«L’année disparue. 1989»
1989 a été l’année des changements en Europe Centrale et de l’Est. Chaque pays de cette partie du Vieux continent a vécu différemment la chute du régime communiste. Le tout a culminé en décembre 1989, par la révolte anticommuniste de Roumanie, la plus sanglante en Europe. A demander aux Roumains ce qu’ils se souviennent de 1989, ils répondront sans hésiter: les journées de la révolution. C’est ce qu’ont constaté le dramaturge Peca Stefan et la metteuse en scène Ana Mărgineanu, dans leur tentative de reconstituer les 11 mois qui ont précédé la révolution. Leur initiative s’est concrétisée sous une forme artistique par le spectacle «L’année disparue. 1989», dont la première a eu lieu récemment à Bucarest.
Luana Pleşea, 24.12.2015, 13:19
1989 a été l’année des changements en Europe Centrale et de l’Est. Chaque pays de cette partie du Vieux continent a vécu différemment la chute du régime communiste. Le tout a culminé en décembre 1989, par la révolte anticommuniste de Roumanie, la plus sanglante en Europe. A demander aux Roumains ce qu’ils se souviennent de 1989, ils répondront sans hésiter: les journées de la révolution. C’est ce qu’ont constaté le dramaturge Peca Stefan et la metteuse en scène Ana Mărgineanu, dans leur tentative de reconstituer les 11 mois qui ont précédé la révolution. Leur initiative s’est concrétisée sous une forme artistique par le spectacle «L’année disparue. 1989», dont la première a eu lieu récemment à Bucarest.
Ana Mărgineanu nous en dit davantage: «Ce spectacle fait partie d’un projet que nous souhaitons continuer les années qui suivront. L’idée du projet «L’année disparue » est de choisir une année du passé et de voir ce que nous nous en souvenons. En plus, il est important de faire une recherche non pas au niveau des archives, des dossiers, mais au niveau humain. Réunir effectivement l’équipe artistique et technique du futur projet et noter ce que chacun se souvient de l’année en question, ce que cette année — là a représenté pour chacun d’entre eux. En partant de ces témoignages nous allons faire un spectacle qui présente l’année en question telle que nous l’avons vécue, notre vision subjective».
Pour commencer on a donc choisi 1989, une année d’une importance majeure pour l’Europe, lorsqu’un univers est venu remplacer un autre. C’est le dramaturge Peca Stefan qui a écrit le texte du spectacle présenté fin décembre à Bucarest : «Nous nous sommes rendu compte que lorsqu’il est question de 1989, tout le monde ne se souvient que du mois de décembre, à tel point il a été traumatique. Après tout trauma, on revit et on revit le moment. Mais les 11 mois qui ont précédé celui de décembre ont disparu de notre mémoire bien qu’ils aient été très intéressants. A l’époque, il y avait beaucoup de signes que quelque chose allait se passer. De grands changements avaient lieu en Europe, alors que la Roumanie semblait être gelée, immobile, suspendue. C’était ça le sentiment que les gens éprouvaient. Tout le monde nous a parlé d’une sorte de paralysie qui a fini par exploser. Beaucoup de choses s’étaient accumulées, à tel point que la situation était insupportable. C’est ce qui a entraîné ce changement ensanglanté, malheureusement, à la différence des autres pays socialistes».
«Un poisson en verre coloré, des queues interminables pour acheter des oranges en hiver, des bananes vertes couvertes d’un morceau de papier et mises sur l’armoire pour les faire mûrir. Le chewing gum Turbo avec des images de voitures à collectionner. Le vélo Pegas (Pégase). Des files pour acheter des billets aux spectacles de Teatrul Mic (le petit théâtre), même s’il faisait froid dans les salles et qu’il y avait des rats. Des anecdotes chuchotées avec Nicolae Ceausescu ». Ce sont quelques-uns des souvenirs de l’équipe responsable de la création du spectacle «L’année disparue. 1989 ». Ce sont les souvenirs dont Peca Ştefan et Ana Mărgineanu se sont servis pour reconstituer l’année 1989 au niveau le plus intime, le plus personnel. Une démarche d’autant plus intéressante, vu que les membres de l’équipe ont des âges différents et donc des souvenirs différents.
En 1989, les membres les plus âgés de son équipe avaient 38 ans, raconte le dramaturge Peca Stefan: «Cela a été un autre point de départ. Moi, j’ai 33 ans. Et je me suis demandé ce que j’aurais fait, moi, si j’avais eu 33 ans en 1989. Un parallèle que nous avons voulu faire, parce que ce projet se propose de rétablir un pont entre l’année disparue et l’année que nous vivons actuellement. Il faudrait avoir un regard sincère là-dessus. A mon avis, ce qui nous a manqué jusqu’ici, ce que nous n’avons pas réussi à faire en 1989, ni dans les années 1990, ni depuis, c’est d’avoir un moment zéro très sincère, très dur, impitoyable, et d’assumer une position par ce moment de sincérité. Par contre, nous avons bloqué cette sincérité, pour nous submerger dans l’hypocrisie sur laquelle nous avons fondé notre société. Notre présent repose sur un énorme mensonge. Nous sommes une sorte de mutants tourmentés par des peurs et des complexes…. Et cela se voit partout. Ce sont justement ces mutations que notre projet vise à mettre en lumière».
Le projet «L’année disparue» se poursuivra au printemps 2016 au Théâtre de la Jeunesse de Piatra Neamt, dans le nord-est du pays, par une année de la dernière décennie du siècle passé. (Trad. Valentina Beleavski)