Les feux de Sâmedru
C’est un rituel aux symboles profonds qui marque la fin de la saison chaude et la transformation de l’énergie solaire accumulée pendant l’été en un feu contrôlé par l’homme.
Monica Chiorpec, 23.10.2015, 15:10
C’est un rituel aux symboles profonds qui marque la fin de la saison chaude et la transformation de l’énergie solaire accumulée pendant l’été en un feu contrôlé par l’homme.
Delia Suiogan de l’Université du Nord de Baia Mare, dans le nord du pays, raconte: «La veille de la Saint Dimitri, soit la nuit du 25 au 26 octobre, on allume les feux de Sâmedru. Cette tradition est assez répandue à l’extérieur de l’arc des Carpates, c’est-à-dire dans les régions de Moldavie et de Valachie. Malheureusement, en Transylvanie, cette coutume n’existe plus. Seuls les bergers la respectent. D’habitude, les feux symbolisent la purification, la régénération, le renouveau. La veille de la Saint Dimitri, une fois la nuit tombée, les gens se réunissaient sur les collines pour allumer des feux. Il fallait faire un grand feu, que l’on pouvait voir de loin et qui devait être entretenu surtout par les jeunes, filles et garçons. On dit que les personnes qui réussissaient à sauter par-dessus le feu allaient avoir une nouvelle année excellente et que ceux qui étaient fiancés pendant l’hiver allaient se marier l’année suivante».
Les feux de Sâmedru sont aussi une bonne occasion de se rappeler les ancêtres, Delia Suiogan : « Les gens se réunissaient autour du feu pour chanter, pour partager de la nourriture – une sorte d’offrande à la mémoire des morts. Selon la légende, les morts au nom desquels on ne proposait pas d’offrandes pouvaient se transformer en fantômes et hanter les vivants qui les avaient jetés dans l’oubli. C’étaient surtout les femmes qui apportaient autour du feu des fruits de la récolte d’automne : pruneaux, raisins, noix, poires. Les gens se partageaient des fruits, un rituel pour l’âme des décédés».
Une fois éteints, les bûchers géants qui restaient sur les collines gardaient leur valeur symbolique. Les gens des communautés traditionnelles ramenaient chez eux les braises qui protégeaient leurs foyers pendant le reste de l’année.
Delia Suiogan : « Les villageois restaient autour du feu jusqu’à l’aube de la Saint Dimitri, jusqu’à ce que le feu s’éteignait tout seul. Ensuite, chaque participant ramenait à la maison au moins un morceau de braise, qu’il enterrait sous le seuil du porche. Son rôle était de protéger la maison et ses habitants de tout mal. La braise était un reste du feu vivant, qui se transmettait d’une saison chaude à une saison froide. Cette pratique symbolisait l’enterrement de la chaleur de l’été, pour laisser la place à un feu plus calme de l’hiver qui approchait. »
Les feux de Sâmedru restent donc une des traditions les plus intéressantes des Roumains, un rituel de la mort et de la renaissance à l’approche de l’hiver. (Trad. Valentina Beleavski)