Egle Chişiu
Hildegard Ignătescu, 14.01.2021, 14:32
Egle Chişiu est née et a grandi à Vilnius, en Lituanie. Elle est chanteuse
lyrique, soprano plus précisément, elle a été soliste de l’Opéra national de
Bucarest, et fait partie, actuellement, du chœur de cette même institution.
Elle a commencé par étudier le chant à l’Académie de musique et de théâtre de
Vilnius. Par la suite, elle a continué ses études en Italie, à l’Académie
internationale de musique de Milan et au Conservatoire Antonio Scontrino à
Trapani. Sa carrière l’a également menée en Allemagne, où elle a vécu pendant
deux ans, enseignant la musique dans une école primaire.
Egle Chişiu est également
traductrice-interprète en pas moins de quatre langues : lituanien,
roumain, russe et anglais. A un moment donné, Egle a même administré un site
internet dédié aux Roumains vivant au Royaume-Uni (www.angliamea.ro), où elle
écrivait des infos en roumain et traduisait des articles de l’anglais et du
lituanien vers le roumain. Pour commencer, Egle Chişiu nous raconte comment son
histoire avec la Roumanie a commencé : « J’ai rencontré mon futur
mari, qui est Roumain, pendant des études en Sicile, à Trapani, où j’avais une
bourse. A l’époque, je ne connaissais pas grand chose sur la Roumanie. Lui
aussi est chanteur d’opéra, nous nous sommes rencontrés et nous nous sommes
mariés très vite, la même année, c’était en 2004. Cela nous a obligé à prendre
une décision, car nous devions vivre ensemble quelque part. La Lituanie n’était
pas une option, nous avons pensé à l’Italie, mais ça nous semblait bien trop
compliqué, alors nous avons choisi la Roumanie, où mon mari avait alors été
embauché somme soliste. Il était évident que si lui avait un emploi stable ici,
j’allais y trouver ma place moi aussi. Je parlais déjà cinq langues, apprendre
une de plus n’a pas été un problème. Ça a même été facile, car j’ai utilisé le
russe et l’italien comme base pour apprendre le roumain. Je suis venue vivre en
Roumanie en 2006, après une année d’études à Milan et une autre année en
Lituanie pour finir mon master. Cela fait 15 ans que je parle le roumain et que
je connais la culture roumaine. »
Egle Chişiu a gagné plusieurs compétitions internationales de chant dans sa
carrière et elle est montée sur les scènes de théâtres lyriques d’Allemagne, de
Pologne, d’Italie, de Lituanie, d’Ukraine et de Roumanie. Nous avons souhaité
en savoir plus sur ses débuts dans notre pays et comment elle s’y est adaptée. Egle
Chişiu : « Je me sens chez moi en
Roumanie, j’ai fondé une famille ici, j’y suis bien, libre, intégrée. Comme
j’ai appris la langue dès le début, je ne me suis jamais sentie comme une
étrangère. En plus, j’ai été bien accueillie par des amis et par la famille de
mon époux, Vasile Chişiu. Je suis bien dans ce pays, même si j’ai trouvé certaines
choses un peu étranges ou qui dépassaient ma compréhension, car la Roumanie est
très différente de la Lituanie. Mais ce passé communiste, socialiste très similaire
fait qu’il y a beaucoup de liens entre nos deux pays. Nous nous comprenons les
uns les autres d’une manière toute différente par rapport à quelqu’un d’Europe
de l’Ouest, probablement. J’aime beaucoup de choses ici, j’y ai découvert une
belle nature, des villes, j’ai pas mal voyagé. Nous allons un peu partout en camping-car
avec toute la famille, à la mer et dans des endroits plutôt sauvages, avec
moins de monde. J’apprécie aussi les gens d’ici, ils ont un tempérament plus du
sud qu’en Lituanie. Ils sont plus ouverts, plus accueillants, on devient
proches beaucoup plus vite. Même le fait de s’embrasser, de se faire la bise, ce
genre de chose est plutôt rare en Lituanie. »
Egle Chişiu a deux enfants, qui sont nés et ont grandi ici et à qui
elle parle en lituanien. Les enfants aiment les deux pays et ont hâte de
pouvoir retourner voir le pays de leurs grands-parents maternels. La Lituanie
manque aussi à Egle : « Elle me manque beaucoup,
d’autant plus que cet été je n’ai pas pu aller en Lituanie à cause du Covid et
des restrictions de voyage. Ça fait un an et demi que je n’y suis pas allée et
tout me manque. L’endroit où j’ai grandi, mes parents, mon frère, toute ma famille
qui est là-bas. Les lacs de Lituanie aussi, où on peut se baigner tout l’été.
C’est un peu comme en Finlande, il y a partout des lacs, en 10 minutes à peine on
peut aller se baigner. Les forêts aussi me manquent, et cueillir des
champignons. Mes enfants sont chez eux en Lituanie aussi. Ça reste mon pays
natal, je suis Lituanienne et je me sens bien là-bas aussi. »
Egle était étudiante quand elle a déménagé en Roumanie, un nouveau pays
avec une culture à part, qu’elle n’a pas tardé à adopter. Avec son époux
roumain elle a commencé ici une nouvelle vie, elle y a fondé une famille, elle
y a mené sa carrière. Egle Chişiu : « C’est ici que je me suis
formée en tant qu’adulte. J’avais 25 ans quand je suis venue en Roumanie pour
la première fois. J’ai beaucoup changé depuis, influencée par les gens, les
endroits, les voyages, la vie de famille et les valeurs de la société roumaine,
un peu différentes de ce que je connaissais. Le rapprochement entre les membres
de la famille et ce concept de témoins de mariage qui n’existe pas chez moi.
Ces personnes ont un rôle de guide pour les jeunes mariés, je trouvais cela
assez étrange, mais à présent ça me semble beau et intéressant de faire les
choses ainsi. Le pourcentage des divorces est beaucoup plus faible ici qu’en
Lituanie, il y a plus d’harmonie ici. Ou du moins c’est comme ça que je
vois les choses. Et bien évidemment, j’aime le climat d’ici, c’est génial qu’il
fasse déjà chaud en mars et que ça dure jusqu’en novembre. En Lituanie il pleut
tout l’été et si on a deux semaines ensoleillées, on est contents !
J’étais enrhumée tout le temps quand je vivais là-bas et j’avais souvent des dépressions
à cause du temps très maussade. C’est très différent ici, ma vie tout entière
s’est éclaircie. »
Bien évidemment, tout n’est pas parfait en Roumanie et il y a aussi des
choses qu’Egle aimerait voir changer : « La numérisation est un
problème, ça avance beaucoup plus lentement qu’en Lituanie, surtout par rapport
aux institutions de l’Etat. C’est ce qui me semble le plus terrible en
Roumanie, cette bureaucratie presque primitive. Autre chose à améliorer, c’est
le respect que les Roumains portent à leur nature incroyable. J’ai vu des
torrents de montagne remplis de déchets, des forêts majestueuses et des
clairières pleines de détritus. Ça me chagrine. Espérons qu’avec l’évolution
des lois et à l’aide d’une bonne éducation à la maison et à l’école, les choses
vont commencer à changer. Je voudrais finir par vous souhaiter une année 2021
meilleure et bonne santé à tout le monde. »
C’était Egle Chişiu de Lituanie. Nous vous souhaitons également, chers
auditeurs, une excellente année 2021 ! (Trad. Elena Diaconu)