets de ne rien attendre de ce dernier, mais je souhaite à la Roumanie qu’elle connaisse un réel changement de visage, un changement profond, structurel pour ce qui est du fonctionnement de l’Etat, de ses institutions démocratiques. Et je lui souhaite aussi un changement encore plus profond, quand il s’agit de la mentalité générale, par une participation réelle et responsable des citoyens à la vie de la cité et par un plus grand respect envers ces derniers », disait Norman Manea.
Ses thèmes préférés sont le trauma de l’Holocauste, la vie de tous les jours dans un Etat totalitaire et l’exil. Il ajoutait : « Je ne suis ni polémiste ni provocateur – en tout cas, je ne me vois pas ainsi. Je nai fait quexpliquer mon opinion personnelle, mon point de vue sur la place de la littérature dans lhistoire dune nation. Jai parlé des périodes plus difficiles de lhistoire roumaine, mais, en règle générale, je refuse demployer des termes collectifs, généraux sur les Roumains, les Juifs etc. Moi, je me concentre sur lindividu, sur ce quil peut et doit faire, sur les différences radicales de personnalité entre nous. Pour ce qui est de la mémoire, jai constaté que les cas dautoanalyse et danalyse critique des erreurs sont plutôt rares dans lhistoire des Roumains. Et cela est la conséquence d’un certain hédonisme – les Roumains, dont je fais partie, sont un peuple hédoniste, à mon avis. Un des arguments à l’appui de cette affirmation, c’est justement ce dicton populaire comme quoi nous navons pas donné des saints au monde, nous avons donné des poètes. Lhédoniste profite à fond des joies de la vie, il sintéresse plutôt à lart quau sacré. Cela implique aussi une certaine capacité dadaptation à limmédiat, ce qui peut engendrer un certain oubli du passé ».
« La culture est critique, imaginative, elle s’approche de la réalité avec prudence, intelligence et agilité. La politique et tout ce qui en découle est une simplification. Or, une œuvre littéraire n’est pas une simplification, la littérature n’étant elle non plus une simple source d’information, malgré ce que l’on voit autour de nous. La littérature en soi n’est pas amorale, sa morale est implicite et non pas explicite. Si elle est explicite, on a affaire à une littérature de mauvaise qualité, on le sait très bien. Pour ce qui est de la condition de l’écrivain, depuis le commencement du monde jusqu’à présent, elle n’a jamais été simple. Certes, durant les époques extrêmes, de dictature, l’écrivain se retrouve dans une situation encore plus compliquée, parce que l’art signifie, de par sa nature, liberté absolue. On commence à écrire sur une feuille blanche, et cette feuille de papier blanc, c’est la liberté absolue. On en fait ce que l’on veut. Mais si on a un censeur à affronter, on se trouve devant un double problème : la censure et l’autocensure ». Voilà quelques propos sur l’écrivain Norman Manea, qui est en plus un écrivain très primé.