L’architecte GM Cantacuzino
La restauration du palais brancovan de Mogosoaia, au nord de la capitale roumaine, le palais de la Banque Chrissovelloni de la vieille ville, l’hôtel Rex de la station de Mamaia sur la côte de la Mer Noire et le centre de cures de la station thermale Olanesti, ce ne sont que quelques-uns des joyaux d’architecture par le biais desquels le paysage citadin roumain a été enrichi par l’architecte George Matei Cantacuzino. Le long de sa courte vie, l’énergique architecte a projeté des immeubles, tenu des cours d’architecture et écrit des ouvrages spécialisés, essayant de théoriser un certain style à lui, un hydride entre l’architecture classique, traditionnelle et moderne. Né en 1899 à Vienne, où son père était en mission diplomatique, GM Cantacuzino provenait de deux grandes familles de boyards roumains : Cantacuzino et Bibescu.
Christine Leșcu, 12.06.2018, 16:21
La restauration du palais brancovan de Mogosoaia, au nord de la capitale roumaine, le palais de la Banque Chrissovelloni de la vieille ville, l’hôtel Rex de la station de Mamaia sur la côte de la Mer Noire et le centre de cures de la station thermale Olanesti, ce ne sont que quelques-uns des joyaux d’architecture par le biais desquels le paysage citadin roumain a été enrichi par l’architecte George Matei Cantacuzino. Le long de sa courte vie, l’énergique architecte a projeté des immeubles, tenu des cours d’architecture et écrit des ouvrages spécialisés, essayant de théoriser un certain style à lui, un hydride entre l’architecture classique, traditionnelle et moderne. Né en 1899 à Vienne, où son père était en mission diplomatique, GM Cantacuzino provenait de deux grandes familles de boyards roumains : Cantacuzino et Bibescu.
Parmi ses ancêtres figuraient aussi des princes régnants et hommes d’Etat qui, depuis le Moyen Age et jusqu’à l’époque moderne, avaient contribué au développement socio-culturel des principautés roumaines. En 1919, lorsque GM Cantacuzino fut admis à l’école des Beaux arts de Paris, en Roumanie démarraient les travaux de restauration du palais de Mogosoaia, une résidence du 18e siècle du prince régnant Constantin Brancovan, détenue à l’époque par un membre de la famille de l’architecte, la princesse Martha Bibescu. Le futur architecte allait y contribuer pleinement.
En 1923, aux côtés de l’architecte August Schmiedigen, GM Cantacusino a projeté le palais de la Banque Chrisovelloni, inauguré en 1928. Ce fut le début d’une carrière ascendante jusqu’aux années 1940. Les premiers ennuis sont survenus justement en 1940, lors de l’écroulement d’un immeuble qu’il avait conçu, suite à un tremblement de terre. Tant les responsables de l’entreprise qui a construit le bâtiment que l’architecte GM Cantacuzino ont été inculpés, mais en fin de compte la commission d’enquête a décidé que les différentes causes ayant contribué à l’écroulement du bâtiment n’étaient pas imputable à l’architecte. Par conséquent, GM Cantacuzino n’a pas fait l’objet de poursuites pénales. Malheureusement, juste après la guerre, suite à l’ascension du communisme en Roumanie, les problèmes de l’architecte allaient s’intensifier. Une synthèse de ces ennuis est à retrouver dans le livre « L’architecte GM Cantacuzino dans les dossiers de la Securitate » et publié par la maison d’éditions Vremea sous la signature de Vlad Mitric-Ciupe. Qu’est-ce qui est arrivé à GM Cantacuzino après 1944 ? Réponse avec Vlad Mitric-Ciupe : « Lors d’un moment de bonne inspiration, vers la fin des années 1930, il envoie sa famille à l’étranger, soit son épouse et ses deux enfants. Et juste après la guerre, il tente de les rejoindre. La liste des documents de cette collection commence par ce moment et par les tentatives de GM Cantacuzino de quitter le pays. Il s’agit d’efforts d’obtention d’un passeport et puis d’un visa, efforts bloqués par des institutions telles la Sécurité de l’Etat, soit le service de renseignements d’avant l’installation du communisme et la Securitate, la police politique du régime communiste. C’est pourquoi l’architecte a même tenté de fuir illégalement le pays, vu qu’un départ en toute légalité était carrément impossible. Une de ses tentatives a été de quitter la Roumanie à bord d’un canot via la Mer Noire, depuis le port de Constanta. En même temps, entre 1945 et 1946, il participe aux efforts d’organiser une résistance anti-communiste. La maison de l’architecte avait accueilli des rencontres entre celui qui dirigeait la branche armée du mouvement national de résistance, le colonel Ioan Toba, et les représentants des missions diplomatiques étrangères qui étaient notamment officiers britanniques et américains. Accusé d’appartenir à une organisation interdite, GM Cantacuzino reçoit une peine de prison ferme, étant envoyé pour faire des travaux forcés au canal (reliant le Danube à la Mer Noire). »
Ce fut sur le chantier de ce canal qui devait relier le fleuve à la Mer par le sud de la ville de Constanta que de nombreux détenus politiques sont décédés, épuisés par le travail extrêmement dur. Arrêté en 1948, GM Cantacuzino a été libéré de sa détention en 1953, mais son état de santé était très précaire. Vlad Mitric-Ciupe évoque la situation de l’architecte après sa mise en liberté :« A l’aide de l’architecte Stefan Bals, un proche, il a réussi assez vite à se faire embaucher par la Commission des Monuments Historiques, d’où il fut licencié tout aussi vite. Enfin, il arrive à travailler à la Métropolie de Moldavie, où il logeait. Au cours des quatre ans écoulés entre sa mise en liberté et son décès en 1960, l’attention de la Securitate n’a pas diminué d’un cran. Tout un réseau d’informateurs s’est tissé autour de GM Cantacuzino. Ils rapportaient constamment à leurs supérieurs ce que l’architecte disait et faisait. Il a été assez immun à la rééducation à laquelle il fut soumis en prison et toute une série de délations visent les réactions de GM Cantacuzino a propos des événements qui s’étaient déroulées en Hongrie en 1956. Vu les déclarations de l’architecte exprimées en toute impunité en faveur de la révolution hongroise, la Securitate a renforcé les mesures de surveillance le visant.
Mais la voix de George Matei Cantacuzino était assez faible en raison de son âge et surtout de son état de santé. Il s’éteint à Iasi, là où il avait travaillé durant la dernière partie de sa vie. (Trad. Alex Diaconescu)