Le défi permanent posé par une inflation installée dans la durée
La baisse de l'inflation pourrait s'avérer beaucoup moins rapide que ce que les spécialistes avaient initialement prévu.
Corina Cristea, 20.10.2023, 13:14
L’inflation galopante avait mis l’Europe
en émoi, même si, après le pic atteint au second semestre de 2022, elle semble revenir
tout doucement à des meilleurs sentiments. Il n’en est pas moins vrai que les
experts tablent sur le maintien d’un taux d’inflation inquiétant jusqu’en 2024
au moins dans les principales économies de la planète. La situation demeure
donc inconfortable, pour ne pas la qualifier d’inquiétante. Dans son rapport
prospectif, l’OCDE, qui regroupe les premières 35 économies mondiales, met en
exergue les déficits budgétaires dont se voient grevés la plupart des gouvernements,
alors que si l’inflation semble diminuer à la suite des baisses des prix alimentaires
et de l’énergie, l’indice de l’inflation de base, celui qui fait fi
des composantes les plus volatiles de l’inflation, demeure, lui, à des niveaux
bien supérieurs aux estimations des banques centrales. Aussi, l’OCDE apprécie
que « l’un des principaux risques de la situation présente réside dans la
réaction des banques centrales, qui pourraient se laisser tenter de poursuivre
la hausse de leurs taux directeurs, ce qui a pour effet de saper la confiance
des entreprises et des consommateurs, alors que la hausse des taux des prêts
hypothécaires, des prêts aux entreprises monte un peu partout. »
Force est de constater que la Roumanie
ne fait pas cavalier seul dans le domaine. L’analyste
économique Constantin Rudniţchi ajoute qu’à cette hausse d’inflation importée s’ajoute
dans la situation de la Roumanie une certaine absence de ce qu’il appelle la
discipline budgétaire, tout cela dans le contexte d’un déficit chronique et de
la hausse des emprunts publics.
Écoutons
Dan Suciu, le porte-parole de la Banque centrale roumaine :
« Les prévisions actuelles au sujet
du taux d’inflation estimé en fin d’année demeurent tout à fait en ligne avec
ce que l’on avait prévu au mois d’août dernier, soit une baisse de l’inflation,
grâce notamment à la baisse des prix des matières qui avaient enregistré des
hausses significatives l’année dernière. Il n’empêche que l’inflation demeure
une préoccupation constante de notre politique monétaire. Par ailleurs, la
récolte agricole, plutôt bonne, nous aide dans le contexte. Les hausses des
prix alimentaires ont commencé à plafonner, et l’intervention du gouvernement
censée limiter cette hausse a sans doute été aussi pour quelque chose. Voici un
peu ce que l’on peut dire de l’année en cours ».
Aussi, la
banque centrale table sur un taux d’inflation de 7,5% pour la fin de l’année, alors que ce même taux devrait être réduit à
4,4% pour l’année prochaine. Mais les risques encourus inquiètent toujours les
analystes. 2024 s’annonce déjà comme une année électorale, une période
généralement caractérisée par un relâchement fiscal pas toujours justifiée d’un
point de vue économique, alors que la capacité d’absorption des fonds européens
demeure l’autre point d’achoppement. Et tout cela dans le contexte fait d’incertitudes
de la guerre en Ukraine, dont l’issue tarde de pointer à l’horizon.
Ecoutons à
nouveau Dan Suciu, le porte-parole de la Banque nationale de Roumanie :
« L’on observe des évolutions assez
contrastées de certaines économies de l’Ouest de l’Europe, mais également des
pays de notre région. La Roumanie peut se targuer de la meilleure croissance de
la région, alors que nos voisins et d’autres pays, c’est le cas de l’Allemagne
notamment, tentent vaille que vaille d’avoir une croissance positive et d’éviter
la récession. Il est important de connaître le contexte dans lequel l’on se
trouve, déjà pour ne pas avoir des attentes irréalistes. La situation en Europe
a été affectée par la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine, par la
crise énergétique qui s’en est suivie, par les perturbations des flux de d’approvisionnement
constatées après la fin de la pandémie. La croissance économique est demeurée
modeste dans tous les Etats européens, alors que la Roumanie table sur une
croissance de 2%, ce qui n’est pas rien dans le contexte actuel. Cette
croissance est le fruit des investissements, des fonds européens que l’on était
parvenu de faire fructifier, et cela nous rende optimiste. »
Mais la baisse
de l’inflation pourrait s’avérer beaucoup moins rapide que ce que les spécialistes
avaient initialement prévu. Adrian Codirlaşu, vice-président de l’Association des investisseurs de Roumanie ajoute:
« L’introduction
des nouvelles mesures fiscales aura un impact sur les prix. La hausse des
accises, la hausse de la TVA sur certains produits usuels, la hausse du prix du
pétrole, la taxation du chiffre d’affaires, la hausse du salaire minimum, tout
cela met sous pression la profitabilité des entreprises et provoquera des hausses
des prix. »
Il faudrait
donc s’attendre, si l’on se fiait à l’analyse d’Adrian Codirlașu, à
voir ressurgir des pressions inflationnistes durant le premier trimestre de l’année
prochaine, avant de constater une nouvelle baisse du taux d’inflation. Le
sondage réalisé par l’Association des investisseurs de Roumanie auprès de ses membres
fait état d’une inflation de 7,5% pour 2024, un taux bien supérieur à celui de
4,4% préconisé par la Banque nationale. (Trad. Ionut Jugureanu)