Réforme judiciaire controversée
Le projet de réforme en profondeur du système judiciaire roumain présenté mercredi par le ministre de tutelle, Tudorel Toader, a suscité une levée de boucliers à travers le pays. Le président Klaus Iohannis n’a pas mâché ses mots – pour lui, il s’agit tout simplement « d’une attaque contre l’Etat de droit ».
Corina Cristea, 24.08.2017, 14:00
Le projet de réforme en profondeur du système judiciaire roumain présenté mercredi par le ministre de tutelle, Tudorel Toader, a suscité une levée de boucliers à travers le pays. Le président Klaus Iohannis n’a pas mâché ses mots – pour lui, il s’agit tout simplement « d’une attaque contre l’Etat de droit ».
Ce projet fait surface seulement six mois après une tentative du gouvernement de centre-gauche de la coalition PSD-ALDE d’adoucir les lois anti-corruption. Entre autres, il enlève une partie des compétences au Parquet anticorruption, qui ne peut plus enquêter les juges. Les changements envisagés sont multiples, allant de la manière dont sont nommés les procureurs en chef des principaux parquets et jusqu’à la création d’une unité spéciale d’investigation des délits des magistrats.
« Si ce mélange de mesures est adopté par le gouvernement et avalisé par le Parlement, les efforts faits par la Roumanie durant ces dix dernières années seront pratiquement effacés et la justice roumaine retournera à l’époque où elle était soumise au politique », a martelé le président Iohannis. Aux termes des lois en vigueur, le chef de l’Etat désigne les procureurs en chef sur la proposition du ministre de la Justice et avec l’avis consultatif du Conseil supérieur de la magistrature, l’organisme qui veille à l’indépendance du secteur. Les nouvelles propositions écartent le président de ce processus.
Dans le même temps, Tudorel Toader propose que le ministre de la Justice, dont la fonction est politique, reprenne du Conseil supérieur de la magistrature la tutelle de l’Inspection judiciaire, organisme de contrôle des magistrats. Ces derniers, de même que les analystes, tirent la sonnette d’alarme mettant en garde contre d’éventuelles ingérences du politique en justice. Pour sa part, le Parquet général s’est dit préoccupé par ces propositions, indiquant que les procureurs n’avaient pas été consultés lors de l’élaboration des textes.
Même contrariété du côté politique aussi. Le Parti national libéral, principale formation d’opposition, qualifie ce projet d’anticonstitutionnel, estimant que les partis au pouvoir tentent de se faire assujettir la justice, en méprisant aussi bien la volonté des centaines de milliers de Roumains descendus dans le rue en début d’année, que les engagements internationaux assumés par le pays. Condamnation ferme de cette réforme par l’Union Sauvez la Roumanie aussi – elle a annoncé qu’elle préparait une motion simple contre le ministre de la Justice.
En revanche, les eurodéputés roumains semblent divisés sur la question. L’ancienne ministre de la justice, Norica Nicolai (ALDE), affirme que ce projet est un bon point de départ, l’adoption rapide des actes réglementaires en question permettant de les appliquer dès 2018, ce qui aura pour effet, selon elle, la levée du Mécanisme de coopération et de vérification. Par contre, une autre ancienne ministre de la justice, Monica Macovei (centre-droit), considère que le projet du ministre Tudorel Toader propose « des modifications fatales pour la justice et pour le pays ». (trad. : Andrei Popov)