La semaine du 6 au 11 novembre 2017
Mesures fiscales et leurs retombées
Corina Cristea, 11.11.2017, 15:02
Mesures fiscales et leurs retombées
Malgré les critiques et les protestations, le gouvernement roumain a adopté cette semaine le décret d’urgence portant sur les nouvelles mesures fiscales, qui devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2018. Aux termes de la soi-disant révolution fiscale, toutes les contributions sociales seront à la charge du salarié et l’impôt sur les revenus passera de 16 à 10 %. Dans le même temps, les compagnies seront obligées de verser une contribution de 2,25% du fonds total des salaires. D’autres amendements visent à enrayer l’évasion fiscale de certaines multinationales. Par ailleurs, les cotisations au 2e pilier de retraite, géré par des institutions privées, ont été réduites de 5,1 à 3,75 %. Cette mesure est à relier à la majoration de la pension de retraite minimum, à compter du 1er juillet 2018, de 120 lei (soit environ 26 euros) et à la revalorisation du point de retraite, qui devrait augmenter de 100 lei (soit l’équivalent de 22 euros). Ceux qui s’opposent à ces mesures craignent que leur mise en œuvre n’amène la baisse des droits salariaux des employés, voire même la perte d’emplois.
La coalition au pouvoir formée du Parti social-démocrate et de l’Alliance des démocrates et des libéraux soutient que les modifications au Code fiscal amèneront des bénéfices pour les citoyens et pour les entreprises activant en Roumanie. En clair, les employés verraient augmenter leurs salaires nets sans que l’employé ait à verser plus d’argent au budget de l’Etat et puis, grâce à la hausse de la cotisation à la retraite, le montant de la pension à percevoir sera lui aussi plus conséquent. Le premier ministre Mihai Tudose considère que certaines de ces mesures vont renflouer les caisses de l’Etat et par conséquent contribuer à un meilleur financement de l’Education, de la Santé et de l’infrastructure. L’opposition libérale a sévèrement critiqué les amendements au Code fiscal et annoncé qu’elle allait lancer les démarches pour déposer une motion de censure contre le cabinet en place. Les effets sont déjà visibles: taux d’intérêt plus grands, monnaie nationale affaiblie depuis 10 mois, inflation à la hausse. Et les signaux reçus de la part de la Banque centrale ne sont point rassurants, précisent encore les représentants de l’opposition. Les syndicats ont fait savoir que les protestations se poursuivraient à l’échelle nationale et qu’ils allaient avoir recours à l’institution de l’Avocat du peuple pour tenter de bloquer le décret en question par des moyens constitutionnels. A Bucarest et dans d’autres grandes villes à travers le pays, les gens sont descendus dans la rue pour exprimer leur mécontentement.
Données sur l’économie roumaine
La Commission européenne a révisé à la hausse ses estimations sur la croissance économique et sur le déficit de la Roumanie en 2017 et 2018, et a mis en garde en même temps que les incertitudes concernant les politiques gouvernementales pourraient affecter la croissance économique. Selon les prévisions économiques d’automne rendues publiques jeudi par l’Exécutif communautaire, l’économie roumaine devrait connaître une avancée de 5,7% en 2017, à la hausse par rapport aux estimations du printemps dernier qui indiquaient une progression de 4,3%. Pour ce qui est du déficit public, il devrait se chiffrer à 3% du PIB en 2017, s’aggraver jusqu’à 3,9% en 2018 pour arriver à 4,1% en 2019.
Toujours jeudi, le gouverneur de la Banque centrale de Roumanie, Mugur Isărescu, a déclaré que la tendance à la dépréciation de la monnaie nationale, le leu, se poursuivait, précisant qu’elle enregistrait le niveau le plus faible des cinq dernières années. Il a également attiré l’attention sur le fait que l’évolution du taux de change était étroitement liée à la détérioration de la balance commerciale : Nous assistons à une tendance à la dépréciation qui s’étend dans la durée, même si les valeurs ne sont pas trop grandes et cette situation est catégoriquement liée à la situation de la balance des paiements de la Roumanie. Là je me réfère à la détérioration de la balance commerciale. Les chiffres rendus publics aujourd’hui même font état d’un déficit commercial de plus de huit milliards de dollars sur les 8 ou 9 mois de l’année en cours. C’est dire qu’un vrai problème se dessine !.
Le gouverneur de la Banque centrale de Roumanie a également déclaré que l’inflation augmenterait plus vite que prévu au printemps dernier, après quoi elle reviendrait à des valeurs plus basses. La Banque centrale a révisé à la hausse à 2,7% ses prévisions sur l’inflation pour la fin de l’année en cours, par rapport aux précédentes, qui étaient de 1,9%. Pour la fin 2018, elle table sur un taux d’inflation de 3,2%, similaire à ses estimations antérieures.
Projet de modification des lois de la Justice
Le Consei supérieur de la magistrature de Roumanie a donné son avis négatif au projet des lois de la Justice, soumis au Parlement. 11 magistrats se sont prononcés contre cette initiative législative, tandis que 7 autres ont voté favorablement. Antérieurement, la Direction d’investigation des infractions liées au crime organisé et au terrorisme, le Parquet national anti-corruption et le Parquet général s’étaient prononcés contre ce projet. Une position partagée par l’Association des procureurs de Roumanie et par le Forum des juges. Le président Klaus Iohannis a lui aussi critiqué ce projet. Certaines dispositions du document « sont bonnes, opportunes et nécessaires », mais tel n’est pas le cas pour celle prévoyant d’introduire un seuil du préjudice pour la sanction pénale du délit d’abus de fonctions, a-t-il affirmé. L’actuelle variante du projet législatif n’exclut plus le chef de l’Etat de la désignation des chefs des Parquets. En échange, le président n’aurait plus son mot à dire quand il s’agit de les révoquer.
Par ailleurs, le texte stipule la création au sein du Parquet général d’une Direction spécialisée, chargée d’enquêter sur les éventuelles infractions commises par les magistrats, ce qui diminuerait les attributions de la Direction nationale anti-corruption. Quant à l’Inspection judiciaire, elle serait subordonnée au Conseil national pour l’intégrité des juges et des procureurs, une structure qu’il reste à créer. Le projet visant la modification de la législation dans le domaine de la Justice a fait l’objet de maints débats, y compris des discussions menées cette semaine à Bruxelles par le ministre roumain de tutelle, Tudorel Toader, avec le premier vice-président de l’Exécutif communautaire, Frans Timmermans.