Le Commission de Venise s’exprime sur les lois de la justice de Roumanie
Bogdan Matei, 16.07.2018, 12:37
Cela fait un an et demi que la justice est au centre des débats
publics les plus vifs connus par la Roumanie. La coalition gouvernementale Parti
social-démocrate (PSD) – Alliance des libéraux et des démocrates (ALDE) affirme
qu’en modifiant les lois du fonctionnement du système judiciaire et les lois
pénales, elle ne fait qu’obéir aux décisions de la Cour constitutionnelle et de
la Cour européenne des droits de l’homme (CEDO). L’opposition politique de
droite, la société civile et les médias répliquent en affirmant que l’enjeu de
tous ces changements est de subordonner les magistrats et d’arrêter la lutte
contre la corruption et contre l’infractionnalité en général.
Les deux camps
ont fini par recourir à l’arbitrage extérieur de la Commission de Venise,
organisme consultatif du Conseil de l’Europe, dont les avis sont généralement
respectés par les Etats membres. Or, dans une première prise de position, la
Commission avertit du danger que les amendements aux trois lois de
l’organisation judiciaire sapent très probablement l’indépendance des juges et
des procureurs roumains ainsi que la confiance du public en la justice. Les
experts de la Commission recommandent que la procédure de désignation des chefs
des parquets garde un équilibre entre les pouvoirs du chef de l’Etat, ceux du
Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et ceux du ministre de la justice.
Ils se déclarent aussi inquiets de la limitation de la liberté d’expression
dans le cas des magistrats, de la mise en place d’une structure d’investigation
des activités menées par ceux-ci et de la diminution du rôle du CSM en tant que
garant de l’indépendance de la justice. Bien
que certaines modifications aient été adoptées suite aux décisions de la Cour constitutionnelle,
il est difficile d’éviter le danger que celles-ci portent atteinte à
l’indépendance du système judiciaire que et nuisent à la lutte contre la
corruption, avertit l’organisme européen.
Critique virulent des politiques dans
ce domaine menées par la gauche, le chef de l’Etat, Klaus Iohannis,
affirme que le document élaboré par la Commission de Venise représente un
signal inquiétant pour l’indépendance de la justice. Le rapport préliminaire,
affirme-t-il, ne fait que confirmer l’opinion de la société civile, du CSM et
des magistrats, montrant aussi le bien-fondé des saisines d’inconstitutionnalité
et des demandes de réexamen formulées au sujet de ces lois. Le Parti national
libéral, première voix de l’opposition, demande à la Cour constitutionnelle de
prendre acte du rapport préliminaire sur les lois de la justice, qui doivent,
selon lui, faire l’objet de nouveaux débats au Parlement du pays. L’Union Sauvez
la Roumanie et le Parti du Mouvement populaire partage ce point de vue.
Par
contre, les élus sociaux-démocrates experts en droit considèrent que l’opinion
préliminaire contredit l’opposition et le président de la République et affirme
que les lois de la justice ne doivent pas être modifiées. En plus, ce document,
qui n’est pas officiel, contredit un rapport antérieur de la même Commission de
Venise sur les normes européennes en matière d’indépendance du système
judiciaire. Les avertissement des experts étrangers sont qualifiés d’opinion
politique inconsistante par le leader démocrate-libéral et président du Sénat,
Călin Popescu-Tăriceanu. La Commission de Venise rendra son évaluation finale à
l’automne. (Trad. Ileana Ţăroi)