Oltcit ou la Citroën fabriquée en Olténie
Sur les trois marques automobiles que la Roumanie avait produites à l’époque communiste, seule Dacia existe encore de nos jours. Après les quatre-quatre Aro et les familiales Dacia 1100 et 1300, des licences Renault 8 et 12 respectivement, la troisième marque automobile à voir le jour en Roumanie fut l’Oltcit.
Steliu Lambru, 19.01.2016, 14:43
Sur les trois marques automobiles que la Roumanie avait produites à l’époque communiste, seule Dacia existe encore de nos jours. Après les quatre-quatre Aro et les familiales Dacia 1100 et 1300, des licences Renault 8 et 12 respectivement, la troisième marque automobile à voir le jour en Roumanie fut l’Oltcit.
Apparue dans la seconde moitié des années 1970, plus précisément en 1976, l’Oltcit était le fruit de l’association entre le gouvernement roumain et le constructeur automobile français Citröen, qui venait d’être racheté par Peugeot. On renouait ainsi une tradition des relations franco-roumaines, considérablement diminuées entre 1945 et 1965. Les partenariats de la Roumanie avec la France avaient connu un dégel vers le milieu des années 1960 et se sont traduits par une importation considérable de technologie française dans toutes les branches industrielles.
Le partenariat le plus connu a été celui entre l’Etat roumain et la Régie Renault qui a donné naissance aux automobiles Dacia à la fin des années ’60. L’entreprise qui allait produire la nouvelle voiture fut bâtie à Craiova, dans la région d’Olténie du sud-ouest de la Roumanie. La participation de l’Etat roumain était de 64%, alors que Citroën contribuait avec 36% du capital. Le nom Oltcit était en fait un mélange être l’abréviation des noms « Oltenia/Olténie » et « Citroën ».
Le principal produit de la marque était le véhicule homonyme dont la production fut lancée en 1981. La plate-forme sur laquelle a été conçue l’Oltcit était appelée par le ingénieurs de Citroën le projet Y, une bicorps à deux portes qui était sur le point d’être produite juste avant le rachat de la marque par Peugeot. Les nouveaux patrons de Sochaux mettent le projet à rebut pour le ressortir des tiroirs au moment où le dictateur communiste roumain Nicolae Ceauescu se porte acquéreur d’un projet clefs en main pour la fourniture d’une usine et d’un modèle à fabriquer.
L’Oltcit roumaine est donc la dernière voiture de conception 100% Citroën et cela se voyait notamment dans ses atouts : tenue de route, confort de suspension, nervosité et habitabilité meilleure grâce au coffre vaste et pratique d’accès par son seuil de chargement bas. En Roumanie, l’Oltcit était un progrès notable par rapport aux vieillottes Dacia conçues une décennie auparavant. Trois moteurs étaient disponibles pour l’Oltcit : un bi-cylindre à plat de seulement 652 cm3 et 34 cv, un quatre cylindres boxer de 1 129 cm3 et 57 cv et un quatre cylindres de 1300 cm3 et 61 cv. La vitesse maximale des différents modèles Oltcit allait de 120 km/h à 150 km/h.
Pourtant, l’Oltcit se vend assez mal en Roumanie, puisqu’au début cette voiture était plus chère que les Dacia, plus gourmande et moins spacieuse. PSA apporte son aide en distribuant les voitures sous le nom de Citroën Axel dans plusieurs pays non communistes : en France, en Europe Occidentale et au Canada. Malgré une capacité de production de 130 mille unités, environ 60 mille voitures sortaient des portes des usines de Craiova, dont la plupart étaient vendues sur le marché roumain. En France, l’Axel aura une carrière discrète bien que bénéficiant d’un prix de vente très intéressant, la version de base étant moins chère que la 2 CV.
L’Oltcit était une voiture destinée notamment au trafic urbain. Si Dacia était la voiture populaire, utilisée pour presque toutes les tâches possibles, Oltcit était choisie notamment par la population citadine, aux familles jeunes et aux célibataires. La voiture était associée notamment à une catégorie sociale plutôt cosmopolite, celle des intellectuels.
Finalement, en 1990, Citroën abandonne le projet Axel et sort du partenariat avec l’Etat roumain. L’entreprise française déplore la faible qualité de la voiture, tant de ses composantes que de l’assemblage général. Ce qui plus est, la qualité des Oltcit destinées au marché roumain était même inférieure à celle des Axel, destinés aux marchés du monde. D’ailleurs, à l’époque communiste, les Roumains payaient même des pots-de-vin pour pouvoir s’acheter une Oltcit portant le label « rejetée à l’exportation ».
L’Etat roumain s’approprie le paquet de 36% des actions des usines de Craiova et change leur nom en Automobile Craiova. La marque sous laquelle sont vendues ses produits n’est plus Oltcit, mais Oltena. Avec un face lift esthétique et quelques modifications techniques, la voiture portant un nouveau badge allait être vendue jusqu’en 1994. Pourtant, les réformes économiques et la transition vers une économie de marché ont constitué des coups durs pour la voiture Oltcit. En 1993, la production ne s’élevait qu’à 12 mille exemplaires, moins de 10% de la capacité des usines lors de leur inauguration en 1981. Malgré cette situation désastreuse, les ingénieurs d’Oltcit réussissent à produire aussi une dérivation du véhicule d’origine : une pick-up à deux places qui se vend assez bien surtout à l’exportation.
En 1994, les usines automobiles entrent dans une nouvelle ère suite au rachat par le fabriquant sud-coréen Daewoo qui y produit nombre de modèles plus modernes mais surtout plus fiables : Tico, Cielo – connue dans d’autres pays comme Nexia – Espero, Matiz et Nubira. Pourtant, suite à d’autres transactions entre les géants de l’industrie automobile mondiale, l’entreprise de Craiova se voit à nouveau sans patron. Elle est encore une fois rachetée par l’Etat roumain en 2006, qui la revend une année plus tard à Ford. Le géant américain de l’automobile détient actuellement 72% des actions de la société Automobile Craiova, qui y produit des Transit Connect et la B-Max. D’ailleurs ce petit monospace est produit uniquement en Roumanie. Après une pause de 72 ans, Ford renoue avec la tradition de sa présence en Roumanie. Entre 1935 et 1941 Ford avait assemblé des voitures et des camions dans une usine du quartier Floreasca de Bucarest. (trad. Alex Diaconescu)