Les perruches, une présence insolite dans les parcs de Bucarest
Ștefan Baciu, 22.08.2022, 13:58
Depuis
une dizaine d’années, la présence de petits perroquets a été signalée dans un certain
nombre de jardins publics de Bucarest, un fait fort inhabituel pour la Roumanie,
pays caractérisé par le climat continental tempéré.
Dani
Drăgan, biologiste à la Société roumaine d’ornithologie, n’a pas été le dernier
à s’étonner : « Ces oiseaux sont tout simplement des oiseaux relâchés
ou échappés de chez leurs propriétaires. Peut-être, certains, estimant ne plus
pouvoir en prendre soin, les avaient-ils relâchés. Ce sont des oiseaux assez
bruyants, et somme toute assez grands, ils ont certainement besoin de beaucoup d’espace.
Ils sont aussi très intelligents, et peut-être qu’ils avaient trouvé le moyen
de s’échapper de leurs cages. Mais il ne s’agit pas d’espèces qui auraient
élargi naturellement leur aire de répartition, qui demeure cantonnée dans les
régions sous-sahariennes, en Afrique et en Inde. Ce sont notamment des oiseaux
de cette espèce, la Perruche alexandre, connue sous le nom de Psittacula
eupatria par spécialistes, que l’on retrouve dans nos jardins publics. C’est
une espèce qui présente 4 sous-espèces connues, 2 originaires d’Afrique, 2 autres
d’Inde. La plupart d’exemplaires que l’on trouve ici, chez nous, ou ailleurs en
Europe en général, sont des sous-espèces originaires d’Inde. »
Nous
avons questionné le biologiste Dani Drăgan au sujet de l’impact éventuel que la
présence inhabituelle de ces oiseaux pourrait avoir sur les espèces d’oiseaux
endogènes :
« Vous
savez, lorsque l’on parle de la présence de cenaines, voire de milliers d’exemplaires,
leur impact sur la biodiversité, mais aussi sur l’homme, peut être assez
significatif. Sur la biodiversité d’abord, car ces exemplaires occupent les
espaces de nidification des autres espèces. Ils nichent dans les creux des
arbres, et ils entrent alors en concurrence avec les espèces indigènes, qui
utilisent ces terriers pour la nidification. Il peut s’agir de passereaux, de
petits oiseaux, ou encore des rapaces nocturnes, tel le petit hibou, toutes des
espèces qui utilisent habituellement ce genre de terriers. La perruche commence
à nicher beaucoup plus tôt que les espèces indigènes, occupant ainsi d’emblée l’espace.
Certains exemplaires de perruches peuvent même devenir agressifs, et chasser les
espèces indigènes des nids pour les utiliser à leur profit. Un autre problème est
lié aux sources de nourriture. Ces perruches sont plus imposantes que bon
nombre d’espèces indigènes, tels les mésanges, les moineaux, les merles, et
elles arrivent à s’y imposer, en chassant les espèces autochtones de leurs
sources de nourriture habituelle, des mangeoires que nous installons dans les
parcs et les jardins publics. On a observé leur comportement, et l’on a
constaté que dès qu’une perruche arrive à proximité d’une mangeoire, elle
arrive à chasser tous les autres oiseaux de la zone. Mais les perruchent ont un
impact sur la ville également. Grâce à leur bec massif et puissant, et comme
elles ressentent le besoin de ronger toutes sortes de choses, elles ne tardent
pas à s’en prendre aux câbles électriques, aux câbles internet, aux antennes,
et à plein d’autres choses, tous les objets recouverts par des matières
plastiques. Et alors, elles ne vont pas se faire que des amis ».
Qui
plus est, les perruches qui squattent les jardins publics bucarestois semblent
s’être adaptées à faire face aux conditions hivernales les plus rudes, nous explique
encore le biologiste Dani Drăgan : « Le fait le plus notable est que
l’espèce s’est en effet très bien adaptée à un climat plus froid. Il existe une
étude bien connue, qui a fait état de la capacité de survie d’un exemplaire de
perruche pendant 2 semaines à -15°. Or, ces dernières années, la Roumanie n’a
plus connu de telles périodes de basses températures en hiver, et cela est
encore plus vrai en milieu urbain. Alors, les perruches ne semblent pas trop
embêtées par notre froid hivernal. Qui plus est, l’on rencontre ce phénomène d’acclimatation
dans d’autres pays, et cela concerne des populations autrement plus
importantes. En Grande-Bretagne, en Italie, en France, en Allemagne, les
perruches s’y sont adaptées partout. Peut-être parce que, face au froid, elles
se réfugient dans les creux des arbres, et que cela les protège. Je vous le
disais, ces sont des espèces fort intelligentes ».
Malgré
tout, pour l’instant, la Roumanie compte un nombre relativement peu important d’exemplaires
de perruches en liberté, ce qui fait que leur impact sur la biodiversité
demeure marginal. Il n’empêche que si vous comptez vous promener dans les parcs
Tineretului, Carol ou Herastrau, de la capitale roumaine, ne soyez pas trop étonné
de tomber sur une perruche enjouée, gourmande et sociable, et dont vous n’auriez
jamais pu soupçonner la présence dans ce milieu. (Trad. Ionut Jugureanu)