La Justice roumaine en débat au PE
L’âpre différend national suscité par la modification des lois régissant le fonctionnement du système judiciaire de Roumanie a franchi cette semaine les frontières du pays pour se déplacer au plénum du Parlement Européen. Persuadé du fait que l’UE en avait été mal informée, le ministre roumain de la Justice, Tudorel Toader, s’est rendu à Strasbourg avant le débat pour présenter la situation au vice-premier ministre de la Commission Européenne, Frans Timmermans.
Roxana Vasile, 08.02.2018, 13:05
L’âpre différend national suscité par la modification des lois régissant le fonctionnement du système judiciaire de Roumanie a franchi cette semaine les frontières du pays pour se déplacer au plénum du Parlement Européen. Persuadé du fait que l’UE en avait été mal informée, le ministre roumain de la Justice, Tudorel Toader, s’est rendu à Strasbourg avant le débat pour présenter la situation au vice-premier ministre de la Commission Européenne, Frans Timmermans.
Tudorel Toader: « J’ai parlé environ 70 minutes avec M Timmermans. Ce fut une discussion ciblée sur les lois de la Justice. Je l’ai dit à maintes reprises et je le répète : que chacun se manifeste dans les limites de ses compétences. »
A l’issue du débat, qui s’est tenu en présence de la commissaire européenne à la Justice, Vera Jurova, le ministre Tudorel Toader a qualifié de « politisées» les discussions et promis de dresser une liste des non-vérités mentionnées.
Dans le camp des opposants du Parti Social Démocrate (PSD) (au pouvoir), Traian Ungureanu, député européen au sein du Parti Populaire Européen (PPE), a lancé : « Le PSD a remporté les élections après avoir promis de l’argent, de la prospérité ; il a promis la lune… Première décision du gouvernement : modifier les lois visant des infractions qui figurent dans les enquêtes concernant ses leaders. L’abus de fonction a été supprimé et on a relevé le seuil au delà duquel un délit est considéré comme dilapidation. Suite aux modifications opérées par le PSD sur les lois de la Justice, les procureurs deviennent de simples investigateurs à la merci de leurs supérieurs, alors que les enquêtes sont soumises à un nouvel organisme de contrôle ».
A son tour, Cristian Preda, un autre membre du PPE a précisé: « Au moment où MM Jean-Claude Junker et Frans Timmermans ont demandé au gouvernement roumain de consulter la Commission de Venise, qui a été le premier à dire « Ce n’est pas nécessaire ! » ? M Tudorel Toader lui – même, alors qu’il est membre de cette Commission (et ministre de la Justice) ».
Parmi les voix favorables à la modification des lois de la Justice, la députée européenne roumaine Norica Nicolai, membre du groupe des Libéraux et des Démocrates Européens a accusé : « La présomption d’innocence, les droits et les libertés pendant la procédure pénale ne sont – elles pas des garanties protégées par l’UE ? Qu’avez-vous fait, Mme la commissaire, lorsque des centaines de personnes ont été envoyées en prison, puis acquittées ? Ou encore, lorsque de nombreux citoyens ont été placés sur écoute téléphonique, au mépris de la loi? Qu’avez-vous fait, Mme la commissaire, quand les services de renseignement, qui n’ont pas d’attributions dans les procédures pénales, y sont intervenus ? »
Un autre membre du groupe des Libéraux et des Démocrates Européens, Mircea Diaconu, a exprimé lui aussi son inquiétude à l’égard de l’Etat de droit en Roumanie : « Conformément à notre Constitution, le Parlement est celui qui peut trouver une solution à ces problèmes. Il ne doit demander l’avis de personne et ne peut être censuré que par la Cour Constitutionnelle, qui fonctionne bien. A mon avis, il n’y a plus rien à discuter. Je voudrais juste ajouter que je suis pour l’indépendance de la justice, mais aussi et surtout pour l’indépendance de la Roumanie».
A la fin du débat de Strasbourg, la commissaire à la Justice, Vera Jurova, a réitéré l’appel de la Commission Européenne au Parlement de Bucarest à rouvrir le débat sur les modifications des lois de la justice, à les aligner sur les recommandations de l’UE et à obtenir un consensus. (Trad. Valentina Beleavski)