L’indépendance de la justice, de nouveau en débat…
Leyla Cheamil, 15.12.2021, 11:55
Le cas du juge Cristi Danileț, qui vient d’être exclu de
la magistrature pour les vidéos postées sur les réseaux sociaux, a engendré
toute une série de réactions et de controverses en Roumanie. La décision du Conseil
supérieur de magistrature (CSM) n’est pas définitive. En se défendant, Cristi
Danileț affirme que les vidéos postées n’ont pas de liaison avec la Justice, ni
la profession de magistrat, mais qu’elles portent sur la vie privée. « Il
a été décidé de mon exclusion de la magistrature par le CSM, pour deux vidéos
postées l’année dernière sur Tik Tok : dans l’une je suis en train de tailler
la haie de mon jardin, dans l’autre je nettoie la piscine. Ni à l’époque, ni maintenant
je n’ai fait aucune affirmation liée à la justice et les images ne sont pas en
lien avec la profession. Ce n’est que ma vie privée, dont je ne dois rendre
compte à personne », déclare Cristi Danileț.
Pour sa part, le ministre de la Justice, Cătălin Predoiu, estime que le CSM a pris
un grand risque par cette exclusion. Si tel est le niveau d’exigence que le Conseil
souhaite imposer dorénavant, alors il faut le faire sans exception, ajoute le
ministre.
La réaction de l’Ambassade
des Etats-Unis à Bucarest n’a pas tardé non plus. Elle n’a pas hésité à exprimer
son inquiétude quant à cette décision et insister sur le fait qu’une justice indépendante
était essentielle pour toute démocratie prospère. « Nous encourageons le nouveau
gouvernement de la Roumanie de poursuivre les réformes judiciaires et anticorruption
nécessaires. Les citoyens Roumains méritent d’avoir un système de justice
indépendant, qui respecte l’Etat de droit et les valeurs démocratiques »,
lit-on dans le message de l’ambassade américaine.
Par ailleurs, le premier
ministre, Nicolae Ciuca, a rencontré la cheffe de la Représentation de la Commission
européenne à Bucarest, Ramona Chiriac, pour lui présenter les priorités de la
Roumanie en ce qui concerne le Mécanisme de coopération et de vérification en
justice (MCV), l’adhésion à l’espace Schengen et à l’OCDE. Pour rappel, créé en
2007, au moment de l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’UE, le MCV
assure le progrès des deux pays pour ce qui est de la réforme du système judiciaire,
la lutte contre la corruption et contre le crime organisé. Récemment, la vice-présidente
de la Commission européenne, Věra Jourová, se disait prête à soutenir l’accélération
des réformes en justice pour que la Roumanie puisse atteindre les objectifs du MCV,
afin que celui-ci soit levé sur la base de résultats concrets obtenus sur le
terrain.
Enfin, un autre sujet d’intérêt
est la suppression de la Section Spéciale pour l’investigation des infractions
en justice, dont l’activité a été critiquée par la Commission européenne. On soupçonne
que la vraie raison pour laquelle cette section a vu le jour, c’est pour y
transférer les cas sensibles de la Direction nationale anticorruption (DNA). En
novembre, le premier ministre Nicolae Ciuca annonçait que la nouvelle coalition
gouvernementale (PSD-PNL-UDMR) allait initier avant mars prochain un projet de
loi censé remplacer la Section Spéciale par une autre structure qui prendrait
en charge ses dossiers.
Autant de sujets qui suscitent
à nouveau de vifs débats autour de la justice roumaine. (Trad. Valentina Beleavski)