Eco-performance à Bucarest
Une danse pour éveiller les consciences au sujet de l'environnement.
Ana-Maria Cononovici, 07.11.2023, 02:54
Notre
prise de conscience croissante face aux changements climatiques a poussé,
depuis plusieurs années déjà, de nombreux artistes à repenser leur rapport à la
nature et à l’environnement, pour les rendre plus doux, plus apaisés. Or,
l’expression corporelle et la danse contemporaine sont de précieux outils,
idéaux pour exprimer son inquiétude, mais aussi sa joie de vivre. Pas étonnant
alors, qu’en Roumanie fleurissent de nouveaux collectifs et compagnies
d’éco-performance qui mettent la nature, et notre rapport à elle, à l’honneur
dans leurs spectacles.
Maura
Baiocchi, originaire du Brésil, est l’une des pionnières de ce nouveau
mouvement international. Éco-performeuse, elle propose de relever les défis du
21ème siècle auxquels nous faisons face en encourageant
l’interdisciplinarité et en se concentrant sur les mouvements de notre corps,
de la nature et sur nos traditions ancestrales. Cet automne, Maura Baiocchi
était en visite à Bucarest, pour proposer aux plus curieux de découvrir les
secrets permettant d’entretenir une meilleure relation avec la nature grâce à
la danse.
Maura
Baiocchi est directrice et fondatrice de la compagnie Taanteatro du Brésil,
créatrice du concept de « théâtre chorégraphique des tensions »,
directrice-fondatrice du festival de film « Ecoperformance » et auteure
de plus de 80 chorégraphies, pièces de théâtre et spectacle. Elle nous a
raconté d’où venait ce concept d’éco-performance :
« Ecoperformance. Si
l’on se penche sur la composition du mot, on constate qu’il est formé des
termes éco et performance. Tout le monde connaît le mot performance, spectacle.
Et le terme éco vient du grec, plus précisément du mot « oekos » qui veut
dire à la maison, chez soi. Nous pourrions donc l’envisager comme une pratique,
un concept par lequel nous tenterions d’accéder, de retrouver notre « chez
soi ». Ce « chez soi » peut être notre corps, que l’on peut
considérer comme une sorte de maison. Nous avons ainsi une maison que nous
habitons, et autour : l’environnement. D’ailleurs, il s’agit de tout type
d’environnement, qui correspond à ce qui n’est pas notre maison justement. Le
lieu où l’on se trouve, où on évolue, tout peut incarner ce « chez
soi ». Cette vision du monde m’a toujours intéressée. J’ai débuté en tant
que danseuse et artiste et je m’intéresse maintenant depuis plus de 40 ans à
cette idée que notre corps est poussé par un désir d’habiter ou d’être habité
par le lieu où l’on se trouve. »
On forme
un tout, nous, nos corps, les personnes qui nous entourent, les sons, les
images, explique Maura Baiocchi. Sur scène aussi, on a devant nous une équipe
de jeunes femmes artistes qui approchent la dance selon les principes de
l’éco-performance. Alina Tofan en est une. Elle raconte :
« Depuis 2020, Georgiana Vlahbei et moi, nous formons la troupe « Plastic Art Performance Collective», qui
est la seule troupe de danse de Roumanie qui utilise l’éco-performance dans son
travail. C’est pourquoi, la présence de Maura Baiocchi s’est avérée une
nécessité en fait, pour mieux placer notre travail. Tout au long de la
semaine que Maura a passée à nos côtés, nous avons organisé plusieurs événements
– à l’Université nationale de Musique, à l’Université nationale des beaux-arts
de Bucarest, dans les librairies Carturesti. Il y a eu une conférence, un
spectacle d’éco-performance et la projection en première d’un film que nous
avons réalisé : « Ecomovement ». Les débuts de notre collaboration
avec Maura remontent à 2021 lorsque nous avons envoyé pour la première fois une
vidéo au Festival de l’éco-performance du Brésil. Nous y avons participé cette
année aussi, avec une nouvelle création, et on a participé aussi aux conférences
et aux autres événements et nous correspondons en permanence avec elle. Tout
cela, puisque nous nous sommes rendues compte que nos visions étaient très
similaires. D’ailleurs, Maura et Wolfgang, qui ont jeté les bases du théâtre
« Taanteatro » insistent à ce que les artistes qui utilisent leur
méthode de travail soient eux aussi en parfait accord avec leurs valeurs. C’est
pourquoi, cette rencontre nous a beaucoup réjouis, eux et nous, si bien
que, pour l’année prochaine nous préparons ensemble une édition de leur
festival en Roumanie. »
Le
festival du film de l’éco-performance du Brésil arrive cette année à sa 3e
édition et il a vu doubler son nombre de participants d’une année à l’autre. De
l’avis de Maura Baiocchi, le concept de l’éco-performance ne se limite pas à la
danse et à la scène, bien au contraire, il peut nous accompagner dans notre vie
quotidienne:
« Il s’agit bien de l’idée
d’habiter son espace, mais aussi de son contraire : se laisser habiter par
l’espace. Ce dialogue entre l’environnement et le corps a toujours été très
important pour moi. Je pense qu’il est important pour nous tous, pas seulement
pour les artistes. C’est notre dernière chance d’en devenir plus conscients
dans la vie de tous les jours. A mon avis, c’est la chose la plus importante si
l’on veut avoir un avenir, et même un présent ».
Et
puisqu’elle a passé quelques jours en Roumanie, nous avons voulu savoir si
Maura a pu déjà constater si – oui ou non – les principes de l’éco-performance
pouvaient être adoptés par les Roumains. Voici sa réponse :
« A mon avis c’est tout un
processus, un processus complexe. Bien sûr, je devrais passer davantage de
temps en Roumanie pour m’en rendre compte. Les cinq jours que j’y ai passés ne
suffisent pas pour comprendre à fond la société. Entre artistes tout se passe
très bien et je trouve cela très important, parce que les artistes peuvent
faire entendre leur voix. Alors je les invite tous à transmettre notre
message ! »
Il
faut donc continuer à éveiller les consciences au sujet de l’environnement, à
montrer que nous sommes en étroite interdépendance avec tout ce qui nous
entoure et qu’il faut faire davantage d’attention dans nos choix, afin de mieux
collaborer avec la nature. (Trad. Charlotte Fromenteaud, Valentina Beleavski)