La « șezătoare » – la réunion des jeunes du village
Dans les
communautés roumaines d’autrefois, la cohésion du groupe était essentielle pour
le bon fonctionnement des activités habituelles de l’année. Les villageois
organisaient périodiquement des rencontres, dont les retombées étaient non
seulement économiques, mais aussi sociales et culturelles.
Monica Chiorpec, 06.05.2023, 01:43
Dans les
communautés roumaines d’autrefois, la cohésion du groupe était essentielle pour
le bon fonctionnement des activités habituelles de l’année. Les villageois
organisaient périodiquement des rencontres, dont les retombées étaient non
seulement économiques, mais aussi sociales et culturelles.
Ces réunions des
villageois, par tranches d’âge et par métiers, avaient lieu dans toutes les
régions de la Roumanie et impliquaient notamment les jeunes. On les appelait
des « șezători », un nom provenant du verbe roumain « a ședea
» qui signifie « s’asseoir ». C’est dans le cadre de ces rencontres
que les jeunes apprenaient des pratiques utiles et se perfectionnaient dans les
métiers transmis de génération en génération. Et c’est toujours à ces occasions
qu’ils échangeaient des produits.
Davantage de détails avec l’ethnologue
Florin-Ionuț Filip Neacșu :
« La transformation de la société roumaine, tout comme celle de la société
traditionnelle, a été influencée pendant plus de 2 siècles par le progrès de la
modernité. Aujourd’hui encore, les communautés roumaines des villages se
réunissent à certaines périodes de l’année. Jadis, ces réunions étaient censées
aider les villageois à mettre à l’abri les récoltes de l’année. C’était
principalement le travail des hommes. Les femmes et les jeunes filles tissaient
et cousaient, préparaient la dot des futures mariées avec tous les oreillers,
les couvertures et les tapis à mettre dans les maisons paysannes. Les « sezatori
» avaient lieu d’habitude en automne et en hiver, lorsqu’on ne travaillait pas
les champs, ou bien en été, avant la cueillette, et aussi à tout moment où l’on
ne travaillait pas la terre ».
Chaque
participant d’une «șezătoare » se mettait d’accord avec l’hôte
concernant sa contribution à cet événement qui avait lieu les plus souvent dans
la soirée. Aujourd’hui on pourrait l’appeler « un atelier de création ».
Tout ce qui était nécessaire pour cette réunion était préparé d’avance dans les
moindres détails : le pétrole pour la lampe, le bois pour le feu, la laine
pour tisser et ainsi de suite.
Quel autre rôle avaient ses rencontres des
jeunes villageois ? Réponse avec Florin-Ionuț Filip Neacșu :
« Ces réunions n’étaient pas organisées seulement en vue d’une coopération
entre les villageois. Il s’agissait aussi d’avoir une cohésion avec les
communautés voisines. On y racontait des contes de fées, des histoires vraies,
des légendes, des devinettes et des anecdotes. On y chantait aussi. C’est
durant ces rencontres qu’étaient fixées les futures fiançailles et les futurs
mariages. Bref, c’était une bonne occasion pour les différentes communautés de
mieux se connaître les unes les autres. De nos jours, dans plusieurs zones de
la Roumanie, on tente de revigorer cette tradition des « șezători »,
notamment pour les jeunes qui souhaitent avoir une meilleure idée des
traditions de leurs ancêtres. Bien qu’elles soient maintenant organisées par
des musées et des centres de création traditionnelle et non pas par les
communautés elles-mêmes, les réunions d’aujourd’hui se proposent
justement de ramener dans l’actualité cette coutume que l’on retrouve aussi,
d’ailleurs, dans d’autres cultures d’Europe, notamment dans les Balkans ».
Précisons aussi,
qu’autrefois, les « șezători » étaient des activités nocturnes,
coordonnées toujours par la hôte de la maison où l’on se réunissait, d’habitude
une femme plus âgée. Au coucher du soleil, les jeunes filles y apportaient
l’objet sur lequel elles étaient en train de travailler ou qu’elles voulaient
apprendre à fabriquer auprès des autres participants. Le plus souvent il
s’agissait de tissus à coudre, de laine à tordre ou de dentelles à tresser.
Vers la fin de la réunion des jeunes filles, les jeunes hommes faisaient leur
apparition accompagnés de musiciens pour raviver l’atmosphère ou bien pour
faire la cour à leurs futures fiancées. Avant l’aube, les filles partaient chez
elles et les garçons les accompagnaient le long du chemin. (Trad. Valentina
Beleavski )
.