Présence de la CIA en Roumanie
L’ancien président de gauche de la Roumanie du début des années 2000, Ion Iliescu, a déclaré, en première, avoir mis des locaux à la disposition de la CIA. L’affirmation, faite dans un entretien pour la publication allemande Der Spiegel, est suivie par la précision que cela avait été un geste de bienveillance vis-à-vis des Etats Unis, avant l’adhésion de la Roumanie à l’OTAN, devenue effective en 2004. Les autorités roumaines ne se sont pas ingérées dans les activités de l’Agence américaine et ne savaient pas ce qui s’y passait — précise encore Ion Iliescu.
Bogdan Matei, 23.04.2015, 13:48
Selon les journalistes allemands, il serait devenu, ainsi, le deuxième chef d’Etat après Aleksander Kwasniewski à reconnaitre l’existence des centres secrets de la CIA en Europe. L’eurodéputée libérale Norica Nicolai pense que les déclarations de M. Iliescu n’apportent pratiquement rien de nouveau et n’infirment pas les conclusions de 2008 de la commission parlementaire d’enquête qu’elle a dirigée, en tant que membre, à l’époque, du Sénat de Bucarest.
Il n’y a pas eu, en Roumanie, à ce moment-là, d’indices sur des centres de détention de la CIA ou des transferts de prisonniers par des vols secrets — concluait le rapport de la commission. A l’époque chef du Service de renseignements extérieurs et un des collaborateurs les plus fidèles de Ion Iliescu, Ioan Talpeş avait déjà reconnu l’existence du bâtiment de la CIA à Bucarest.
Mais il avait ajouté qu’il aurait dit aux Américains que la partie roumaine ne voulait rien savoir de ce qui s’y passait. Bien que partagés à demi-mots, les souvenirs des deux hommes produisent, pourtant, une fissure dans les démentis faits à l’unisson, pendant des années, par tous les responsables politiques roumains. Ion Iliescu lui-même et son successeur à la présidence, Traian Băsescu, les premiers ministres, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, les chefs des services spéciaux de Bucarest l’ont constamment nié.
« Nous étions alliés, nous combattions côte à côte en Afghanistan et au Proche Orient » – c’est ainsi que l’ancien président évoque aujourd’hui la période qui s’est ensuivie aux attentats du 11 septembre 2001. Horrifiée par les milliers de morts provoquées par les terroristes islamistes d’Al-Qaïda, l’opinion publique mondiale n’était pas, alors, aussi exigeante avec les techniques utilisées par les agents américains et alliés. L’enjeu essentiel était de prévenir de nouveaux carnages, surtout que, tout de suite après l’Amérique, ont suivi les attentats de Madrid et de Londres.
Qu’il y ait eu ou non de soi-disant opérations sales, assaisonnées d’arrestations abusives et d’interrogatoires sous torture contre des suspects de terrorisme, cela a fait l’objet de polémiques à peine plus tard. « S’ils avaient su ce qui allait se passer là-bas, la réponse n’aurait certainement pas été positive. Nous avons appris de cette situation à être plus attentifs et à peser minutieusement le problème à l’avenir » – ajoute Ion Iliescu. Le débat sur le dosage entre liberté et sécurité, aussi vieux que la démocratie, se poursuivra constamment.