Les conséquences prévisibles du déclin démographique
La Roumanie ne compte que 5 millions dactifs, soit un quart de sa population, alors que 5 autres millions, bien quen âge de travailler, ne se retrouvent pas dans les statistiques des personnes actives.
Corina Cristea, 17.11.2023, 12:00
Une récente étude réalisée par la Chambre de commerce roumaino-américaine tirait la sonnette dalarme en affirmant que la Roumanie pourrait enregistrer une baisse dun million de personnes de sa force de travail pendant la prochaine décade. Avant 2026 déjà létude en question pronostiquait une baisse de 220.000 personnes, à moins que des mesures résolues soient prises par les décideurs publics pour limiter la casse. Avec une population qui compte 20 millions de personnes, la Roumanie ne compte que 5 millions dactifs, soit un quart de sa population, alors que 5 autres millions, bien quen âge de travailler, ne se retrouvent pas dans les statistiques des personnes actives. Léconomiste et professeur des universités Mircea Coşea, de lAcadémie commerciale de Bucarest, détaille la situation sur les ondes de Radio Roumanie. Ecoutons-le :
« Nous avons à cet égard deux éléments qui devraient être pris en compte. Il y a dune part le syndrome italien, cette tradition qui fait que les enfants ont du mal à quitter le foyer parental, même lorsquils sont mariés et forcément en âge de travailler. Lon rencontre parfois des gens qui ont 35 ou 40 ans, et logent toujours chez leurs parents. Cest plus douillet, mais cela naide pas, car ces gens préfèrent saccommoder de cette situation et ne vont pas chercher à devenir professionnellement, financièrement indépendants. Il sagit dun phénomène que lon rencontrait en Italie il y a 20 ou 30 ans, doù lappellation. De lautre côté, nous avons ce phénomène qui fait que, pour des raisons électorales, certaines catégories sociales reçoivent des subventions, des allocations, différents types daides, qui font que les gens ne sont pas motivés daller chercher du travail. La Roumanie perd ainsi une partie importante de sa force de travail active et, de surcroît, la compétition électorale se trouve mise à mal. »
Le déclin démographique accentué de la Roumanie inquiète le professeur Mircea Cosa. Dailleurs, au niveau de lUE, la démographie est en berne, ce qui ne présage rien de bon.
Aussi, si au début du 19e siècle lEurope comptait pour 15% de la population mondiale, en 2050 elle ne représentera plus que 5%, effet dun double mouvement : la baisse de la natalité européenne conjuguée à une hausse accentuée de la natalité dans dautres parties du monde. En 2050, lâge médian de lEuropéen sera de 49 ans. Résultat des courses : la mise sous pression du marché du travail, des systèmes de retraite et de lassurance maladie.
Le déclin démographique constitue le principal défi qui devrait être adressée par la Roumanie daujourdhui et de demain. A la baisse de la natalité sajoute la forte émigration dune population jeune et active, phénomène qui a caractérisé les dernières décennies et qui ne fait quaggraver le constat. Le professeur Mircea Coșea ajoute à cet égard :
« Entre 4 et 5 millions de Roumains vivent à létranger. Ils donnent naissance à des enfants. A lheure actuelle, lon compte davantage de nouveaux nés dorigine roumaine qui naissent à létranger que dans le pays. Il va dès lors de soi que le déclin de la main dœuvre ne fera quempirer. Or, face à cela, lEtat roumain tarde à prendre des mesures proactives, tarde à construire une politique démographique résolue, une politique qui encourage les jeunes familles à avoir des enfants, à élever leurs enfants, qui encourage et facilite cela. Lon na pas assez de crèches, décoles maternelles, décoles tout court. Or, cette attitude nonchalante aura un prix, à payer dans le futur. Lon est déjà réduit à importer de la main dœuvre, alors que des pans entiers de la population active roumaine refusent de travailler pour les motifs déjà invoqués précédemment. »
Selon les estimations, la population de la Roumanie devrait être ramenée à 15 ou 16 millions dhabitants à lhorizon 2050. Quoiquil en soit, le déclin démographique engage le pronostic vital des générations futures, car il se se traduira par une société vieillissante dans une économie rétrécie et, pour les économistes, par un bouleversement de léquilibre entre loffre et la demande. Or, pour renverser la tendance, il y a urgence à mettre en œuvre des politiques natalistes et familiales qui encouragent les jeunes couples à avoir davantage denfants et à pouvoir les élever correctement, qui encouragent les jeunes mères à trouver un meilleur équilibre entre vie familiale et vie professionnelle. « En labsence des politiques qui stimulent la natalité, qui aident les parents à élever leurs enfants, sans places à suffisance dans les crèches, dans les écoles, il est illusoire despérer à un renversement de la tendance actuelle », ajoute le professeur Mircea Coșea. (Trad Ionut Jugureanu)