Eugen Coşeriu
Eugen Coşeriu est né en 1921, dans le département de Bălţi, réintégré, à l’époque, à la Roumanie, mais appartenant de nos jours à la République de Moldova.
Christine Leșcu, 16.12.2015, 13:29
Eugen Coşeriu est né en 1921, dans le département de Bălţi, réintégré, à l’époque, à la Roumanie, mais appartenant de nos jours à la République de Moldova.
Pendant sa longue et brillante carrière, Eugen Coşeriu a fondé la première école de linguistique d’Amérique du Sud, il a écrit 50 livres et des milliers de pages consacrées à la linguistique et à la philologie, il a été Docteur Honoris Causa d’une cinquantaine d’universités à travers la monde. Considéré comme un des plus importants linguistes contemporains, Coşeriu a été un pionnier de la linguistique intégrale, une discipline s’intéressant au langage humain dans toute sa profondeur, mettant en rapport la quasitotalité des questions clés concernant l’histoire et la théorie des langues, la linguistique générale, la phonétique et la phonologie, la lexicologie et la sémantique structurale, la dialectologie, la sociolinguistique, la théorie et la pratique de la traduction.
Sa carrière académique et universitaire a commencé par deux doctorats, l’un ès lettres, à Rome, en 1944, l’autre en philosophie, à Milan, en 1949. En 1951 il a été nommé professeur à l’Université de Montevideo, en Uruguay. Depuis 1961 et jusqu’à la fin de sa vie, en 2002, il a été professeur à l’Université de Tübingen, en Allemagne. Eugen Coşeriu connaissait une trentaine de langues et il s’exprimait en 11 langues. Pourtant, en raison de sa spécificité, le roumain est resté l’objet privilégié de ses préoccupations scientifiques. Cette spécificité constituait d’ailleurs le principal attrait que la langue roumaine exerçait sur les linguistes étrangers. Le lettré roumain l’affirmait, d’ailleurs, dans une interview datant de 1993, conservée dans la phonothèque de la Société roumaine de radiodiffusion.
Eugen Coşeriu : «Ce qui a attiré l’attention de l’Occident, à la fin du Moyen-Âge et ensuite pendant la Renaissance, a été la latinité de la langue roumaine, plus exactement l’existence de cette île de latinité en Orient, au-delà d’une zone slave et magyare. Plus tard, au-delà de cette base latine que l’on ne saurait nier et qui constitue le fondement de notre être primaire, ce qui a suscité l’intérêt des linguistes a été le fait que le roumain contient des éléments antérieurs au latin, des éléments de la langue des Daces ou des Gètes. Le roumain a également assimilé des éléments slaves qui ont souvent remplacé des éléments latins. Des fois, les éléments slaves et latins coexistent. Le roumain comporte également des mots français, réintroduits et recréés à partir des fondements latins de la langue, de sorte qu’ils ne sont plus reconnus comme appartenant à une langue romane moderne. Ensuite, grâce à nos contacts historiques, nous avons dans notre langue des éléments slaves nouveaux, des éléments turcs, hongrois… Aussi, le roumain est-il devenu la langue la plus intéressante d’Europe, précisément en raison de ces contacts historiques et de certains aspects présents dans sa structure, qui font d’elle une sorte de résumé des langues européennes, alors qu’elle garde sa structure fondamentale, qui est celle d’une langue romane. »
Pourtant ce n’est pas l’intérêt strictement linguistique qui fera mieux connaître le roumain en Occident. Ce sont les manifestations culturelles qui peuvent augmenter l’intérêt pour la langue roumaine dans les différents milieux socioculturels – estimait Eugen Coşeriu.
Eugen Coşeriu: «La diffusion de la spiritualité roumaine dans le monde peut se faire plutôt par des formes de création qui ne sont pas liées à la langue, mais qui sont susceptibles de stimuler l’intérêt, en même temps, pour la langue roumaine. Et je pense à la sculpture, à la peinture, à la musique, c’est-à-dire à des domaines de la culture qui ne relèvent pas nécessairement d’une spécificité nationale et d’une technique propre à une nation. Des formes de création qui peuvent être acceptées, adaptées et goûtées sans difficulté par une autre nation.»