Les Grecs de Bucarest
Evénement crucial dans l’histoire universelle, la prise de Constantinople par l’armée ottomane en 1453 a eu un impact sur la vie dans les principautés roumaines. A l’époque, beaucoup de Grecs ont quitté leurs lieux d’origine pour sauver leur vie et leurs biens, et une partie d’entre eux ont trouvé refuge dans les pays roumains, notamment dans la petite bourgade qu’était Bucarest. Ils ont contribué au développement de cette cité en tant que centre commercial mais aussi culturel.
Christine Leșcu, 05.02.2014, 14:26
Evénement crucial dans l’histoire universelle, la prise de Constantinople par l’armée ottomane en 1453 a eu un impact sur la vie dans les principautés roumaines. A l’époque, beaucoup de Grecs ont quitté leurs lieux d’origine pour sauver leur vie et leurs biens, et une partie d’entre eux ont trouvé refuge dans les pays roumains, notamment dans la petite bourgade qu’était Bucarest. Ils ont contribué au développement de cette cité en tant que centre commercial mais aussi culturel.
Georgeta Filitti, auteure du livre « Le Bucarest grec » nous présente les Grecs qui s’y sont réfugiés après 1453 : « Qui sont ces Grecs qui commencent à arriver par groupes plus ou moins grands ? Ils ont déjà tous un métier ou une profession : médecins, professeurs, spécialistes des finances, diplomates — dans le sens du terme utilisé pendant le Moyen-Age et la Renaissance, car à l’époque, bien souvent, un diplomate faisait aussi de l’espionnage. Nombre d’entre eux étaient des membres du clergé. Il faut dire qu’il y a eu une tradition dans l’histoire roumaine, qui commence au XVIe siècle et se prolonge jusqu’au XIXe : la consécration de certains établissements religieux aux lieux saints du Mont Athos, du Mont Sinaï, d’Alexandrie, d’Antioche et au Saint-Sépulcre. Ce lien, placé sous le signe de l’orthodoxie, entre nous et l’espace grec, a favorisé la circulation des moines. »
Avec le temps, pour mieux s’adapter à leur nouvelle patrie, ces Grecs prennent des Roumaines pour épouses. Ils forment ainsi des familles mixtes et acquièrent des terrains en ville. Ils apportent de Grèce des éléments de civilisation urbaine — peu développée à Bucarest — et contribuent au développement de l’enseignement. Georgeta Filitti : « L’urbanisme, dans le sens plus moderne du terme, allait se faire sentir sous l’égide des Grecs un peu plus tard, vers de XVIIIe siècle. C’est qu’au début du XVIIIe siècle, les Turcs ont instauré les règnes phanariotes — forme d’administration des pays roumains qui a emmené officiellement les Grecs sur le territoire roumain. Les princes phanariotes provenaient de riches familles vivant dans le quartier du Phanar à Constantinople et exerçaient des fonctions importantes dans ladministration ottomane. Au siècle phanariote, l’influence des Grecs fut absolument, officielle : le prince étant grec, sa cour était constituée, elle aussi, de nobles grecs. La population roumaine se trouvant sous leur domination emprunte certains éléments. Il faut dire que cette influence n’a pas été imposée. Nombre de phanariotes ont été des princes éclairés, des personnes qui comprenaient très bien que s’ils voulaient obtenir le plus possible de leurs sujets, ils devaient trouver des éléments de communion, de cohésion. Or, un de ces éléments a été l’éducation. Aussi, organisent-ils un système d’éducation où il introduisent les premiers éléments d’un enseignement en roumain. »
Une statistique datant de 1838 — une sorte de recensement de la population de la ville de Bucarest, qui comptait à l’époque quelque 60.000 familles — apporte des informations sur la vie quotidienne à Bucarest, devenu capitale de la Valachie : « On constate que le nombre des Grecs n’est pas significatif. Il y avait des marchands aussi bien grecs qu’arméniens, juifs ainsi que roumains, serbes et bulgares. Cet amalgame était très pittoresque et les marchands de Bucarest, quelle que fut leur origine — et il faut dire qu’ils provenaient pour la plupart du sud-est de l’Europe — tous les marchands donc étaient liés par une sorte de solidarité. C’est vers la seconde moitié du XIXe siècle que commencent à se constituer les communautés grecques. Avant, il y avait des Grecs — des médecins, des professeurs, des princes régnants — mais on ne pouvait pas parler d’une communauté ethnique. Or, une communauté signifiait que tous ceux qui avaient le sentiment d’appartenance à l’espace grec bénéficiaient de leur propre église, de leur école, de leur imprimerie. Ils menaient une vie solidaire, respectaient leurs fêtes, se réunissaient à différentes occasions… Et la religion y a été pour beaucoup.
La présence des Grecs a laissé des traces. En témoignent les églises qu’ils ont élevées ainsi que certains noms de famille que les Roumains portent souvent sans savoir qu’ils sont d’origine grecque. (trad.: Dominique)