Le rituel du Caloian
Nous nous penchons aujourd’hui sur un
rituel très intéressant des communautés traditionnelles roumaines : le
« Caloian », un rituel d’invocation de la pluie. Très attendu par les
villageois, il implique surtout les enfants et les adolescents. Ce rituel, qui
reste un élément important du patrimoine culturel roumain, est aussi observé
dans d’autres pays et cultures.
Monica Chiorpec, 13.05.2023, 13:24
Nous nous penchons aujourd’hui sur un
rituel très intéressant des communautés traditionnelles roumaines : le
« Caloian », un rituel d’invocation de la pluie. Très attendu par les
villageois, il implique surtout les enfants et les adolescents. Ce rituel, qui
reste un élément important du patrimoine culturel roumain, est aussi observé
dans d’autres pays et cultures.
Le principal objectif du rituel « Caloian »
est de s’assurer une récolte faste. C’est pourquoi, toutes les coutumes
spécifiques au printemps tournent autour des rituels consacrés à la fertilité
des terres agricoles. Ainsi, les habitants espèrent attirer les conditions météorologiques
favorables à leurs cultures, en effectuant chaque année le « Caloian »,
comme nous l’explique Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de
Baia Mare :
« Tous les mardis et les jeudis entre la Pâque
orthodoxe et la Pentecôte, sont marqués par des rituels strictes pour avoir une
bonne récolte. Et pour cause. L’année agraire commence à la Saint Georges (le
23 avril), tout comme l’année pastorale. C’est pourquoi, toutes les célébrations
suivantes visent à invoquer la richesse pour une année prospère, aussi bien
pour les terres que pour le bétail. Le « Caloian » est une coutume très ancienne observée
après Pâques. C’est un rituel d’invocation de la pluie qui s’inspire d’un
rituel solaire encore plus ancien. Il était célébré notamment à l’extérieur de
l’arc des Carpates roumaines, sans être trop répandu en Transylvanie (centre.
Par exemple on ne le retrouve ni dans le Banat, ni à Crisana (ouest) ou dans le
Maramures (nord). »
Cette
répartition géographique du « Caloian » peut être expliquée par le
fait que c’est dans le sud de la Roumanie que se trouvent la plupart des
plaines et des champs, alors que les autres régions sont plutôt montagneuses et
ont d’autres spécificités agricoles. On retrouve malgré tout le « Caloian »
dans quelques zones assez rares de Transylvanie.
Mais de quoi s’agit-il
concrètement ? Ce rituel d’invocation de la pluie comporte plusieurs
étapes successives, dont nous parle Delia Suiogan :
« Un jour après Pâques, à
l’aube, les jeunes filles confectionnent une poupée en terre glaise qu’elles
laisser sécher au soleil. Puis, le mardi, elles forment un véritable cortège pour
emmener cette poupée près d’une rivière pour l’enterrer. En fait, le cortège est
formé de jeunes filles ou de femmes âgées qui devraient « pleurer » la
disparition de cette poupée, comme lors d’une procession d’enterrement. En
fait il s’agit de l’enterrement symbolique du « Père Soleil », dans
l’espoir que le soleil prendra une pause, pour ainsi dire, et laissera la pluie
s’installer. Ensuite, le jeudi d’après cet enterrement symbolique, la poupée
est déterrée et brisée en morceaux que l’on jette ensuite dans la rivière.
Ainsi pense-t-on que la force du Soleil a été vaincue ».
Le rituel que notre invitée vient de
décrire est spécifique du sud et du sud-est de la Roumanie. Pourtant dans les
régions d’Olténie, Munténie et de Dobroudja, le rituel du cortègecommence à disparaître.
Comme chaque coutume, le « Caloian »
connait lui aussi plusieurs variantes. Par exemple, avant l’enterrement, la
poupée en terre glaise peut être décorée de coquilles d’œufs peints pour
Pâques. On peut même lui confectionner un petit cercueil que le cortège de
filles et de femmes portera vers la rivière. Dans certaines régions, la poupée
n’est pas enterrée, mais lancée directement à l’eau. Dans tous les cas, tout
tourne autour de la résurrection et de la régénération. Attesté depuis la nuit
des temps chez les Aroumains, les Bulgares et les Grecs, le rituel du Caloian
est encore pratiqué dans différentes régions de Roumanie. Et c’est peut-être
justement grâce à sa complexité que ce rituel est resté presque intact au fil
des siècles. (trad. Valentina Beleavski)