L’impôt sur les régimes spéciaux de retraite est contesté
Corina Cristea, 19.06.2020, 12:28
En sa qualité de
chambre décisionnelle, la Chambre des députés de Bucarest a donné mercredi un
avis favorable à un projet de loi visant la mise en place d’une taxe pour les régimes
spéciaux de retraite. Adopté par le Sénat en 2019, le projet a été soutenu par
tous les groupes parlementaires. C’est une démarche correcte pour la société affirment
les parlementaires, dans le contexte où certains écarts entre les pensions de
retraite civiles et les retraites figurant dans les lois spéciales sont hallucinants.
Le cas le plus médiatisé est celui d’une pension de 15.000 euros, la plus
grande de Roumanie, à laquelle a droit un ancien procureur communiste, qui a été
le commandant d’un pénitencier. Cela, dans le contexte où la pension moyenne en
Roumanie est d’environ 250 euros.
Désormais, selon
un amendement avancé par le Parti social-démocrate (PSD) et l’Union Sauvez la
Roumanie (USR) (d’opposition) et par le Parti National Libéral (PNL) (à la
gouvernance), les retraites inférieures à 2000 lei (410 euros) seront exemptées
d’impôt. Une taxe de 10% concerne les sommes allant de 2000 à 7000 lei (jusqu’à
1450 euros). Enfin un impôt de 85% sera prélevé aux pensions de retraite
dépassant les 7001 lei.
Parmi ceux qui
bénéficient de ces régimes spéciaux de retraite en Roumanie l’on retrouve,
entre autres, les juges et les procureurs, les parlementaires et les maires.
Les retraites de militaires sont elles aussi visées par un régime spécial. Le
projet adopté mercredi n’incluait pas les sénateurs et les députés, car cela
aurait signifié une modification de leur statut. Toutefois, jeudi, le Parlement
est revenu sur sa décision, en votant une modification du Code fiscal qui
prévoit l’imposition progressive des retraites des parlementaires.
En désaccord avec
la majorité, mais en vain, en fin de compte, l’USR a plaidé pour l’introduction
d’un projet de loi portant sur l’abrogation des régimes spéciaux des retraites
des parlementaires, expliquant le fait que leur imposition via le Code fiscal
ne devait pas être soumise au plénum réuni du Parlement. Cela entraînerait son
rejet par la Cour Constitutionnelle (CCR), parce qu’en fait, la même loi a été
votée 2 fois au Parlement – une fois par la Chambre des Députés, en tant que
chambre décisionnelle, et une fois au plénum réuni comme modification du Code
fiscal, explique encore Dan Barna, chef de l’USR. Il accuse : « c’est comme un
film où l’on met de la dynamite à la fondation constitutionnelle de la loi, en
s’assurant que la Cour Constitutionnelle la rejette ».
De l’autre côté
de la barricade, le PSD et le PNL ont expliqué à leur tour qu’il existe
plusieurs décisions de la CCR qui exigent que la modification du statut des parlementaires soit
faite dans la séance commune du Législatif. Les deux partis ont réitéré le fait
que l’impôt sur les régimes spéciaux des retraites rendait justice à la société
et se sont dit surpris par le fait que l’USR s’y est opposé.
Comme on s’y
attendait, la CCR a été saisie à ce sujet par la Haute cour de cassation et de
justice et par l’Avocat du Peuple (équivalent du Défenseur des droits). Selon
la Haute cour, cette loi ne prend pas en compte plusieurs décisions successives
de la CCR, le Conseil supérieur de la magistrature n’a pas été consulté et plusieurs
principes sont ignorés, tels celui d’un impôt fiscal juste et équitable et celui
de l’indépendance des juges.
Notons que le mois
dernier, la CCR avait rejeté un autre acte normatif portant sur l’abrogation
des régimes spéciaux des pensions de retraite, en admettant deux saisines déposées
toujours par la Haute cour de cassation et de justice et par l’Avocat du Peuple.( Trad. Valentina Beleavski)