« Cu tenda », un projet sur les Aroumains des Balkans.
Notre invitée d’aujourd’hui est un jeune membre de la communauté aroumaine de Roumanie, passionnée d’ethnologie et de recherche sur le terrain. Son nom est Georgiana Vlahbei. A la fin de ses études universitaires, une rencontre inattendue a marqué un tournant dans sa vie. C’est lors de cette rencontre qu’est née l’idée d’un des projets culturels les plus importants consacré à sa communauté, intitulé en aroumain « Cu Tenda », ce qui signifie voyager et dormir sous la tente. Le titre complet du projet est « Histoires, sons, images en mouvement. La mémoire vive des Balkans et de l’Europe du sud-est ».
Monica Chiorpec, 08.09.2020, 13:41
Georgiana Vlahbei nous explique plus en détail comment est née cette initiative : « Les rencontres qui ont mené à ce projet ont été très belles et très intéressantes. En 2012, j’étais bénévole au Musée du Paysan roumain. Aux côtés de Lila Passima, coordinatrice de la section d’Education muséale, j’ai participé à l’organisation d’une exposition itinérante à Madrid. C’est là que nous avons fait connaissance. Ce fut la rencontre qui a donné naissance à ce projet, au moment où nous avons découvert les liens très forts qui nous unissaient. Cela nous a permis de mettre sur pied un projet européen consacré à l’héritage aroumain que nous avons en commun. »
Entre 2015 et 2019, le projet « Cu tenda », qui est financé par le programme Europe créative de l’UE, s’est cristallisé par la coopération culturelle entre le Musée du Paysan roumain de Bucarest, en tant que leader du projet, l’Université de Plovdiv, en Bulgarie, le Centre pour le dialogue interculturel de Kumanovo, en Macédoine, et l’Association l’Observatoire des recherches sociales et anthropologiques de Tricase, en Italie. Georgiana Vlahbei nous parle de cette collaboration : « Aux côtés de nos trois partenaires d’Europe du sud-est, nous avons imaginé un itinéraire culturel de la mémoire vivante. Il ne s’agit pas uniquement de la mémoire des Aroumains, mais aussi d’autres groupes ethniques, sans territoire constitutionnel, sans un pays. En fait, l’ensemble du projet tourne autour de cette tentative de faire vivre le patrimoine immatériel : les histoires, les témoignages sur la vie, les occupations, les liens avec la nature. Nous avons souhaité les documenter par nos expéditions et nos recherches dans les villes où ces groupes vivent aujourd’hui dans les Balkans. »
Des jeunes de tous les pays participants au projet « Cu tenda » ont imaginé des produits culturels censés reconfirmer leur identité, pour qu’un nombre aussi grand que possible de groupes ethniques puissent en bénéficier dans l’espace balkanique. Le Musée national du Paysan roumain y a contribué par l’organisation d’expositions et d’événements culturels.
Georgiana Vlahbei nous donne quelques exemples : « Aux côtés des jeunes de Kumanovo, nos partenaires de Macédoine ont créé une pièce de théâtre très intéressante, qui parle justement de la manière dont cette identité se manifeste chez les jeunes d’aujourd’hui et des défis qu’ils ont à relever. Ce sont des jeunes de différentes ethnies, puisque la ville de Kumanovo est multiculturelle. Je mentionnerais aussi deux expositions très importantes, dont une que le Musée du Paysan roumain a créée et a fait voyager dans tous les pays partenaires et qui raconte les histoires des Aroumains de plusieurs points de vue : historique, culturel, ethnographique ou encore archéologique. »
Mais, peut-être, le résultat le plus important du projet européen « Cu tenda », ce sont les archives réunies pendant les recherches menées sur le terrain. Elles témoignent notamment de la manière dont l’identité culturelle est ressentie par les jeunes aroumains qui ont pris part à cette démarche.
Georgiana Vlahbei tire les conclusions de cette initiative : « Ce fut un succès, nous l’espérons bien, car nous avons vu les effets des échanges qui ont eu lieu entre les générations, entre les personnes âgées et les jeunes. Nous avons voulu stimuler ce contact, la transmission d’histoires, de vieilles pratiques, de mémoires. C’est un des succès les plus importants de notre projet. Puis, notre réussite se remarque aussi au niveau de l’originalité et de tout ce que le projet a réussi à amener dans l’espace européen plus ample, pas seulement dans les Balkans ou en Roumanie. C’est notamment le besoin de faire entendre ces voix, les micro-histoires des communautés qui n’apparaissent que rarement dans les discours publics. »
Vivre au croisement de deux mondes est un privilège pour Georgiana Vlahbei. En mariant la tradition et la technologie, les jeunes peuvent refaire les liens qui ont été brisés entre les générations, estime notre invitée : « Je me retrouve, probablement, dans une position privilégiée, dans le sens où, en tant que membre de la génération du millénaire, de cette génération « 3.0 », je représente au moins deux mondes. Et je pense que ce n’est pas seulement mon cas et celui de mes amis aroumains, aux côtés desquels j’ai construit ce projet. Je pense que c’est valable en général, pour l’ensemble de la jeune génération d’Aroumains, du moins ceux de Roumanie, sinon des Balkans aussi. C’est toute cette effervescence, ce retour vers les contes de nos grands-parents. Le plus important, c’est le fait que nous disposons de toutes les ressources : tout ce que le monde contemporain nous offre et la possibilité de visiter les endroits d’où proviennent nos ancêtres. A tout cela s’ajoutent la technologie et la possibilité de communiquer entre nous, de former de vrais réseaux. »
Récemment, le Bureau Europe créative a salué la contribution du projet « Cu tenda », et l’a inclus parmi les études de cas présentés sur son site europa-creativa.eu. Pour plus de détails, visitez aussi sur la page Facebook du projet « Cu tenda ». (Trad. Valentina Beleavski)