Les conséquences de la guerre en Ukraine sur les dauphins en Mer Noire.
Plus de 80 dauphins se sont échoués sur
le littoral roumain depuis le début de l’année, soit trois fois plus que
l’année dernière à la même période. Les spécialistes qui ont étudié les
dauphins en question ont constaté que ces derniers n’avaient pas mangé depuis
longtemps, mais qu’ils ne portaient pas de blessures éventuellement provoquées
par la guerre qui se déroule actuellement dans le nord de la Mer Noire. A
l’inverse, 8 dauphins se sont échoués sur la côte bulgare, probablement blessés
et brûlés suite à l’explosion d’une bombe. Grâce à son activité au sein du
delphinarium de Constanta, Adrian Bîlbă a acquis une grande expérience. Nous
lui avons donc demandé de nous en dire davantage sur cette situation :
Ștefan Baciu, 17.06.2022, 14:56
Plus de 80 dauphins se sont échoués sur
le littoral roumain depuis le début de l’année, soit trois fois plus que
l’année dernière à la même période. Les spécialistes qui ont étudié les
dauphins en question ont constaté que ces derniers n’avaient pas mangé depuis
longtemps, mais qu’ils ne portaient pas de blessures éventuellement provoquées
par la guerre qui se déroule actuellement dans le nord de la Mer Noire. A
l’inverse, 8 dauphins se sont échoués sur la côte bulgare, probablement blessés
et brûlés suite à l’explosion d’une bombe. Grâce à son activité au sein du
delphinarium de Constanta, Adrian Bîlbă a acquis une grande expérience. Nous
lui avons donc demandé de nous en dire davantage sur cette situation :
« Il est évident que la guerre qui se
déroule dans le nord de la Mer Noire est la principale cause à ce phénomène
dont sont victimes les dauphins. Les dauphins peuvent s’habituer aux sons
produits par d’autres êtres vivants, comme l’homme, mais ils ont besoin d’un
temps d’adaptation. La guerre émet de nouveaux bruits, auxquels ils ne sont ni
habitués ni préparés. Des bruits qui sont, de surcroît, d’une grande intensité,
comme ceux émis par les sonars. Les sonars sont ces systèmes dont sont équipés
les navires et qui leur permettent de scanner les fonds marins, exactement
comme le font les dauphins. Ils vivent dans cet univers peuplé de sons, et à
ces sont s’en est ajouté un nouveau d’une grande intensité, auquel ils ne sont
pas encore habitués et qui les effraie. Normalement, à cette époque de l’année,
les dauphins migrent vers le nord de la Mer Noire, où les eaux sont peu profondes
et refroidissent plus vite, surtout en hiver (avec des températures comprises
entre 3 et 6 degrés). Ce ne sont pas des conditions idéales pour la vie des
dauphins, mais avec l’arrivée du printemps, ces eaux se réchauffent et les
poissons viennent y pondre leurs œufs. Les dauphins suivent alors ces bancs de
poissons et c’est ainsi que des troupeaux entiers arrivent dans le nord de la
Mer Noire pour se nourrir, car il est plus facile pour eux d’y attraper leurs
proies. Cette fois, au lieu de poissons, ils se sont retrouvés nez à nez avec
des navires de guerre, des bruits de combat, de sonars… des sons auxquels ils
ne sont pas habitués et qu’ils vont fuir. Ils perdent leurs repères et
s’éloignent de leurs zones de pêches habituelles et il arrive même qu’ils se
retrouvent blessés. »
Selon le docteur en sciences Adrian Bîlbă, le nombre de
dauphins morts ne reflète pas l’ampleur du phénomène
« On ne voit qu’une infime partie du
nombre de dauphins morts. En réalité il y en a des milliers, voire des dizaines
de milliers. Nous ne voyons que ceux qui viennent s’échouer sur les littoraux
roumain, bulgare, turc, éventuellement ukrainien. Seuls quelques uns meurent
dans les eaux peu profondes, là où les vagues peuvent les rejeter sur le
littoral. Même mort, même en putréfaction, le corps du dauphin ne flotte pas,
car il est très dense, ce qui le maintien sous l’eau. Cela reviendrait pour
nous à porter deux ou trois ceintures de plomb. C’est ce qui leur permet de
plonger rapidement en eaux profondes pour se nourrir. Une fois mort, leur corps
reste sous l’eau et les poissons finissent par les manger à leur tour. C’est ce
qui explique que nous ne voyions qu’une infime partie des dauphins morts. En
réalité il y en a bien plus. Il existe trois espèces de dauphins : le
marsouin (phocoena) qui est le plus petit et celui que l’on trouve le plus
souvent près des côtes. C’est l’espèce que l’on retrouve le plus souvent
échouée sur le littoral. Le grand dauphin (Delphinus delphis) et le dauphin
commun vivent quant à eux dans les eaux plus profondes, au large, et sont donc
moins visibles. Quand ils meurent ils restent au fond de l’eau, et c’est pour
cette raison qu’on les voit moins souvent sur nos côtes. Ils sont probablement
plus loin de la région nord de la Mer Noire, car ils sont plus robustes, plus
mobiles et davantage capables de parcourir de longues distances. J’espère pour
eux qu’ils sont restés davantage dans les eaux du sud de la Crimée, afin de
pouvoir se nourrir et d’éviter les zones de guerre du nord-ouest de la Mer
Noire ».
Peut-on
trouver une solution pour venir en aide aux dauphins de la Mer Noire qui
subissent les conséquences de la guerre en Ukraine ? Peut-on sauver ceux
qui s’échouent, blessés, sur nos plages ? C’est à nous de prendre nos
responsabilités afin de prendre soin de la nature qui nous entoure et qui déjà,
en temps de paix, subit les conséquences de nos décisions irresponsables.
(Trad :
Charlotte Fromenteaud)