L’Université Radio
Dès son apparition dans le paysage de l’audiovisuel, la radio a assumé une mission éducative de premier chef. Intellectuels, hommes politiques et penseurs ont jugé possible, grâce à cet instrument, d’élever le niveau culturel des masses.
Steliu Lambru, 05.07.2013, 12:00
Dès son apparition dans le paysage de l’audiovisuel, la radio a assumé une mission éducative de premier chef. Intellectuels, hommes politiques et penseurs ont jugé possible, grâce à cet instrument, d’élever le niveau culturel des masses.
En outre, la radio a permis de dispenser des éléments d’éducation civique, de faire de la politique, de la culture, de la propagande, mais aussi de vulgariser la science. C’est l’émission Universitatea Radio, l’Université Radio, qui a ouvert la voie en ce sens. Démarrée en 1930, elle s’est donné pour but d’être un vecteur de propagation de la science et de la culture, lesquelles sont souvent allées de pair. Elle a donc servi de tribune aux intellectuels qui se sont attachés à les rendre accessibles au citoyen lambda. L’Université Radio est une des rares émissions à avoir brillamment passé l’épreuve du temps, grâce à son prestige. Les régimes dictatoriaux ont eux aussi tiré profit de son potentiel propice à idéologiser la population à travers la science et la culture.
En invités ou en maîtres de conférences, les plus grands noms de la science et de la culture roumaines se sont exprimés devant le micro de la radio publique. Ainsi l’Université Radio allait-elle devenir un concept à l’intention de plusieurs millions d’auditeurs qui accédaient de la sorte à un contenu informationnel réservé jusque là aux seuls étudiants. Moins de deux ans après la naissance de la radio publique, plus précisément le 1er mars 1930, était diffusée la première édition de cette émission à vocation culturelle et scientifique, la plus longévive de l’histoire des médias roumains. Tous les soirs, de 19 à 20 heures, on pouvait écouter trois conférences d’une vingtaine de minute chacune.
Le 31 juillet 1934, le juriste Radu Patrulius tenait la première conférence de la série, avec pour thème « Le Rôle des élites » . Selon Patrulius, l’élite est une sorte de confrérie, au sein de laquelle l’individu ne cesse de se perfectionner. Il doit faire reculer les frontières du savoir, du conformisme cognitif, trouver des réponses à des choses apparemment inexplicables ou insuffisamment éclairées. Pour faire partie de l’élite, il ne suffit pas d’être érudit, affirmait Patrulius, il faut encore avoir une noblesse d’esprit, trouver la force de se tenir à l’écart des petites méchancetés et la capacité à se dédier à la communauté à son bien-être. Cette image idyllique du scientifique que nous a léguée Patrulius ressemble fort à celle de l’artiste tel qu’il était perçu au 19e siècle, à savoir totalement désintéressé par les biens de ce monde, mais soucieux de la gloire posthume que lui valent ses découvertes.
Au fil de ses plus de 80 ans d’existence, de grandes personnalités de la science roumaine se sont adressées au grand public via les ondes radio. Les émissions scientifiques étaient généralement diffusées le lundi mais il n’était pas chose rare qu’elles mêlent la science à la politique et à l’économie. En voici un exemple : dans l’émission diffusée le 16 février 1933, Grigore Antipa, biologiste et fondateur du musée d’histoire naturelle de Bucarest, sortait de son domaine de prédilection pour tenter de répondre à la question suivante : pourquoi les Roumains sont-ils si pauvres, alors qu’ils habitent un pays si riche ? Antipa avait conclu à ce que les Roumains, intelligents et bons travailleurs, avaient pourtant à lutter contre un grand handicap, celui des mœurs de la classe dirigeante, qui n’arrivait pas à canaliser dans la bonne direction les énergies du peuple.
La liste des invités de cette Université sur les ondes est bien longue. Ingénieurs, médecins, agronomes, physiciens, chimistes, biologistes ou autres spécialistes ont généreusement fait part de leur savoir au grand public. Parmi eux, il convient de mentionner le géographe Simion Mehedinţi, l’archéologue Vasile Pârvan, le sociologue Dimitrie Gusti, l’historien Constantin C. Giurescu, l’esthéticien Eugen Lovinescu, le médecin Gheorghe Marinescu…(trad. : Mariana Tudose)