La semaine du 2 au 7 novembre
Tragédie dans une discothèque bucarestoise
Corina Cristea, 07.11.2015, 10:33
Une quarantaine de jeunes ont perdu la vie et près de 200 autres ont été blessés dans un incendie survenu il y a une semaine dans une discothèque de Bucarest. Organisé dans un espace inadéquat, le concert du groupe rock Goodbye to Gravity a été coupé court au moment où l’isolation phonique installée sur un pilier avoisinant la scène a pris feu, suivie tout de suite par le plafond du club. Des centaines de jeunes — 5 fois plus nombreux que le nombre permis au club en question — ont été bloqués sous les morceaux incandescents de matériel tombés du plafond. La fumée épaisse et le mélange de gaz extrêmement toxiques résulté suite l’inflammation de l’isolation phonique qui ne correspondait pas aux normes requises, à quoi s’est ajouté un nombre insuffisant de sorties de secours — tout cela a transformé le club « Colectiv » de Bucarest en un véritable piège meurtrier, surtout qu’il était situé au demi-sous-sol d’un bâtiment. Très peu de jeunes y ont échappé sains et saufs.
Un nombre impressionnant d’équipes d’intervention ont été mobilisées, elles ont été aidées par les passants, le personnel d’une maternité du voisinage et par des participants au concert qui avaient réussi à échapper aux flammes. La plupart des victimes ont été ressuscitées sur place, sur le trottoir, avant d’être réparties à différents hôpitaux. Entre temps, ayant appris ce qui s’était passé, les parents cherchaient désespérément leurs enfants. A noter qu’il y avait eu aussi des mineurs au concert, même si la loi interdit leur accès dans de tels clubs. Le secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur, Raed Arafat, a géré la situation aux côtés du ministre de la Santé, Nicolae Banicioiu. Dès leurs premières déclarations à la presse, ils ont mis en évidence le fait que la discothèque en question ne disposait pas de l’avis de fonctionnement des pompiers.
La société roumaine est toujours sous le choc. La communauté internationale n’a pas tardé à réagir, envoyant des messages de condoléances et offrant de l’aide aux blessés.
Laprès-incendie, les mesures à prendre
Lincendie meurtrier de la discothèque « Colectiv » de Bucarest a mis en lumière dimportantes lacunes législatives notamment en matière dattribution des autorisations de fonctionnement pour ce genre détablissements. Le président roumain Klaus Iohannis a appelé les responsables de lenquête sur lincident tragique du club bucarestois « Colectiv » à faire preuve dun maximum defficacité, mais aussi de fermeté et de célérité dans lapplication de la loi.
Le chef de lEtat a également demandé à lexécutif roumain de prendre en urgence les mesures nécessaires de sorte que de telles situations dramatiques ne se reproduisent plus: « Nous ne pouvons pas nous permettre de tolérer lincompétence de certaines autorités ou le manque defficience institutionnelle, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser la corruption prendre une telle ampleur jusquà devenir criminelle. Nous devons tous assumer, pleinement, le rôle de citoyens actifs et impliqués, qui agissent ensemble parce quils se sentent concernés par le sort de la société et du pays où ils vivent », a dit le président Iohannis.
En dehors des efforts pour sauver les blessés, les responsables de Bucarest se sont mobilisés pour remédier aux lacunes administratives mises au jour par ce drame. Les inspecteurs ont démarré d’amples contrôles dans les restaurants, clubs, discothèques, boîtes de nuit, cinémas, bars et centres commerciaux qui accueillent des événements. On vérifie notamment leurs autorisations de fonctionnement et d’organisation de spectacles au matériel pyrotechnique et inflammable. La législation du domaine est déjà en voie de modification, les amendes ont été durcies de manière considérable.
Par ailleurs, le maire du 4e arrondissement de Bucarest, Cristian Popescu-Piedone, qui a démissionné mercredi de ses fonctions, a été arrêté pour abus de fonction et faux. Il est accusé d’avoir délivré l’autorisation de fonctionnement du club bucarestois, alors que les administrateurs de ce dernier ne disposaient pas de l’avis de l’Inspection pour les situations d’urgence. Les trois patrons de la discothèque ont été placés en détention provisoire et font l’objet d’une enquête pour homicide et blessures involontaires. Les procureurs ont également retenu des responsables de la société ayant fourni le matériel pyrotechnique qui se trouve à lorigine de lincendie.
Démission du gouvernement de Bucarest sous la pression des protestations
Profondément marquée par les pertes de vies innocentes à cause d’un système corrompu, la société roumaine s’est mobilisée dans un effort humanitaire sans précédant, organisant une marche du silence à la mémoire de victimes. Ensuite, après 3 jours de deuil national, les Bucarestois sont sortis à nouveau dans la rue, mardi, pour une ample manifestation pacifique. 25.000 personnes ont demandé à Bucarest la démission du premier ministre Victor Ponta, du ministre de l’intérieur Gabriel Oprea, et du maire du 4e arrondissement de la capitale, Cristian Popescu Piedone — considérés comme les représentants d’une classe politique coupable de la tragédie survenue au Club « Colectiv ». Leur protestation a porté ses fruits. Mercredi matin, premier ministre a annoncé sa démission et celle de son cabinet. Le maire du 4e arrondissement a lui aussi démissionné peu après.
Toutefois, les protestations se sont poursuivies, des dizaines de milliers de personnes sont sorties dans les rues non seulement à Bucarest, mais aussi dans les grandes villes du pays, rejointes aussi par les Roumains de la diaspora. Tous dénoncent un système corrompu et demandent une réforme profonde de la classe politique dans son ensemble. « Tous les partis, la même misère !» ont scandé les manifestants. Les slogans en disent long sur la révolte de la population.
Sur cette toile de fond, le chef de l’Etat a désigné le ministre de l’Education Sorin Campeanu — premier ministre par intérim, jusqu’au moment où il prendra la décision finale suite aux consultations avec les partis parlementaires, mais aussi, en première, avec les représentants de la société civile.
Principal parti de la coalition au pouvoir, le PSD se dit en faveur d’un paquet d’objectifs économiques, sociaux et politiques à accomplir dans un proche avenir, des objectifs censés répondre aux grandes questions soulevées par la société. Dans l’opposition, le PNL estime que les élections anticipées sont la meilleure solution. (Corina Cristea, trad. Valentina Beleavski, Andrei Popov)