Dissensions au sein du principal parti au pouvoir à Bucarest
Moins de six mois se sont écoulés depuis que les sociaux-démocrates réunis à Bucarest répondaient par un « oui » enthousiaste et un tonnerre d’applaudissements – rappelant les approbations à l’unanimité de l’époque communiste – à la question de leur leader suprême, Liviu Dragnea, à savoir s’ils souhaitaient qu’il reste leur président.
Ştefan Stoica, 20.09.2018, 12:53
Moins de six mois se sont écoulés depuis que les sociaux-démocrates réunis à Bucarest répondaient par un « oui » enthousiaste et un tonnerre d’applaudissements – rappelant les approbations à l’unanimité de l’époque communiste – à la question de leur leader suprême, Liviu Dragnea, à savoir s’ils souhaitaient qu’il reste leur président.
Depuis, la situation a changé de façon dramatique. Trois vice-présidents du parti – le vice-premier ministre Paul Stănescu, le maire de Bucarest, Gabriela Firea, et le vice-président du Sénat, Adrian Ţuţuianu, ont signé une déclaration commune demandant à Liviu Dragnea de quitter la présidence du parti et de la Chambre des Députés. Considéré comme l’artisan du triomphe électoral de 2016, lorsque le Parti Social Démocrate (PSD) a remporté presque la majorité aux législatives et, pour la première fois, la mairie de la capitale, Liviu Dragnea est vu à présent comme un point vulnérable du parti et de la coalition au pouvoir, constituée du PSD et de l’Alliance des libéraux et des démocrates (ALDE). Cette vulnérabilité est tout d’abord d’ordre juridique – affirment les signataires de la déclaration – en raison des procès dans lesquels il est poursuivi pour corruption.
De l’avis des contestataires, cela porterait atteinte à la légitimité des efforts du PSD et de la majorité parlementaire de réformer la justice, vu que toute la démarche est perçue comme profitant à Liviu Dragnea et à ses associés. Les leaders du PSD lui reprochent également d’exercer un pouvoir discrétionnaire au sein du parti, ils lui imputent les conflits intérieurs, soldés par le limogeage de deux premiers ministres – dont un, de manière tout à fait inaccoutumée, par motion de censure – ainsi que ses relations conflictuelles avec l’opposition, avec le chef de l’Etat Klaus Iohannis, avec les services secrets, avec le Parquet général et la Direction nationale Anticorruption. Tout cela a augmenté la méfiance de l’électorat, la cote de popularité du parti ayant baissé dans les sondages, malgré la croissance économique du pays.
Le document jouit d’un large soutien au niveau des organisations locales du parti – affirme Adrian Ţuţuianu: « C’est une lettre qui tire la sonnette d’alarme. Nous avons lancé un appel public à tous les parlementaires du PSD, à tous les chefs de filiales, aux présidents des conseils départementaux, aux maires sociaux-démocrates, aux conseillers locaux, aux conseillers départementaux, les exhortant à nous rejoindre dans cette démarche qui n’est fondée sur aucun intérêt autre que les intérêts nationaux et ceux du PSD. Ce n’est pas le moment d’aborder la question de la présidence du parti. Nous nous prononcerons là-dessus vendredi, dans la réunion du Comité exécutif national et vous aurez à ce moment-là tous les détails ».
La première réaction de Liviu Dragnea n’a pas été un simple exercice de sarcasme, elle était aussi la promesse d’une lutte sans merci pour garder sa place à la tête du parti.
Liviu Dragnea: « Je vais donner cours à la demande de lire cette épître. Je ne l’ai pas lue en entier, mais de ce que j’ai déjà réussi à lire jusqu’ici, j’ai compris quel est, en fait, le plus grand souci : ne plus nous bagarrer avec Iohannis, en fait nous aligner sur Iohannis, sur le Service Roumain d’Informations (SRI), sur le Service de garde et de protection (SPP), sur la Direction nationale anticorruption (DNA) et sur les partis d’opposition. Moi, en tant que président, je ne pourrais pas agir et je n’agirai jamais de façon à ce que ce parti devienne un instrument de ces institutions qui ne doivent pas s’impliquer dans la politique. Pour le reste, à l’occasion de la réunion du Comité exécutif je parlerai bien, beaucoup et je mettrai les points sur les i ».
Les partis de droite voient dans cette lutte au sommet au sein du PSD un règlement de comptes. Ils ont pourtant à se reprocher le fait que la véritable opposition au PSD vient toujours des rangs du PSD. (Trad. Dominique)