La semaine du 04 au 10 mai 2020
Bogdan Matei, 09.05.2020, 13:32
1. Coronavirus
en Roumanie
Près de 15.000 contaminations et près d’un millier de
décès – tel est le bilan de l’épidémie de Covid-19 en Roumanie. Le président
Klaus Iohannis a mis en garde que la situation ne s’était pas améliorée et que
l’épidémie n’était pas passée. Toutefois, il a réitéré l’annonce qu’après le 15
mai, l’état d’urgence mis en place à la mi-mars serait levé et remplacé par
l’état d’alerte. Les Roumains pourront de nouveau circuler librement, sans
attestation dérogatoire. Les salons de beauté, les cabinets dentaires et les
musées vont rouvrir, mais en observant la distanciation sociale et avec
l’obligation de porter le masque. Cet accessoire devient obligatoire aussi dans
les transports en commun. Les mesures de déconfinement ne s’appliquent pas aux
localités placées en quarantaine, telles que Suceava (nord-est), Ţăndărei (sud)
et deux quartiers de Buzău (sud-est).
2. Amender les amendes
La Cour constitutionnelle de Roumanie, pour laquelle
beaucoup ont de l’antipathie et que beaucoup contestent, demeure un arbitre aux
décisions implacables. Suite à la saisine formulée par l’Avocat du peuple
(l’équivalent du Défenseur des droits français), les juges de la Cour ont
décidé que les amendes appliquées pendant l’état d’urgence pour non-respect de
la quarantaine et de la quatorzaine étaient anticonstitutionnelles. Elles ne
seront pas pour autant automatiquement annulées, mais doivent être contestées en
justice. Le premier ministre libéral Ludovic Orban considère que, par cette
décision, le gouvernement et les autres autorités sont empêchés de protéger la
santé et la vie des Roumains. Le ministre des Finances, Florin Cîţu, a tenu à
préciser que le rôle des amendes n’avait pas été de faire des recettes au
budget de l’Etat, mais de réduire le risque de propagation de l’épidémie.
Antérieurement, toutefois, son collègue de l’Intérieur, Marcel Vela, déclarait
qu’il était évident que certains policiers avaient commis des abus au moment
des vérifications relatives à la libre circulation. Depuis la mise en place de
l’état d’urgence, les amendes infligées aux citoyens roumains pour
non-observation des dispositions des autorités sont de l’équivalent de 120
millions d’euros.
3. La
CEDH versus la CCR
La procureure roumaine Laura Codruţa Kövesi a eu gain de cause à
la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), dans le procès ouvert contre
l’Etat roumain, où elle contestait sa révocation du poste de procureur en chef
de la Direction nationale anti-corruption de Roumanie. Le limogeage de la
procureure a eu lieu en 2018, lorsque la Cour constitutionnelle avait obligé le
chef de l’Etat à signer un décret en ce sens. La CEDH a décidé à
l’unanimité que Mme Kövesi s’était vu refuser le droit à un procès équitable et
le droit à la liberté d’expression, et qu’elle avait été destituée avant la fin
de son mandat à la tête de la DNA. A présent cheffe du nouveau parquet européen
chargé de lutter contre les fraudes aux fonds européens, Laura Codruţa Kövesi a
précisé qu’elle n’avait pas l’intention de demander des dommages-intérêts, car
ils seraient payés par les contribuables de Roumanie.
4. La
crise post pandémie
Dans
ses prévisions de ce printemps, la Commission européenne estime une contraction
de 6% de l’économie roumaine d’ici la fin de l’année. Cette récession
s’inscrira dans une crise économique plus vaste, la pire que l’UE ait jamais
connue. L’Union essuiera une contraction record de 7,4%, selon le commissaire
européen aux affaires économiques et monétaires, Paolo Gentiloni. A ses dires,
la Roumanie risque d’afficher un déficit budgétaire d’au moins 8%, selon le
modèle de tous les autres pays membres obligés de débloquer des liquidités pour
soutenir l’économie et protéger les emplois. Selon les prévisions économiques
de la CE, la Roumanie aura un taux d’inflation de 2,5% avant la fin de l’année,
un taux de chômage de 6,5% en 2020 et de 5,4% en 2021.
5. Une aide fraternelle
Le
jeudi, 7 mai, un convoi de 20 camions transportant des équipements sanitaires,
offerts par la Roumanie à la République de Moldova voisine, est arrivé à sa destination.
Une délégation officielle formée du ministre de la Santé,
Nelu Tătaru, du chef du Département pour les Situations d’Urgence, Raed Arafat,
et de la secrétaire d’Etat chargée de la relation avec Chişinău, Ana Guţu,
s’est rendue sur place. Le gouvernement de Bucarest a décidé d’accorder à son
voisin moldave une aide humanitaire de 3,5 millions d’euros sous forme de
médicaments, équipements et dispositifs sanitaires. Par ailleurs, la Roumanie a
envoyé en République deMoldova plusieurs
dizaines de médecins et d’infirmiers pour aider leurs confrères moldaves à
soigner les malades de COVID- 19.
6. L’autonomie en temps de pandémie
Le
Sénat de la Roumanie, en tant qu’assemblée décisionnelle, a rejeté, à une large
majorité, le projet de loi concernant le soi-disant « Pays sicule », au
centre de la Roumanie. Cette contrée serait devenue une région autonome, à
personnalité juridique. Antérieurement, le projet législatif, sous la forme
déposée par ses auteurs de l’Union démocrate des Magyars de Roumanie, avait été
adopté tacitement, donc sans débats, par les députés. Seule zone à population
majoritaire d’ethnie magyare, le Pays sicule aurait inclus les départements de
Covasna et de Harghita ainsi qu’une partie du département de Mureș ; il
aurait eu une organisation administrative séparée et ses propres institutions,
la langue hongroise aurait été utilisée en tant que langue officielle et les
symboles de la nation hongroise auraient pu être affichés. Ce fut ensuite le
tour de la Chambre des députés de rejeter un autre projet de Code
administratif, adopté tacitement par les sénateurs. Initié lui aussi par
l’UDMR, ce projet autorisait l’utilisation des langues des minorités nationales
dans l’administration locale et les institutions publiques des localités où
plus de 20% de la population appartenait à une ethnie minoritaire ; il
autorisait aussi à hisser le drapeau sicule sur les institutions publiques. Le président Klaus Iohannis a accusé avec véhémence l’opposition
sociale-démocrate, qui contrôle néanmoins les deux Chambres du Parlement, de
complicité avec l’UDMR et avec Budapest. Les leaders du Parti social-démocrate
ont contre-attaqué sur le même ton, et l’atmosphère politique s’est à nouveau
embrasée, typiquement pour une année électorale marquée par deux scrutins -
local et législatif. (Trad. : Ligia Mihăiescu, Ioana Stăncescu,
Ileana Ţăroi)