Nouari Naghmouchi (Algérie) – Les quartiers de Bucarest (II)
L'histoire du quartier Berceni, dans le sud de la capitale.
Valentina Beleavski, 20.10.2017, 14:40
Situé dans le sud de la capitale, Berceni est un cartier de banlieue et en même temps pas très éloigné du centre historique de la ville. C’est un quartier jeune, car il y a une cinquantaine d’années cette zone était un terrain vague. Quelques personnes aux revenus modestes y avaient bâti leurs maisons, sans avoir pourtant accès aux services communaux. Les choses ont beaucoup changé depuis. Berceni est une zone développée, un quartier-dortoir, comme la plupart, parsemé d’HLM datant de l’époque communiste mais aussi d’ensembles résidentiels nouveaux. Son développement est étroitement lié à la plate-forme industrielle IMGB, constructrice entre autres de turbines à vapeur et autres produits de l’industrie lourde depuis 1964. Des HLM avaient été construites à l’époque pour les ouvriers des usines IMGB.
A part ce côté industriel, à part le côté commercial – car la zone est riche en grandes surfaces – à part l’aspect de quartier – dortoir, cette zone cache aussi de belles histoires derrière ses immeubles gris à 10 étages. Par exemple, c’est ici que fut érigé vers 1716 un superbe monastère, celui de Vacaresti, sur une colline jadis couverte de vignes. Il devait servir non seulement de lieu de culte, mais aussi de cour princière pour le prince phanariote Nicolae Mavrocordat. C’était un domaine aux dimensions impressionnantes : il s’étalait sur 18.000 m carrés. Le monastère bâti en style brancovan était entouré de murailles de fortification. Son église était une des plus grandes de la Valachie du 18e siècle. Le même domaine accueillait un palais princier, une imprimerie, une école grecque et une des bibliothèques les plus riches de l’époque. Bref, le rôle de ce monastère était de devenir un important centre culturel et spirituel de la région.
Et pourtant, son sort fut complètement différent. Au 19e siècle, le monastère de Vacaresti fut transformé en prison. Les révolutionnaires de 1848, de grandes personnalités roumaines, y furent enfermées. L’église a été oubliée et commença à se détériorer. Malgré les travaux de restauration effectués à l’entre-deux-guerres, après la Seconde Guerre mondiale, le monastère de Vacaresti a continué à servir de prison pour les détenus politiques de l’époque communiste. En 1977, sous prétexte du terrible tremblement de terre qui n’avait pourtant pas endommagé le domaine, le dictateur Nicoale Ceausescu décide de démolir le monastère. Il voulait y construire un Palais de Justice, une salle polyvalente de 12.000 places et d’autres édifices. Le monastère est donc démoli en 1987. De petits morceaux de cet ensemble architectural impressionnant se trouvent aujourd’hui au Musée national d’art de la Roumanie, au palais princier de Mogosoaia ou encore au monastère de Cernica.
Après la chute du communisme, impossible de reconstruire ce monastère, faute de financement. Le terrain est resté vague pendant plus de deux décennies. Il y a quelques années, une grande galerie marchande y a ouvert ses portes. Voilà pour une brève page de l’histoire de ce quartier du sud de la capitale roumaine. Ses habitants l’aiment tellement qu’ils lui ont même consacré un site Internet : cartierulberceni.com, justement pour garder la mémoire de ces lieux et pour stimuler ses quelque 120.000 habitants à mieux connaître leur propre quartier, à mettre sur pied des projets pour la communauté locale, bref pour grandir ensemble.