L’affaire Colectiv – procédure de disjonction
Daniela Budu, 15.06.2021, 12:01
En octobre 2015, la
Roumanie vivait une de ses plus grandes tragédies. Un incendie déclenché, le 30
octobre, par l’équipement de feu d’artifices installé dans une boîte de nuit de
Bucarest, tuait vingt-six personnes sur place et trente-huit autres dans des
hôpitaux locaux ou de l’étranger. Il a suffit de seulement quelques minutes
pour que le plafond et les piliers intérieurs s’embrasent. L’assistance affolée
s’est précipitée vers la seule porte d’entrée et de sortie, les gens s’écrasant
les uns les autres. Artistes, photographes, journalistes, lycéens, étudiants
roumains ou étrangers se sont retrouvés sur la liste des victimes. Le sinistre
a fait aussi quelques cent cinquante blessés.
L’Inspection pour les situations
d’urgence, les sapeurs-pompiers, la police, tous ceux qui se trouvaient sur
place ont fait des efforts désespérés pour porter secours. Sauf que la prise de
décisions a été chaotique et truffée d’erreurs, personne n’ayant été préparé
pour faire face à tel désastre. À l’époque, l’actionnaire principal de la boîte
de nuit et ses deux associés ont été arrêtés. D’autres éléments d’enquête ont
fini par mettre en cause aussi des fonctionnaires de la mairie de l’arrondissement
où fonctionnait le club, dont le maire Cristian Popescu-Piedone. Des
arrestations ont également été opérées chez le fournisseur d’équipement
pyrotechnique et parmi les personnels de l’ISU. La plupart des personnes retenues
ont été mises en examen, et, à l’issue d’un premier procès en décembre 2019,
tous les inculpés ont été condamnés à des peines de prison et à verser près de
cinquante millions d’euros de dommages et intérêts aux victimes de l’incendie.
Les
avocats des victimes ont fait appel du jugement et l’année 2021 a apporté
quelques changements. Ainsi, la Cour d’appel de Bucarest a-t-elle décidé,
lundi, de la disjonction de l’affaire Colectiv : l’ancien maire d’arrondissement,
les fonctionnaires de sa mairie et les sapeurs-pompiers seront jugés séparément
des patrons de la boîte de nuit. Ce sera à l’automne que la Cour décidera également
si les faits retenus contre les inculpés changent de catégorie, ce qui pourrait
entraîner des peines plus légères. Le procès des trois patrons du club et du
fournisseur de matériel pyrotechnique continue. Mécontents de la décision de
disjonction, les avocats des parties civiles accusent une tentative de
tergiverser le procès, l’affaire ayant fait, d’abord, l’objet d’une disjonction,
et ensuite d’une jonction. Les parties civiles – les survivants et les familles
des morts – ont protesté contre la décision des juges, qu’ils ont vivement critiquée
dans une lettre ouverte. Ils considèrent que les peines encourues ne seront pas
à la hauteur de la gravité des faits et de leurs conséquences, « ce qui
jette une ombre épaisse sur tout acte de justice en Roumanie ». (Trad.
Ileana Ţăroi)