Nouvelles protestations massives en Roumanie
Sous la giboulée et la neige tombante, dans le froid, l’humidité et les ténèbres, des dizaines de milliers de personnes sont descendues, samedi soir, de nouveau dans la rue, à Bucarest, dans d’autres grandes villes du pays ainsi que dans la diaspora, pour protester contre la corruption de la classe politique, contre la modification des lois de la justice et les mesures fiscales adoptées par le gouvernement. En première, des groupes massifs de protestataires venus de province en voiture, en train ou même à pied se sont joints à la manifestation de Bucarest. C’est un fait plutôt inhabituel pour les manifestations civiques organisées jusqu’à maintenant, d’habitude pacifiques, que des incidents violents se soient produits entre une partie des protestataires et les forces de l’ordre. Certains analystes y voient la frustration et l’exaspération des participants. Des manifestants ont déclaré aux reporters de Radio Roumanie :
Bogdan Matei, 22.01.2018, 13:10
Voix 1 : « Cette bande de mafieux du PSD veut accaparer la justice et je suis sorti pour défendre la justice et la démocratie. Nous pensons que ces mafieux ne représentent pas les intérêts de la Roumanie. »
Voix 2 : « Ils sont tachés. Tout le gouvernement est taché et c’est pourquoi il doit partir. Que des gens honnêtes viennent les remplacer, qui tiennent vraiment à la démocratie européenne. »
Voix 3 : « Ils ne tiennent pas compte de tout ce monde ? Nous ne sommes pas manipulés. C’est tout simplement l’esprit civique qui nous anime, c’est pourquoi nous sortons. »
Exprimée de manière véhémente aussi aux protestations qui ont jalonné toute l’année dernière, la principale crainte des manifestants, c’est que la majorité gouvernementale, assistée par l’UDMR, essaie de se subordonner les magistrats et de mettre fin à la lutte contre la corruption. Les soupçons ont été alimentés par les modifications que le Pouvoir a apporté en décembre aux lois de la Justice, avec une rapidité inhabituelle pour un parlement qui d’habitude légifère plutôt lentement. Ces dernières ont été critiquées tant par l’opposition de droite, par le président Klaus Iohannis que par la presse et par certains partenaires occidentaux de la Roumanie. En réplique, au parlement, au gouvernement, dans les médias, les voix du Pouvoir répètent que les lois devaient être revues pour être harmonisées avec les décisions de la Cour constitutionnelle de la Roumanie et avec les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Là, Bucarest a perdu de nombreux procès à cause des anomalies dans les juridictions ou dans les prisons.
Les protestations de Bucarest ont de nouveau été reflétées par la presse internationale. La chaîne de télévision Euronews a diffusé en direct l’apogée de la manifestation devant le parlement. Le New York Times écrit qu’« en dépit de la neige tombante et des températures proches de 0° », les protestataires se sont rassemblés de nouveau dans la centre de la capitale. Il rappelle que « l’année dernière, les plus amples protestations des dernières dizaines d’années ont eu lieu en Roumanie, après que le gouvernement eut pris des mesures pour décriminaliser certaines infractions de corruption. » Quant à elle, la Gazeta Wyborcza de Varsovie se demande si « la Roumanie n’emboîterait pas les pas de la Pologne et de la Hongrie » en adoptant des dispositions législatives « qui affaiblissent les enquêtes pour corruption et réduisent l’indépendance de la justice. » (Trad.: Ligia)